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Le tribunal annule la dématérialisation forcée des demandes de titres de séjour

Le tribunal administratif a annulé des décisions de la préfecture du Bas-Rhin qui contraignaient les ressortissants étrangers à utiliser la voie numérique pour leurs procédures. La Cimade et d’autres associations dénonçaient des difficultés d’accès et une invisibilisation des étrangers.

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Le tribunal annule la dématérialisation forcée des demandes de titres de séjour

Dans un communiqué publié mardi soir, le tribunal administratif de Strasbourg a indiqué qu’il avait décidé l’annulation d’une série de mesures prises par la préfecture du Bas-Rhin, obligeant les étrangers à utiliser le numérique dans le traitement de leurs demandes de titres de séjour.

C’est une victoire pour les associations d’aide aux étrangers, dont La Cimade et la Ligue des droits de l’Homme, qui avaient saisi le tribunal sur cette question (voir notre article initial). Lors de l’audience, qui s’est déroulée le 22 février, le rapporteur public, un magistrat chargé de proposer une solution au tribunal, avait déjà préconisé cette annulation (voir le compte-rendu de l’audience).

Des dispositions annexes qui interrogent

Avocate pour La Cimade et intervenant régulièrement en défense des étrangers, Me Typhaine Elsaesser réagit :

« La rapidité par laquelle le jugement a été rendu est surprenante ! Le tribunal nous a suivi sur certains points mais c’est un jugement en demi-teinte, puisque les regards restent tournés vers le Conseil d’État. Est-ce que le tribunal a voulu rendre un jugement symbolique, par lequel il prend position en retenant l’illégalité des téléservices pour les étrangers, ou est-ce qu’il a voulu rapidement juger cette affaire pour passer le relai de ce dossier sensible à la Cour administrative d’appel de Nancy ? »

Car le tribunal administratif a assorti sa décision de quelques dispositions, par « souci de sécurité juridique » indique-t-il. D’abord, les « situations constituées antérieurement au jugement ne seront pas affectées par cette annulation ». Mais surtout, sa décision ne prendra effet qu’au 1er juillet 2022, soit après le délai d’appel mais surtout à une date qui donne au Conseil d’État l’opportunité de se prononcer sur cette question… qui a vocation à faire jurisprudence en France.

File d’attente devant les guichets de la préfecture du Bas-Rhin en février 2021 Photo : Abdesslam Mirdass / Rue89 Strasbourg / cc

Dans les motivations de sa décision, le tribunal considère que les procédures dématérialisées de prises de rendez-vous et de pré-demandes « n’ont pas été instaurées conformément au règlement sur les téléservices. Ces procédures auraient dû être créées par un acte réglementaire publié et précédé de la transmission d’un engagement de conformité à la Commission nationale Informatique et liberté (CNIL) ».

En outre, le tribunal considère que les demandes relatives au droit au séjour en France sont « en principe exclues du droit de saisir l’administration par voie électronique et qu’elles portent atteinte à l’obligation de comparution personnelle du demandeur prévue par le code de l’entrée et du séjour des étrangers et du droit d’asile. »

Les associations avaient tenté de démontrer, lors de l’audience, que les étrangers se retrouvaient piégés et seuls face à des procédures complexes dont ils ne comprenaient pas le sens. La préfecture du Bas-Rhin dispose de deux mois pour faire appel de cette décision.


#préfecture du Bas-Rhin

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