Enquêtes et actualité à Strasbourg et Eurométropole

Une centaine de personnes mobilisées contre la diminution de l’hébergement d’urgence

Un rassemblement s’est tenu mercredi 18 juin pour dénoncer la suppression par la préfecture de centaines de places d’hébergement d’urgence à Strasbourg. Malgré la hausse des demandes de prise en charge au fil des années, près de 80% d’entre elles n’aboutissent pas.

Cet article est en accès libre. Pour soutenir Rue89 Strasbourg, abonnez-vous.

Une centaine de personnes mobilisées contre la diminution de l’hébergement d’urgence
Des tentes comme celles utilisées par les personnes SDF ont été installées devant la préfecture.

À l’appel de plusieurs collectifs, associations et syndicats, près d’une centaine de personnes, syndicalistes, enseignants, avocats, élus, réfugiés ou simplement citoyens, se sont rassemblées devant la préfecture mercredi 18 juin pour demander le respect du droit au logement. Après quelques prises de parole, une fanfare est venue « faire du bruit face au silence assourdissant de la préfecture ». Le 27 mai, ces associations ont adressé une lettre ouverte au préfet du Bas-Rhin pour réclamer l’abandon d’un projet de suppression de 704 places d’hébergement d’urgence, elle est restée sans réponse.

Les conditions de vie très difficiles des « gens sans toit »

Ce rassemblement était l’occasion de recueillir des témoignages de réfugiés n’ayant pas pu accéder au dispositif d’hébergement d’urgence de l’État. Aziz, âgé de 29 ans et père d’un enfant de quatre ans, est un réfugié afghan arrivé en France en 2024. « Activiste social » et détenteur d’un bachelor of laws, l’équivalent anglo-saxon du master de droit, il s’est retrouvé à la rue en juillet 2024, après avoir été hébergé trois mois dans un centre d’accueil pour demandeurs d’asile (Cada).

C’est avec indignation qu’il décrit ses conditions de vie très difficiles : la pluie qui rentre dans leurs tentes, les douches à l’eau froide et une situation de stress permanent. « J’ai tous les documents nécessaires, explique-t-il. J’ai juste besoin d’un logement pour commencer à travailler. Je ne demande pas un truc luxueux, juste un toit pour construire notre vie en France. »

Aziz, réfugié afghan, s’exprimant devant la foule pour dénoncer l’inaction de la préfecturePhoto : Thibault Vetter / Rue89 Strasbourg

Un second réfugié afghan, Ahmad, âgé de 32 ans, dort également dans une tente. Il est arrivé en France en 2016 et il est à Strasbourg depuis un mois. Titulaire d’un diplôme de plombier-chauffagiste, il vient tout juste de trouver un emploi, via une agence d’intérim : « Je cherche un logement parce que je travaille comme tout le monde. Le matin, je me réveille et à 18h, je rentre mais pour dormir sous une tente ». Il ajoute ne pas manger à sa faim et parfois ne pas pouvoir se doucher pendant plusieurs jours. Une situation d’autant plus difficile à supporter qu’Ahmad, réfugié afghan, réalise des travaux de plomberie pour Ophéa, le principal bailleur social de l’Eurométropole, et qu’il constate avec étonnement de nombreux logements vacants.

Une lutte qui se poursuit sur le plan juridique

« Le droit au logement inconditionnel fait partie du cadre de l’action sociale. L’État est chargé de le respecter », rappelle Pierre Greib, coprésident de la Cimade Grand Est. « Le tribunal administratif de Grenoble a condamné l’État sur ce sujet, c’est une première, et à Strasbourg on vient de lancer une procédure similaire », a rappelé Gabriella Carraud, de la section strasbourgeoise du Syndicat des avocats de France.

Cette stratégie judiciaire vise à forcer l’État à respecter ses obligations légales en matière d’hébergement d’urgence. Gabriella Carraud cite le cas dramatique d’une famille géorgienne contrainte de dormir dans une voiture prêtée, leur fils de deux ans s’étant cassé le bras en chutant de la portière. « On a un enfant dans une situation de détresse extrême, on va tenter une procédure devant le tribunal administratif pour forcer la préfecture à les placer dans un hébergement d’urgence », explique-t-elle. Mais ces démarches sont longues et complexes, les participants ont évoqué l’intérêt de se mobiliser également au niveau politique. 

L’inaction des institutions

« Le combat pour le logement est permanent, plusieurs institutions se renvoient la balle : quand ce n’est pas à la préfecture de s’en charger, c’est aux services sociaux, puis c’est la mairie… », résume Sylwan, membre du comité bas-rhinois Droit au Logement. Un responsable de la CGT, s’adressant à la foule lors du rassemblement, a dénoncé un « jeu de ping-pong entre acteurs institutionnels qui a trop duré ».

Un comité strasbourgeois de Droit au logement (DAL) vient d’être créé. Photo : Thibault Vetter / Rue89 Strasbourg

L’avocate Gabriella Carraud dénonce en outre les tentatives de la préfecture d’orienter les migrants en quête d’hébergement vers des centres de préparation au retour (CPAR) :

« La majorité des personnes refusent d’y aller parce qu’elles comprennent bien que l’objectif c’est de procéder à leur éloignement, pas de les loger. La préfecture utilise ce refus pour leur refuser ensuite tout accès à l’hébergement d’urgence. Mais on essaie d’expliquer que le CPAR n’est pas une solution, au sens du code de l’action sociale et des familles. »


#Hébergement d'urgence

Activez les notifications pour être alerté des nouveaux articles publiés en lien avec ce sujet.

Voir tous les articles
Partager
Plus d'options