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Bloqués par les CRS devant les portes, les surveillants de prison rêvent d’un meilleur salaire

Les surveillants pénitentiaires contestent une réforme de la grille de salaire qui ralentit l’avancement de carrière et l’atteinte de l’échelon du salaire maximal.

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Bloqués par les CRS devant les portes, les surveillants de prison rêvent d’un meilleur salaire

Une vingtaine de surveillants comptaient bloquer la Maison d’Arrêt de Strasbourg (MAS) ce jeudi 17 février à 6 heures du matin. En arrivant, les manifestants ont eu la surprise de découvrir huit camionnettes de CRS devant l’établissement pénitentiaire. « Je n’ai pas de souvenir d’une telle anticipation des forces de l’ordre face à la contestation d’une réforme », analyse Fabrice Meder, secrétaire régional du syndicat Syndicat Pénitentiaire des Surveillant(e)s (SPS). Le groupe patiente dehors. La plupart des personnes sont vêtues d’un chasuble du SPS.

Lorsque les surveillants sont arrivés pour « bloquer » la maison d’arrêt, ils ont été accueillis par huit fourgons de police. Photo : Guillaume Krempp / Rue89 Strasbourg / cc

Contestation de la réforme des salaires

Cet appel à bloquer les prisons françaises émane d’une intersyndicale réunissant les syndicats SPS, CGT et UFAP-UNSA. Dans un communiqué commun du 16 février, les formations syndicales déplorent plusieurs aspects de la réforme salariale en préparation pour les surveillants : « C’est non seulement le peu de revalorisation qui pose problème, mais surtout l’allongement de la durée de la carrière pour les surveillant(e)s, allant jusqu’à 5,5 années supplémentaires et donc une perte d’environ 5 000 euros. » « Aujourd’hui, on passe les échelons tous les deux ans, explique Estelle Eckstein, surveillante et secrétaire régionale adjointe du syndicat SPS, après la réforme, les derniers échelons seront espacés de trois ans et demi. Il ne faudra plus 19 ans de carrière, mais 24 ans de carrière pour atteindre notre salaire maximal. »

Face à une réforme dont de nombreux surveillants estiment qu’elle ne donne que quelques miettes aux agents, « on veut la baguette », affiche les manifestants. Photo : Guillaume Krempp / Rue89 Strasbourg / cc

Surveillant depuis 2004 à la Maison d’Arrêt de Strasbourg, Léo sourit lorsqu’on lui demande s’il aime son métier. Il parle d’un « travail alimentaire ». À 48 ans, l’homme à la casquette Motorhead s’estime « perdant de la réforme ». Avec son niveau d’ancienneté, sa rémunération n’augmente pas, et il devra attendre un an et demi de plus pour atteindre l’échelon suivant, et la rémunération correspondante.

Une progression salariale plus lente

Père de deux enfants, Léo décrit une carrière où 15 ans sont nécessaires pour obtenir une salaire supérieur à 2 000 euros. L’habitant de Schirmeck, à 40 kilomètres, se plaint du gazole à 1,75 euros le litre et des prix de l’immobilier inabordables à Strasbourg et environs. Puis l’homme à la veste de l’administration pénitentiaire jette un œil aux CRS tout autour : « On a l’impression qu’une partie de la population est choyée, tandis que l’autre est méprisée. » Léo rappelle alors que l’indice de rémunération des policiers est bien supérieur à celui des surveillants. « En même temps c’est normal ils ont sauvé Macron », lâche ce soutien des Gilets jaunes.

Un peu plus loin, Julien se plaint aussi d’une réforme dont il sort perdant. Surveillant depuis cinq ans à Strasbourg, il gagne actuellement un peu plus de 1 500 euros net. « Une personne qui rentre dans l’administration pénitentiaire maintenant gagnera autant que moi. C’est tant mieux pour les nouveaux, mais de mon côté je vois surtout une progression salariale beaucoup plus lente… »

Heures supplémentaires et surpopulation carcérale

Julien a commencé dans l’administration pénitentiaire sur le tard, à 35 ans. Avec cette réforme, le surveillant se plaint aussi d’un plan de carrière où son salaire maximum ne sera atteint qu’à 63 ans, soit à l’âge de son départ à la retraite… Mais au-delà de sa situation personnelle, l’ancien salarié d’une entreprise de sécurité regrette les tensions qu’occasionne la faible rémunération et la nécessité de faire des heures supplémentaires :

« Tous les jours on regarde notre planning pour faire des heures supplémentaires. On est presque à se tirer dans les pattes parce que l’un ou l’autre a fait plus d’heures supplémentaires… »

Pour les surveillants de la maison d’arrêt située dans le quartier de l’Elsau, cette réforme s’ajoute à des conditions de travail dégradées depuis plusieurs années. L’un évoque l’absence de fenêtre dans le bureau des surveillants, « rien n’a changé malgré nos demandes répétées liées au risque de contamination au covid », souffle l’un.

« un discours ultra répressif mais sans les moyens qui vont avec »

Son voisin rappelle alors la surpopulation carcérale au sein de la maison d’arrêt de Strasbourg : 650 détenus pour 447 places. Il enchaîne avec le non-respect par la prison strasbourgeoise de la règle « Un détenu, une cellule » depuis des années : « La plupart des détenus sont deux dans neuf mètres carrés. » Et le surveillant, qui considère François Hollande comme un traitre de la gauche française, de conclure « avec philosophie », comme il le décrit lui-même : « En France, il y a un discours ultra répressif mais sans les moyens qui vont avec. Soit on change notre politique pénale, soit on construit des prisons. »


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