
La préfecture du Bas-Rhin a réquisitionné un hôtel à Strasbourg, pour y loger quelque 150 réfugiés en provenance d’Afghanistan. Les services de l’État doivent ensuite les accompagner tout au long du processus de demande d’asile.
En attente de rénovation, l’hôtel Mercure de la place de Bordeaux à Strasbourg va connaître une intense et soudaine activité dès jeudi 26 août. La préfecture du Bas-Rhin a annoncé mercredi lors d’une conférence de presse avoir réquisitionné le bâtiment pour y accueillir environ 150 Afghanes et Afghans. Ce contingent a été attribué par l’État à la « Zone de défense Est », il s’agit d’une partie des quelques 2 000 Afghans que la France a récupérés à Kaboul dans le cadre d’une opération humanitaire visant à soustraire ces personnes aux représailles des talibans qui ont pris le pouvoir (voir notamment le cas de cette poétesse).
À ce stade, la préfecture du Bas-Rhin ne connaît pas la composition de ce contingent, ni le nombre de familles, d’enfants, de malades, etc. Un bus doit arriver jeudi et il s’agira d’abord de sécuriser la situation de ces personnes, qui ont dû fuir leur pays dans des conditions dramatiques, souvent séparées de leurs proches. La préfecture a mandaté l’association du Foyer Notre-Dame, qui gère déjà plusieurs centres d’hébergement de demandeurs d’asile, pour assurer l’accueil et le suivi de ces personnes.

Une longue procédure administrative débute
L’Office français de l’immigration (OFII) doit s’occuper des démarches administratives et de la procédure de demande d’asile, afin que ces personnes déplacées puissent obtenir le statut de réfugiés, qui leur permettrait de rester en France. Ils n’ont pour l’instant qu’un visa, valable 15 jours.
Quant à leur situation sanitaire, elle sera examinée à leur arrivée par des équipes de l’Agence régionale de santé (ARS) et de la Croix Rouge. Après des tests anti-covid et une période d’isolement d’une dizaine de jours, l’ARS proposera aux Afghans une vaccination contre le coronavirus. Un soutien psychologique leur sera également accessible, afin de faire face au stress de la situation en Afghanistan, ou à la séparation, voire à la perte, d’avec certains de leurs proches ou de leurs familles.

L’ensemble de l’opération est financée par l’État, sur des crédits exceptionnels, a précisé la préfète du Bas-Rhin, Josiane Chevalier. Présente mercredi aux côtés de la préfète, Jeanne Barseghian, maire de Strasbourg, s’est « réjouie que la ville ait été choisie par l’État pour participer à l’effort national d’accueil de ces réfugiés ». La Ville de Strasbourg devrait être sollicitée ultérieurement pour intégrer cette nouvelle population à l’offre des services municipaux, notamment les écoles, les transports en commun, etc.
Je les mets en exacte complémentarité avec la posture cynique et restrictive que nous adoptons vis à vis de tous les afghans " qui craignent avec raison d'être persécutés du fait de leur race, religion, nationalité, appartenance à un groupe social ou du fait de leur opinion politique" .
Les pouvoirs publics nous montrent ostensiblement une capacité d'accueil et une générosité sans limite... qui se résume à l'évacuation de ....2000 personnes alors que nous n'avons pas encore régularisé et intégré les Afghans qui attendent déjà en France.
On nourrit une fiction , selon Karen Akoka notamment ( dont je m'inspire largement pour tout ces développements) selon laquelle la France appliquerait le droit d'asile, mais des traducteurs et auxiliaires qui nous ont aidé essayent de l'obtenir depuis plusieurs années et n'y arrivent pas .
Pour celles et ceux qui y sont parvenus, il reste très difficile de faire venir leurs proches, alors qu'il s'agit d'un droit inscrit dans la loi.
Nous appliquons de manière très restrictive la convention de Genève de 1951 et imposons aux pauvres hères qui tentent de prendre pied chez nous de prouver qu' ils ont été INDIVIDUELLEMENT persécutés pour obtenir le droit d'asile.
Il faudrait attendre que les "talibans" viennent frapper à sa porte pour obtenir le sésame du droit d'asile et " le tampon" du bourreau alors que la menace , dans un pays en guerre, est implicite et générale.
