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La gauche de Strasbourg de retour à l’Assemblée nationale

Au terme de seconds tours serrés, la Nupes sort vainqueur de la bataille de Strasbourg en remportant deux circonscriptions sur trois. En 2017, elle avait disparu lorsque « En Marche » était le parti des métropoles. Rue89 Strasbourg a suivi les deux duels Nupes-Ensemble les plus indécis.

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La gauche de Strasbourg de retour à l’Assemblée nationale

En 2017, les députés sortants Éric Elkouby et Philippe Bies, tous deux au PS, étaient balayés par la vague « En Marche », dans les 1ère et 2e circonscriptions du Bas-Rhin, au centre et au sud de Strasbourg. Cinq ans plus tard, Emmanuel Macron est toujours président de la République, mais c’est dans ces deux circonscriptions que la gauche, via la coalition de la Nouvelle union populaire écologique et sociale (Nupes), retrouve deux sièges. Ainsi, Sandra Regol (EE-LV) et Emmanuel Fernandes (LFI) vont découvrir l’Assemblée nationale. Ils siègeront dans l’opposition à Emmanuel Macron, dans un hémicycle où aucun parti n’a de majorité absolue. Comme dans beaucoup de métropoles françaises, la majorité présidentielle a reculé par rapport à 2017, au profit de l’union de la gauche.

Au nord de Strasbourg, dans une circonscription plus marquée à droite, Bruno Studer (Renaissance) est, lui, réélu confortablement avec 54,53% des voix. Une avance moins nette que celle qu’il avait obtenu en 2017 (59,77% face à un candidat LR) et « un score pas si dégueulasse » pour son challenger Sébastien Mas (LFI) au micro de France 3 Alsace. Suppléant d’une candidate LFI il y a 5 ans, il n’avait pas connu le second tour.

La « une », concentré d’intrigues strasbourgeoises

En tête avec près de 3 000 voix d’avance au premier tour, Sandra Regol s’attendait à se faire rattraper suite aux différents appels des candidats éliminés à voter pour son concurrent Alain Fontanel (Renaissance). La circonscription 1 est celle qui concentre le plus d’intrigues locales. La candidate de la Nupes est une écologiste, comme la maire Jeanne Barseghian. Quant à Alain Fontanel, le favori battu aux municipales de 2020, une victoire dans cette circonscription difficile lui aurait donné du crédit politique. Le leader de l’opposition n’a d’ailleurs pas hésité à critiquer Jeanne Barseghian dans sa campagne, dans le but d’atteindre Sandra Regol.

Les militants et sympathisants de la Nupes se sont donnés rendez-vous à la Taverne Française pour cette soirée électorale. Avant 20h, l’ambiance à l’extérieur était détendue et les pronostics allaient bon train quant aux résultats. Aux alentours de 20h, Sandra Regol, arrive à son QG du soir. L’occasion d’échanger avec les sympathisants présents, tout en gardant un œil sur les premiers résultats qui tombent au compte-gouttes. Lorsqu’elle quitte l’avenue de la Marseillaise pour France 3 Alsace, sa victoire n’est pas acquise. Les soutiens, eux, affluent pour atteindre une centaine de personnes, pour la plupart amassés dehors.

Au fond du bar, dans une salle sombre, les plus fervents militants suivent en direct à la télé les résultats nationaux. Chaque annonce d’un candidat Nupes élu est suivie par son lot d’applaudissement. Les slogans « on va gagner » ou bien encore « Sandra présidente » fusent à travers le bar, signe d’un optimisme croissant. Les scores des circonscriptions alsaciennes tombent les uns après les autres, mais « la une » est celle qui se fait le plus attendre.

« Des signes d’échec de la Ve République »

De son côté, Alain Fontanel a préféré une ambiance plus confidentielle. Le candidat « Ensemble ! » a passé la première partie de la soirée à la brasserie du Tigre, rue du Faubourg-National, comme au premier tour. Son équipe bloque l’accès à la terrasse privatisée aux journalistes, en expliquant que le candidat ne souhaite pas s’exprimer avant son passage à France 3 Alsace. À travers les vitres, on devine une vingtaine de personnes et une atmosphère silencieuse. Les résultats sont encore trop incertains. Les premiers bureaux de vote dépouillés, à l’ouest de la ville, ont fortement voté pour Sandra Regol, mais ceux qui restent sont censés être plus favorables à Alain Fontanel. Et la participation y est plus forte.

Retour à la Taverne Française. Cette fois, c’est sûr, Sandra Regol ne sera plus rattrapée. Lucas, Maxime et Léa, se félicitent de ce résultat. « Ça donne de l’espoir et de la motivation pour la suite », confie Lucas. De son côté, Léa relativise la victoire strasbourgeoise :

« Il ne faut pas perdre de vue que le RN a fait un score historiquement haut à l’échelle nationale. Et puis l’abstention reste très élevée. Ce sont des signes d’échec de la Ve République ».

En sortant du plateau de France 3, Alain Fontanel rappelle qu’il s’était placé en « challenger » et souligne « une remontée très forte », puisqu’il échoue à moins de 900 voix. Il relève les grands écarts selon les bureaux de vote « des quartiers entiers ont voté à plus de 70% pour moi, d’autres à plus de 70% pour Sandra Regol ». Le témoin « d’une fracture dans notre ville » pour l’ancien premier adjoint au maire.

