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Après un an de période d’essai, Éric Elkouby face à des adversaires requinqués

Un an après avoir rejoint l’Assemblée nationale après une élection partielle, Éric Elkouby (PS) remet son mandat en jeu. Il doit cette fois-ci faire face à la nouveauté « En Marche », une droite unie et « la gauche de la gauche » qui se sent pousser des ambitions, bien qu’en ordre dispersé.

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Après un an de période d’essai, Éric Elkouby face à des adversaires requinqués

En mai 2016 se tenait dans la première circonscription du Bas-Rhin, Strasbourg-centre, la dernière élection législative partielle du quinquennat, suite à la démission d’Armand Jung (PS). Le gouvernement sortait de la crise de la déchéance de nationalité et se retrouvait contesté sur la « loi travail. »

L’élection partielle de 2016 explique 2017

Malgré ce contexte et une très forte abstention (77,2% au premier tour, encore plus au second), Éric Elkouby, ancien suppléant d’Armand Jung, dépassait les 30% au premier tour et s’imposait nettement au second (53,77%).

Il faut dire qu’en face, les 13 autres candidats n’avaient pas tout fait pour conquérir cette circonscription PS depuis 1997. La droite et l’UDI étaient séparés, la gauche aussi, tandis que des candidatures indépendantes (Guillaume d’Andlau, Pacha Mobasher) ou atypiques (Ma Voix) avaient essaimé, en plus de nouvelles formations (Unser Land, Parti Égalité et Justice).

Éric Elkouby avait joué carte de l’élu de proximité qui a arpenté la circonscription. Elle s’étend des quartiers cossus des Contades et de l’Orangerie, jusqu’aux quartiers populaires et peuplés de l’ouest, en passant par la gare et la grande-île.

Éric Elkouby a notamment pu s’appuyer sur bons réseaux tissés depuis 1997 avec Armand Jung, dont il a été suppléant et attaché parlementaire. Il a aussi été élu au conseil départemental et adjoint de quartiers concernés. Il a depuis quitté la municipalité strasbourgeoise, car il ne pouvait garder trois mandats.

Un an plus tard, la partie s’annonce plus difficile. Il y a certes encore plus de candidats (18), mais la « gauche de la gauche » a réalisé de bons scores à la présidentielle, la droite et le centre sont unis autour d’une nouvelle candidate, et surtout au centre, le mouvement « En Marche » a fait une irruption fracassante (en tête avec 28,64% au premier tour sur ce secteur).

Éric Elkouby, PS mais aussi « majorité présidentielle »

La nouvelle donne n’a pas échappé à Éric Elkouby, proche de la droite du parti et qui n’a pas fait campagne pour Benoît Hamon. Ses tracts sont devenus violets et surtout affublés de la mention « Majorité présidentielle », même s’il reste une place pour le logo du PS. S’il est réélu, il se présente comme un député « ni godillot, ni frondeur » :

« Je suis prêt à discuter dans le cadre de mes valeurs de gauche de tous les projets de lois pour les améliorer. Je ne suis par exemple pas convaincu que la hausse de la CSG soit une manière d’augmenter le pouvoir d’achat des retraités. »

« En Marche » s’est de son côté fendu d’un communiqué pour rappeler que seuls les vrais candidats « En Marche » peuvent se prévaloir du soutien du nouveau président de la République.

De manière générale bienveillant avec le projet du président, Éric Elkouby doit aussi se démarquer du candidat investi par « La République en Marche » (LREM). La formation a choisi un militant des débuts, Thierry Michels, qui n’a jamais adhéré à un parti par le passé.

Une situation qui fait dire à Éric Elkouby que « député, ça ne s’improvise pas » :

« Je dis aux Strasbourgeois que vous avez le choix entre quelqu’un que vous connaissez ou un illustre inconnu qui découvre certains endroits de la circonscription et n’a pas d’antériorité. Je suis le seul qui a donné des priorités concrètes à savoir le rayonnement de l’Université, le développement de l’économie locale. »

Un militant jamais engagé pour En Marche

L’implantation résistera-t-elle à l’attrait de la nouveauté ? Chef de projet au groupe pharmaceutique Lilly, Thierry Michels avait animé un « comité local » de « En Marche », celui de la Cathédrale où il habite. Thierry Michels veut incarner le renouvellement visé par le nouveau locataire de l’Élysée :

