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« La place d’une autre », un film romanesque sur la destinée sociale

Pour son troisième long-métrage, Aurélia Georges raconte une histoire d’amour filial inattendu entre deux femmes de catégories sociales différentes. Elle livre un récit romanesque sur l’injustice sociale. Entretien.

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« La place d’une autre », un film romanesque sur la destinée sociale

Nélie (Lyna Khoudri) a échappé à une existence misérable en devenant infirmière auxiliaire sur le front en 1914. Un jour, elle prend l’identité de Rose (Maud Wyler), une jeune femme qu’elle a vue mourir sous ses yeux alors qu’elle était promise à un meilleur avenir. Nélie se présente à sa place chez une riche veuve, Eléonore (Sabine Azéma), dont elle devient la lectrice. Le mensonge fonctionne au‑delà de ses espérances. Adapté du roman de Wilkie Collins, The new Magdalen, de 1873, le film aborde la problématique toujours contemporaine de la destinée sociale, dans un récit à la fois romanesque et subtil.

La bande-annonce de « La place d’une autre »

Rue89 Strasbourg: Qu’est-ce qui vous a poussé à adapter le roman de Wilkie Collins The new Magdalen ?

Aurélia Georges: Il y a plusieurs choses, c’est un récit très riche. D’abord la question du transfuge social, qui est une question toujours brûlante aujourd’hui et puis c’est une histoire de femmes, les questions qu’elles se posent sont des questions d’êtres humains. Le récit est original et haletant, avec un dilemme moral incroyable : c’est l’histoire d’une menteuse sincère ! Elle n’a aucune intention de nuire mais elle se place de fait dans un endroit très inconfortable. Être obligée de mentir à des gens qui vous accueillent la met dans une position intenable. Et le romanesque de cette histoire m’a plu, et je l’ai appuyé, notamment à la fin : au fond c’est une histoire d’amour filial, bouleversante et qui n’était pas écrite d’avance.

Le roman se déroule pendant la guerre franco-prussienne de 1870, pourquoi avoir préféré la Première guerre mondiale pour votre histoire ?

Je voulais rapprocher l’histoire de nous, la Première guerre mondiale nous est plus familière mais c’est aussi une période plus moderne et de transition plus nette pour les femmes.

Le choix de Lyna Khoudri peut paraître audacieux puisque c’est une jeune actrice franco-algérienne, alors qu’elle interprète une jeune fille sensée venir d’une famille bourgeoise suisse du début du siècle. Mais ça fonctionne complètement, et cela renforce le fait qu’Éléonore (Sabine Azéma) ne veut pas voir qu’elle n’est pas la personne qu’elle dit être.

Énormément d’actrices françaises pourraient être d’origine étrangère et ont joué tous les rôles. En France, il y a tous les types physiques. Je l’ai choisie pour elle-même, ses qualités d’actrices et ses traits. Ce qui m’intéressait était d’offrir à cette jeune comédienne son premier rôle classique, en costume.

Nélie (Lyna Khoudri) et Eléonore Photo : Sabine Azéma

Comment avez-vous travaillé la reconstitution historique ?

Je voulais quelque chose qui soit évocateur, surtout pas de reconstitution empesée, pléthorique. La maison par exemple est un mélange de plusieurs époques car le lieu où l’on vit est souvent le fruit de plusieurs générations différentes. Pour la lumière, nous avons travaillé sur le clair-obscur : cela nous a permis de créer des zones d’ombres et une atmosphère plus inquiétante.

Comment s’est passé le financement de ce film ? Je pose cette question pour comprendre quel cinéma français est soutenu aujourd’hui.

Il a pris du temps, notamment parce que je suis mal identifiée par les financeurs : je n’avais réalisé que deux films en 13 ans et ils étaient restés assez confidentiels. S’ajoute à cela une proposition de récit assez classique, inattendue pour une cinéaste venant de la marge. Nous n’avons pas obtenu l’Avance sur Recettes du CNC (Centre …etc), ce qui est dommage, parce qu’il y a encore peu de films sur des femmes et réalisés par des femmes. Mais nous avons eu le soutien de la Région Grand Est, de Canal+ et d’Arte.


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