Aux alentours de 23h, les quatre candidats de la Nupes dans le Bas-Rhin donnent rendez-vous à leurs militants place Kléber dans le centre-ville pour célébrer les victoires de Sandra Regol et Emmanuel Fernandes. Une centaine de personnes convergent, à l’heure où les températures nocturnes deviennent agréables, après ce dimanche caniculaire. Avec, pour clôturer cette soirée électorale, l’Internationale reprise en cœur par les soutiens de l’union de la gauche.

Dans la circonscription 2, une nouvelle tête supplante le sortant

Après avoir tenté de marquer sa différence avec la Nupes sur l’Union européenne, Sylvain Waserman (Modem) a subitement axé ses deux derniers jours de campagne sur la question du Concordat et du droit des cultes qui en découle. La France insoumise et Jean-Luc Mélenchon y sont opposés, même la coalition de gauche n’a pas érigé ce dossier parmi ses priorités (voir notre article). Sylvain Waserman avait fini par qualifier ce second tour de « référendum pour le Concordat ». Distancé de plus de 2 200 voix, il rattrape une partie de son retard, mais ce n’est pas suffisant. Emmanuel Fernandes (LFI) l’emporte avec 51,23%, soit un peu plus de 800 voix d’avance.

La soirée avait pourtant bien commencé. Au local de campagne, une quinzaine de militants sont venus soutenir le candidat de la majorité présidentielle. « Il serait en avance avec 600 voix face à Emmanuel Fernandes », indique Rebecca Breitman, élue d’opposition à Strasbourg et suppléante du candidat Ensemble !. 

En effet, les bureaux de vote à Illkirch-Graffenstaden ont fermé à 18h. Sylvain Waserman y a récolté 4 794 voix soit 61,93% des suffrages, alors que son rival de la Nupes n’en a gagné que 2 947. Les bureaux de vote du sud de Strasbourg sont entrain de débuter le dépouillement. Ils représentent trois quarts des électeurs de la circonscription. En attendant, le candidat et sa suppléante remercient les militants, le visage souriant. 

Suite aux résultats du reste de la France connus à 20h, Lilla Merabet, vice présidente du Modem en Alsace est assez optimiste malgré tout : « Je souhaite que les nouveaux parlementaires puissent s’entendre pour qu’il y ait une forme de dialogue et de concorde parce que nous avons beaucoup à faire. »

Le candidat de la Nupes, Emmanuel Fernandes a choisi de passer sa soirée électorale au quartier de l’Esplanade dans le restaurant « Le Romulus ». Les résultats des bureaux de vote à Strasbourg arrivent au fur et à mesure. Dans une ambiance conviviale, les militants s’échangent les chiffres qu’ils suivent en direct sur leurs portables.

« Tout est bouleversé »

Parmi eux, Lou Toussaint, candidate éliminée au premier tour dans la 7e circonscription du Bas-Rhin, n’hésite pas à exprimer son enthousiasme face à la situation « inédite » :

« Pour la première fois, la Nupes empêche le président d’avoir la majorité à l’Assemblée nationale. Aujourd’hui on se retrouve face à une situation complètement nouvelle, où tout est bouleversé. »

Les résultats arrivent et petit à petit Emmanuel Fernandes rattrape son retard engrangé à Illkirch-Graffenstaden. Jusqu’à passer devant de quelques voix. Il ne sera plus rattrapé. Vers 21h45, tout le monde en est convaincu, Emmanuel Fernandes est le nouveau député de la deuxième circonscription du Bas-Rhin.

Les cris de victoire sont nombreux parmi les militants et les soutiens de la Nupes. Emmanuel Fernandes, 41 ans, militant auprès de Jean-Luc Mélenchon depuis 10 ans mais inconnu dans la politique strasbourgeoise, tombe dans les bras de ses proches.

Dans son discours de victoire, le nouveau député remercie d’emblée tous ceux qui l’ont soutenu « lors de cette bataille » :

« Je serai le député de toute la circonscription et pas seulement de celles et ceux qui ont voté pour moi. Je serai un député qui va défendre l’urgence sociale, il faut le dire et le marteler. »

À son QG en fin de soirée, Sylvain Waserman, lui, garde un sourire un peu las. Il souhaite à Emmanuel Fernandes « de réussir à trouver dans cette assemblée sans majorité un modèle démocratique pour le bien du pays, pour qu’on arrive à progresser ».

Les deux nouveaux députés de gauche à Strasbourg. Photo : Alain Jund

C’est à Strasbourg qu’on vote le plus

Les circonscriptions 1 et 2 sont les deux secteurs d’Alsace où l’on a le plus voté (respectivement 50,02% et 47,25% du corps électoral). C’est comme souvent dans les quartiers du Conseil des XV, de l’Orangerie et des Contades que l’on a le plus voté. Des bureaux plus favorables à « Ensemble ! » et Alain Fontanel, qui enregistre même 84% des voix au Pavillon Joséphine, mais qui n’ont pas suffi à conserver la circonscription 1. Dans le Haut-Rhin, trois circonscriptions affichent plus de 60% d’abstention.

En Alsace, la coalition Ensemble ! remporte 11 sièges sur 15 possible. Un excellent résultat pour la majorité présidentielle à rebours de son repli dans le reste de la France (voir notre article).


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