La France n'a aucun intérêt politique à accueillir les Afghans qui fuient leur pays et c'est pour cela que nos portes leur resteront désespérément fermées ...quelles que soient les démonstrations médiatiques démagogiques et mensongères.
Souvenons-nous de VGE qui , dans les années 75, avait pris la décision d'accueillir largement les Vietnamiens qui étaient tous à l'époque des "bons réfugiés". C'était l'occasion de montrer que la France n'était plus occupante et colonisatrice mais patrie des droits de l'homme, de surcroît en pointe dans le croisade légitime contre le communisme.
Les Algériens menacés par le FIS dans les années 90 n'ont pas eu cette chance.
Voilà, tout ceci, pour partager avec vous ces interrogations et ces réflexions et rester ensemble vigilants, non pas pour nous opposer à la loi mais pour la faire évoluer.
Eclairant sur l'abandon des blessés:
« L’enfer du retour (d’OPEX) (1) » ou « Sauver ce qui peut l’être ».
A l’occasion de la parution du livre de Nina CHAPELLE : « L’Enfer du Retour » , nous nous rappelons avoir perdu 88 soldats en Afghanistan.
Mais qui fera justice du sort des blessés qui très souvent ne s’en remettront jamais totalement ?
Ecoutons trois d’entre eux.
La blessure psychique est invisible et altère le mythe de la virilité, de l’infaillibilité et de l’inflexibilité du soldat.
Nous sommes en Afghanistan. Notre premier témoin raconte :
« Au moment de décrocher dit-il, nous sommes attaqués.
Un chef de groupe, qui dirige donc 6 camarades, prend une cartouche au niveau du ventre.
A ce moment-là, il n’y a pas eu de problème dit-il, l’adrénaline est montée directement au cerveau comme si on appuyait sur le bouton « ON » et qu’on mettait en route, la fonction « super-soldat ».
Et ça a marché. J’ai fait ce qu’il fallait.
Je m’exfiltre dans un terrain rocailleux tout en transportant le camarade blessé.
Puis de manière inattendue, arrivé au calme, je m’effondre, avec des crampes dans les jambes et des douleurs dans le dos.
Et c’est donc au moment où nous-mêmes avons été aidés, sans que j’en prenne conscience, que le malaise m’a rattrapé.
Je ne m’étais pas rendu compte que j’étais à plat, desséché, les jambes se sont dérobées, j’ai eu mal au dos.
Pourtant je me félicitais de l’excellence de mon implication et de la cohésion entre camarades .
On a acquis des réflexes qui se sont appliqués de manière excellente. »
Cela peut donner sur France Info, le 28 mars à 7 heures le témoignage d’un soldat au Mali qui de manière technique presque détachée parle de ses ennemis : « ils ont la foi. Il faut flamber pour qu’ils se couchent ».
La hiérarchie marginalise celui qui a été blessé.
Cet autre soldat était pris dans une embuscade en Afghanistan, toujours. Il raconte :
J’y ai perdu des camarades et ce n’est pas tant la mort au front qui m’a touché, mais plutôt le fait d’avoir ramassé les cadavres de mes camarades.
J’ai lutté pendant de longs mois pour tenter de lutter pour mettre à distance l’angoisse, l’impensable et l’innommable.
Car je considérais qu’un soldat était infaillible.
Puis j’ai été rattrapé par des troubles du sommeil, par une incurie, par une tristesse, par une impotence générale.
J’avais la vision perpétuelle du ramassage des cadavres.
Aujourd’hui, ce soldat affirme qu’il a repris son travail avec tout le scrupule qui le caractérise et toute la conscience professionnelle à laquelle il est tant attaché, mais il souffre de ne plus être dans une unité combattante, même s’il donne des cours, même s’il s’exerce au tir, même s’il assure son tour de garde, même s’il n’a plus d’idées noires.
Il est convaincu, malgré la persistance de troubles et des séquelles psychiques ( tels qu’ un état permanent d’alerte, un débit verbal accéléré, l’accélération du cours de la pensée, le sentiment d’être suivi, le fait d’être hyperesthésique au bruit, aux claquements de porte, à la sonnerie de téléphone) , qu’il est capable d’exercer son métier, mais il souffre d’avoir a été déclassé.