« On peut se réjouir que d’autres candidats trouvent le projet attrayant, mais il ne faut pas oublier qu’il y a des gens qui ont porté le projet d’Emmanuel Macron depuis le début. Éric Elkouby et Elsa Schalck, malgré son jeune âge, incarnent des anciennes manières de faire de la politique : s’engager jeune, militer et se voir donner des investitures en récompense. Moi si je ne suis pas élu, ma vie continue. Je n’ai rien à gagner mais à apporter. Je ne suis pas là pour préserver un statut mais porter un projet. »

Au-delà des éléments classiques sur « la majorité claire au président » et l’importance pour Strasbourg d’avoir « des députés de la majorité, qui ont l’oreille du président, » Thierry Michels met en avant son intérêt pour la question la formation professionnelle :

« Le projet présidentiel prévoit 15 milliards d’euros sur le quinquennat pour aider un million de jeunes à obtenir une qualification adéquate et sortir du chômage. Je veillerai à son application à Strasbourg, à d’éventuelles améliorations et à du lien franco-allemand. Je m’engagerai aussi pour ce que j’appelle l’écologie concrète, à savoir l’isolation des bâtiments. La meilleure énergie est celle que l’on ne consomme pas et les travaux font vivre l’emploi local et des artisans. »

Une seule candidate pour la droite et l’UDI

À droite, contrairement à 2016, on part en rangs unis, UDI et Les Républicains. La page Jean-Emmanuel Robert, délégué de circonscription qui avait participé à de nombreuses campagnes depuis 15 ans, est tournée. Déjà titulaire de deux mandats, vice-présidente à la Région Grand Est et conseillère municipale d’opposition à Strasbourg, Elsa Schalck, 29 ans, prend la relève. Elle s’est notamment entourée de jeunes militants du parti, qu’elle a côtoyé aux « jeunes pop » qu’elle a dirigé (lire notre article de l’édition abonnés).

Dans sa campagne, elle a mis en avant qu’elle s’appuierait sur un « conseil de circonscription » assez formel pour prendre ses décisions. Elle pourra compter sur les quartiers à l’est, qui n’ont pas délaissé François Fillon au premier tour de l’élection présidentielle malgré ses affaires (jusqu’à 55% des voix). L’enjeu sera de convaincre dans les quartiers du centre-ville, de la gare et à l’ouest de Strasbourg où la droite avait plafonnée il y a un an.

Comme elle l’expliquait dans nos colonnes, elle se dit prête à voter certaines lois du gouvernement Macron-Philippe, notamment les réformes économiques. Bref avec divers nuances, la circonscription ne manquera pas de candidat « macron-compatible » selon la nouvelle formule consacrée.

La gauche divisée mais avec des figures connues

À gauche, l’équation est plus compliquée malgré un fort potentiel. Comme dans les autres circonscriptions strasbourgeoises, Jean-Luc Mélenchon était arrivé deuxième au premier tour en avril (24,82%). Contrairement à Strasbourg nord et sud, ce n’est pas une nouvelle figure locale qu’a choisi le mouvement de la France insoumise. Jean-Marie Brom a déjà été élu dans l’opposition au conseil municipal de Strasbourg avec Europe Écologie les Verts entre 2001 et 2008 et candidat à la mairie dès 1977.

Physicien au CNRS, il avait quitté le parti en 2013 suite à des désaccords, notamment le non-respect de l’accord avec le PS. Pour autant il ne veut pas être réduit aux enjeux :

« Nous avons surtout fait campagne sur le fait de ne pas donner tous les pouvoirs à Emmanuel Macron. L’élection est nationale et nous représentons une opposition, réelle mais constructive. C’est important pour la démocratie. Bien sûr, j’ai été interpellé sur l’écologie de par mes engagements passés, mais il y a aussi la Culture, l’Énergie ou la Santé qui ressortent. Nous portons aussi un engagement éthique, sans passer par une loi, d’avoir un mandat par personne, ce qui n’est pas le cas d’autres candidats de la circonscription qui prévoient de quitter des mandats avant d’aller au bout. Si nous sommes élus avec ma suppléante, nous ne serons pas candidats à la mairie en 2020. »

Pour la fin de campagne, le mouvement à Strasbourg s’est fait remarquer avec un phi (la lettre grecque, qui fait écho aux initiales de la France insoumise) géant, place de la Cathédrale.

