Enquêtes et actualité à Strasbourg et Eurométropole

Lettre ouverte : « À l’incinérateur, une année toxique et inutile s’est écoulée »

Le président du syndicat de défense des consommateurs et des salariés CGT Indecosa dénonce la passivité de l’exécutif strasbourgeois et eurométropolitain quant à l’incinérateur de Strasbourg. Les salariés de l’usine et d’entreprises sous-traitantes sont exposées à des cendres hautement cancérigènes depuis plusieurs années.

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Lettre ouverte : « À l’incinérateur, une année toxique et inutile s’est écoulée »

« Madame Pia Imbs, présidente de l’Eurométropole de Strasbourg,
Madame Jeanne Barseghian, maire de Strasbourg,

Début novembre, est paru un article de Rue89 Strasbourg titré « Alertée, la Dreal découvre des cendres hautement cancérigènes partout dans l’incinérateur de Strasbourg ». Depuis, la colère ne nous quitte plus.

La colère, car l’article ne reprend rien de plus que ce que nous vous avions signalé il y a un an déjà. En octobre 2021, nous vous avons adressé un courrier (ainsi qu’au groupe Séché et à l’usine Senerval – du nom de l’incinérateur) portant sur les très inquiétants témoignages que nous avions reçus. Votre
réponse nous est revenue deux mois plus tard : « Nous nous en remettons aux autorités de
contrôle (l’inspection du travail et la Direction régionale de l’environnement, de l’aménagement et du logement -Dreal).

Dans la soirée du dimanche 23 octobre, le syndicaliste a alerté la Direction régionale de l’environnement, de l’aménagement et du logement (Dreal) sur la présence de CMR à l’air libre et en grandes quantités dans l’installation. Photo : Documents remis

Alerte d’une association, des réponses condescendantes

Nos questions étaient claires, ouvertes, courtoises. Elles se voulaient le reflet de l’activité d’une
association de consommateurs portant la spécificité de s’intéresser tout particulièrement au cadre social et environnemental des produits que nous consommons. Ces notions s’appliquent également aux services mis à disposition des usagers, que ce soit dans le domaine marchand ou dans le domaine public. Notre alerte entrait dans le cadre des actions menées par ces associations de bénévoles qui ne comptent pas leur temps et s’impliquent dans la vie citoyenne de leur territoire.

En retour, nous n’avons reçu que des réponses condescendantes, la vôtre comme celle du prestataire se résumant par cette phrase de conclusion : « Soyez assurés que Senerval s’inscrit dans une démarche de progrès continu, qui vise à analyser les retours d’expérience et mettre en place les actions correctives chaque fois que cela est nécessaire. » À la lecture des récents développements de ce dossier, on pourrait presque en rire, si cela n’était pas aussi tragique.

Une découverte tardive des substances cancérigènes

Malgré nos alertes, les « autorités de contrôle » auxquelles vous vous en remettiez semblent aujourd’hui
s’apercevoir de la présence de ces sacs un peu partout dans l’usine. Ils contiennent des Refiom (Résidus d’épuration des fumées d’incinération des ordures ménagères, classés substances cancérigènes, mutagènes et reprotoxiques – CMR). On parle ici de plusieurs tonnes de cette substance.

Notre courrier vous indiquait clairement que des témoignages attestaient de leur présence, même après
que 220 millions d’argent public aient été engloutis dans cette unité. Nous vous indiquions qu’on en trouvait à même le sol, en tas, au contact des eaux de pluie et exposés aux vents. Et nous n’avons obtenu, pour toute réponse, qu’un renvoi à un document semi publicitaire vantant la gestion des déchets par l’Eurométropole de Strasbourg.

Nos questions sans réponse

Oui, nous sommes profondément en colère, car si brusquement il s’avère que ces sacs de Refiom
entreposés partout dans l’usine, et pouvant se répandre à l’extérieur (pluie et vent), existent bel et bien et
ne sont pas le fruit de notre trop grande écoute de rumeurs alarmistes, alors qu’en est-il de nos autres
questions ?

Rappelons ici les questions que nous posions dans notre courrier de 2021, en dehors de cette seule alerte sur le stockage de ces résidus, pourtant déjà bien calamiteux :

  • Est-il vrai que la délégation de service public signée par l’Eurométropole implique que les travaux
    lourds soient laissés à la charge de la communauté, incitant par là même le délégataire (quel qu’il
    soit) à ne pas effectuer de travaux sur les problèmes légers, pour ne pas avoir à en supporter le
    coût ?
  • Est-on vraiment certain que les riverains et les salariés ne s’exposent à aucun risque de type CMR
    lié à l’activité de l’usine ? Comment le garantir si des Refiom traînent un peu partout au gré du
    vent et des eaux de pluie ?

Un recours à des explosifs sans arrêter les fours ?

  • Est-il seulement possible qu’il soit de façon récurrente, bien plus fréquemment que d’ordinaire, fait recours à des explosifs dans les fours pour libérer les canalisations des poussières accumulées, et ce alors que le four n’est pas à l’arrêt ?
  • Qu’y a-t-il de vrai dans l’affirmation que, faute de moyens, la quasi totalité des camions de déchets ne font pas l’objet de contrôles, ce qui fait qu’on retrouve régulièrement des substances interdites voire dangereuses dans les fosses d’incinération ?
  • Est-il possible que des conduites aient été « réparées » avec ce qui ressemble à s’y méprendre à du gros scotch plastique, qui n’a bien évidemment pas résisté aux pressions ni aux poussières ?
  • Pourquoi a-t-on ignoré ces images des moniteurs de contrôle des fours indiquant clairement de larges périodes de surpression ? Interrogé à ce sujet, un spécialiste de la question nous a assuré que
    cette situation pourrait mener à l’explosion du four, menaçant la survie de tout ce qui se trouverait
    dans les 15 mètres autour, assortie de larges projections de poussières CMR.
  • Est-il vrai que certains couloirs se retrouvent littéralement noyés par des nuages de Refiom fuyant des joints de tuyauterie ?

Une année s’est écoulée, inutile et toxique

Est-ce un embarras politique qui cherche à poser un voile opaque sur un tel scandale sanitaire ? Ou s’agit-il d’une mauvaise évaluation de vos services de l’ampleur du désastre écologique, sanitaire et financier que représente ce dossier ?

Quoi qu’il en soit, une année s’est écoulée. Une année inutile. Une année toxique pour toutes celles et ceux qui y auront été exposés. Une année dont ils seront en droit de réclamer des comptes auprès des
responsables.

Nous attendons, cette fois, des réponses précises et circonstanciées de votre part.

Le président du syndicat Indecosa CGT du Bas-Rhin,

François Bilem


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