Il a peur de ne plus être « projeté » en mission à l’étranger.
Il observe une véritable réticence chez une partie de ses supérieurs et il voit bien que ces dernières notations, le pénalisent, parce qu’il était en arrêt maladie.
Donc il paie en quelque sorte, selon lui, son héroïsme, il paie aussi le fait d’avoir été en mission pour la France en Afghanistan.
« Recoudre ce qui été déchiré »
La situation de stress post traumatique est consécutive à une opération qui s’est déroulée en Libye cette fois et l’épisode majeur à l’origine du traumatisme, est sans aucun doute celui où notre témoin, devant être exfiltré, s’est retrouvé « le fusil contre la tempe » avec l’obligation de révéler le code de reconnaissance pour « être identifié ».
Mais à ce moment- là le soldat français des forces spéciales qui se trouvait en face de lui, lui a fait une réflexion qui génère toujours aujourd’hui des effets insupportables: « Le code c’est bon, la photo te ressemble mais tu ressembles plus à un Libyen qu’à un Français ».
(Précisons que notre témoin est un français d’origine maghrébine pour qui la question de l’appartenance nationale ne s’était jamais posée avant que de devoir révéler « le code » de l’opération pour être récupéré par les forces spéciales.)
Notre soldat a eu la conviction de sa mort imminente à ce moment-là et un regret énorme qui a entraîné une cicatrice psychique qui ne peut pas se refermer.
Le regret c’était « de mourir comme ça » (si bêtement et injustement) et en plus du fait « de l’un des miens ».
Et de surcroît de quelqu’un « qu’on avait protégé jusque-là par nos renseignements ».
Notre témoin revit ce moment en permanence.
Il se « rejoue » tout le temps. Insupportable. Obsessionnellement.
Les troubles du sommeil sont majeurs avec cauchemars et réminiscences douloureuses et irrépressibles du moment traumatique.
Les ruminations mentales obsèdent notre patient le jour, aussi.
Il se comporte comme un condamné à la mort sociale, véritablement.
Il sent arriver le moment où la réforme et la reconnaissance de l’inaptitude à toute opération militaire va le rejeter dans la marge sociale et dans l’humiliation, dans la honte, dans le sentiment d’échec et dans un sentiment très fort d’abandon et de trahison par l’institution elle-même.
Institution qu’il a servie de manière inconditionnelle.
L’Armée n’invite-t-elle pas d’ailleurs les jeunes qu’elle appelle et recrute à « Devenir eux-mêmes » ? (2)
Il sent que l’échéance de la réforme va être aussi la fin de son couple et de sa famille.
Il dit bien que c’est sa femme la plus grande victime dans cette histoire.
Elle n’a plus confiance et peut d’un moment à l’autre demander le divorce.Lui est terrorisé à l’idée de pouvoir se retrouver « sans rien » d’un jour à l’autre, alors qu’on l’a supplié d’intervenir pour faire de l’identification de cible au Liban et alors qu’il a tout sacrifié pour l’armée.
Il n’a pas suivi la grossesse de sa femme, il n’a pas assisté à la naissance de son fils…pour servir son pays.
Nous avons une idée et des représentations de l’Armée, de la Défense Nationale, de la guerre et de la paix.
Il est bon de rappeler que nous n’avons pas connu de guerre depuis 1945, se félicite-t-on souvent, en encourageant la poursuite de la construction de l’Europe. Si « on ne tient pas compte », chez nous, de l’Indochine (1945- 54) et de l’Algérie (1952-62) et au niveau continental de la guerre en ex-Yougoslavie. La défense est un secteur crucial du budget de la nation. Il représente 30 milliards d’Euros en 2013 (1, 5 % du PIB contre 5,44 en 1961).Nous sommes le quatrième fabricant d’armes au monde dont la destination est bien, in fine, de tuer.
Notre pays est régulièrement en guerre hors de l’Europe au sein de coalitions, sauf récemment au Mali où nous sommes intervenus quasiment seuls. Combien de nos soldats ont-ils été engagés en Irak, puis en Afghanistan pour y faire la guerre en notre nom ? Quels liens entretenons-nous avec notre Armée et ces soldats ?