La France Insoumise pas assez visible à Strasbourg (photo la France insoumise)

Mais voilà comme ailleurs dans le Bas-Rhin, la France insoumise n’est pas seule à gauche. Si Jean-Marie Brom « regrette » qu’il n’y ait pas d’accord avec Europe Écologie les Verts (EELV) en raison des proximités, il y voit aussi une certaine cohérence des deux côtés :

« Se mettre ensemble il y a un an ça avait du sens, mais à la dernière minute, ça aurait fait petite une combine. Jean-Luc Mélenchon est une référence, le mieux est de ne pas disperser les voix et soutenir les candidats qu’il soutient. Mais nos électeurs d’avril ne nous appartiennent pas. »

Europe Écologie Les Verts présente un candidat avec un ancrage local. Abdelkarim Ramdane est élu au conseil municipal de Strasbourg et issu des quartiers ouest. Le candidat EELV espère que les débats autour du retrait américain de l’accord sur le climat, les nouvelles promesses françaises et la nomination de Nicolas Hulot au ministère de la transition énergétique mobiliseront l’électorat. Le raisonnement est que l’écologie n’a jamais été l’axe prioritaire d’Emmanuel Macron et que des députés écologistes puissent apporter de nouvelles idées au projet présidentiel, toujours annoncé comme évolutif.

Au-delà des questions environnementales, Abdelkarim Ramdane se place à gauche du parti, hostile à des privatisations du service public ou à la plupart des propositions de réforme du code du travail qui fragiliseraient les salariés. Il a toujours indiqué que la transition écologique doit s’accompagner de « justice sociale » et parle plus de lutte contre l’évasion fiscale que d’autres candidats plus au centre.

Au Parti communiste, c’est la première secrétaire Hülliya Turan, qui a déjà conduit plusieurs campagnes locales qui se présente. Elle aussi espère capitaliser sur le score de Jean-Luc Mélenchon puisque ses tracts, parfois verdis, arborent la mention « j’ai voté Jean-Luc Mélenchon, je vote Hülliya Turan. », ce qui n’est guère du goût des Insoumis.

Le Parti communiste fait valoir qu’après avoir soutenu Jean-Luc Mélenchon lors de l’élection présidentielle, son mouvement ne proposait qu’un ralliement sec, sur les idées et financièrement, et non un accord. Un alignement aurait fait disparaître le parti historique.

Le FN ne change pas de candidat

Côté FN, on ne change pas puisqu’Andrea Didelot, jeune conseiller régional et déjà candidat il y a un an est de nouveau en lice. Troisième, il avait réalisé 10,44% des voix. Le parti fait campagne autour du thème de « la France des oubliés ». À Strasbourg, cela cible en particulier les quartiers populaires à l’ouest.

Les attentes ne sont pas très élevées, il s’agit d’une des circonscriptions les plus difficiles du Grand Est pour le FN. Marine Le Pen était arrivée cinquième avec 9,74% des voix en avril.

PEJ, Ma Voix, des intrigues propres à la circonscription

D’autres candidats se présentent en mettant en avant des enjeux très précis comme les antispécistes, les animalistes, la démocratie participative (Pacha Mobasher) faire place aux jeunes en politique (Allons enfants), sans oublier les régionalistes (Unser Land) ou écologistes ni de droite ni de gauche (mouvement écologiste indépendant).

Cette circonscription sera la seule alsacienne où il sera possible de voter pour le collectif « Ma Voix », avec ses affiches miroir et ses candidats tirés au sort qui appliqueront ce que les citoyens voteront sur un site participatif. Le mouvement avait fait 4,25% en 2016 et cette élection sera l’occasion de voir s’il est en mesure d’augmenter son score par rapport à son ballon d’essai. La candidate s’appelle Agnès Lopez.

Autre point d’interrogation, le parti égalité et justice (PEJ), dont les candidats sont souvent des relais locaux du parti conservateur turc l’AKP, même s’ils s’en défendent. En 2016, le PEJ avait réussi à remporter un bureau de vote à Hautepierre malgré un score général faible (3,22%).

Ce scrutin permettra de mieux savoir s’il avait profité de l’abstention massive, en particulier à l’ouest, ou s’il s’agit d’une vraie percée. Avec 52 candidats en France, son objectif est de dépasser les 1% dans 50 circonscriptions et accéder aux financements publics.



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