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À la marche contre les discriminations : « Pour la police, notre faciès est une infraction »

Quelques centaines de manifestants s’étaient réunis pour marcher contre les violences policières et le racisme, ce samedi 23 septembre. Parmi eux, plusieurs personnes victimes elles-mêmes de discriminations témoignent. 

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À la marche contre les discriminations : « Pour la police, notre faciès est une infraction »

Sous les ginkgos de la place de la République, deux groupes visuellement distincts s’abritent de la pluie en ce début d’après-midi du samedi 23 septembre. Le premier est habillé en blanc, avec des t-shirts portants des slogans pour la mémoire d’Enzo, un adolescent retrouvé noyé après avoir été poursuivi par la police. L’autre, moins nombreux, arbore la tenue toute noire des antifascistes ou antifas. Tous viennent pour la même raison : grossir les rangs de la marche contre les violences policières et les discriminations. 

La marche réunissait familles des victimes, syndicats, partis politiques et associations. Photo : RG / Rue89 Strasbourg / cc

À partir de 14 heures, d’autres teintes s’ajoutent aux couleurs du deuil : les fanions rouges de la CGT, les drapeaux verts d’Europe Écologie – Les Verts (EE-LV), ou le violet du Nouveau parti anticapitaliste (NPA). Le cortège, épais de plusieurs centaines de manifestants, se lance dans un parcours reliant la place de la République à la place de la Bourse. 

Les victimes des violences au cœur de la marche 

Lentement, le cortège s’avance en longeant les quais des Bateliers. Au milieu des slogans et des sifflets, les noms des victimes de violences policières reviennent en écho. Nahel, Adama, Hocine ou Enzo. Des membres de la famille de ce dernier, tenaient une longue banderole en tête de manifestation.

Les noms des victimes étaient sur toutes les pancartes, et dans tous les slogans. Photo : RG / Rue89 Strasbourg /cc

Derrière eux, démarrait le cortège des associations, syndicats et partis politiques ayant appelé à cette journée de mobilisation – décidée nationalement. À noter à Strasbourg : la présence d’un petit cortège du Parti communiste français, avec des élus de la municipalité et de l’Eurométropole. Quelques jours plus tôt, leur secrétaire général, Fabien Roussel, avait indiqué qu’il ne participerait pas à la manifestation parisienne. 

« J’espère que mes parents ne verront pas l’article, ils ont toujours peur qu’il m’arrive quelque chose en manif, avec la police. » Alex fait partie des premiers arrivés à la marche contre les violences policières et les discriminations. Après quelques hésitations, l’étudiant de 19 ans s’ouvre : 

« Même mes parents, alors qu’ils sont complètement apolitiques, sont sensibles au sujet. Dans ma famille, il y a plusieurs personnes qui ont subi des contrôles abusifs ou des amendes injustifiées, on en parle beaucoup entre nous. Surtout depuis la mort de George Floyd (étouffé par des policiers pendant son arrestation aux États-Unis, NDLR). »

« Pourquoi contrôler autant nos identités ? »

S’il n’a pas été directement victime de discrimination, Alex l’explique par le fait d’avoir grandi dans un « petit bled » du Haut-Rhin, où il serait moins exposé. Mais Mounir lui rétorque : « Perso, j’ai grandi dans un village vers Lauterbourg, et on a aussi un rapport très problématique avec la gendarmerie ». Le quadragénaire développe : 

« Là-bas aussi, les gendarmes nous font subir des humiliations quotidiennes, comme des contrôles quotidiens. Ils nous connaissent, nous sommes moins de 2 000 dans le secteur, pourquoi contrôler autant nos identités ? À côté de ça, j’ai des amis blancs qui ne portent même pas leurs cartes d’identité sur eux. Pour eux, notre faciès est une infraction. »

Mounir, raconte avoir déjà été victime de contrôles abusifs. Photo : RG / Rue89 Strasbourg / cc

« Quand je vois les victimes, je pense aux garçons de ma famille »

Pour une marche modeste, ne réunissant pas plus de 700 personnes, les profils des manifestants semblaient plutôt variés. « Même si les gens ne sont pas directement touchés, c’est important qu’ils viennent défendre la cause », lance Fatima. Si elle n’a jamais été directement confrontée à la police, l’étudiante de 18 ans est tout de même concernée par le sujet :

« Mon père a déjà eu une très mauvaise expérience lors d’un contrôle. Et quand je vois les victimes, je pense à tous les garçons de ma famille qui pourraient être à leur place. »

Des centaines d’organisations ont appelé nationalement à cette marche. Photo : RG / Rue89 Strasbourg / cc

À côté d’elle, Adem opine du chef. Lui-même confronté à des dizaines de contrôles abusifs, il reste profondément pessimiste. « Je n’ai pas l’impression que les choses changent en mieux, depuis les grandes manifs pour Adama. C’est même pire. »

Alors que la marche démarrait sous la pluie, elle s’achève avec un temps radieux. Vers 16h, le cortège arrive vers la place de la Bourse pour un dernier temps d’échange. Après une minute de silence, s’ensuivent des prises de parole de la famille d’Enzo et du collectif pour Hocine Bouras, puis une dispersion rapide.


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