Les médias ont égrené le nom de chacun des 88 morts en Afghanistan. Comment les pouvoirs publics ont-ils pris soins des familles ? Combien y avons-nous eu de blessés graves? Combien de « victimes collatérales » dans les familles ?
Pour prendre soin d’elles, il existe depuis 1993 une cellule d’aide aux blessés de l’armée de terre (CABAT) qui compte une quinzaine de personnes militaires et civils repartis entre un pôle chargé du suivi et trois pôles d’expertise dans les domaines juridique, social et de réinsertion professionnelle .
Ce dispositif très actif mais très peu doté a été renforcé par une directive qui a été à son origine, le 15 juillet 2002, classée « à diffusion restreinte ». Elle fondait le dispositif de soutien psychologique dans l’armée de terre. (3)
Le livre de Nina Chapelle qui a donné son titre à mon article traduit cependant l’isolement et la précarité de nombreux blessés psychiques malgré la sensibilisation récente et les bonnes intentions évidentes.
Mais la pauvreté des moyens ne pourra se substituer aux meilleures et louables intentions qu’il reste à étoffer.
Et dans le même temps combien de victimes « ennemies », surtout civiles, avons-nous à déplorer?
Et combien de déserteurs avons-nous à signaler ?
(1) « Opérations Extérieures » de nos armées.
(2) Dernières Nouvelles d’ Alsace du 18 janvier 2013.
(3) Directive No 617 / DEF/EMAT/ORH/CRH/DR
Une fois que l'on sait cela, on devrait vous écouter et mégoter à rapatrier les quelques personnes que nous avons mis en danger en les impliquant de près ou de loin avec les forces françaises?
Lien vers un article de Médiapart:
https://blogs.mediapart.fr/pierre-conesa/blog/300514/combien-coutera-la-guerre-en-afghanistan
Une fois chez eux, chez nous, il s'agira de panser les plaies.
Et nous savons bien qu’ un certain nombre de ces personnes-victimes de traumatismes se caractérise par une sorte d’extinction apparente du désir ( - pour reprendre l’heureuse expression d’Alice Cherki – la position d’empêchement subjectif) : la demande chez eux a disparu, la parole s’est réduite et se limite au registre du besoin, du corps, voire de la survie, le symptôme au sens strict de la psychanalyse est absent.
Or les raisons de cette situation psychologique particulière ne sont pas seulement à trouver dans l'histoire personnelle du sujet, dans ce qu'il a subi ou traversé, mais aussi dans un rapport très particulier qui s'instaure entre lui et les collectifs sociaux au sein desquels il va évoluer.
L’inactivité entraîne souvent un sentiment d’inutilité.
Cette situation d'assistanat douloureuse, est souvent vécue comme une désaffiliation, une rupture d'appartenance, qui peut s'alourdir de sentiments de trahison et de culpabilité.
Il existe d'autres processus qui aboutissent à la désaffiliation, notamment toutes les situations de précarité économique, sociale, politique ou culturelle qui vont détacher la personne de son lien aux institutions qui représentent la cohésion de la société dans laquelle il va vivre et son intégration à celle-ci.
Du point de vue psychologique, ces situations peuvent avoir la signification d'un abandon radical du sujet par un Autre protecteur.
Les institutions tiennent, pour les sujets, la place de parents.
Or, la psychanalyse le confirme, aucun homme, même le chantre le plus convaincu de l'individualisme, ne peut vivre pleinement si rien ne vient lui signifier que son existence a un sens pour quelqu'un ou quelques autres.
D'où l'importance capitale que ces usagers soient crus par les Institutions qui vont traiter leur situation; OFPRA, CNDA, Travailleurs sociaux, politiques, citoyens....
Et encore une fois, pourquoi serions poussés à "croire" les Afghans aujourd'hui et pas les syriens en 2015, les algériens depuis 1992, les Rwandais depuis 1994,....?
J’ai hâte de voir comment la ville de Strasbourg participera à constituer des disponibilités qui permettent à ces nouveaux habitants de rencontrer les résonances dans la Ville qui les accueille pour reconstituer des désirs.
J’ai souvenir d’un film qui avait été construit par des agents du CCAS il y a quelques années très intéressant en ce sens.