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Michel Deneken, président de l’Université : « Cette loi sur l’immigration restera comme une cicatrice »

En réaction au vote de la loi sur l’immigration mardi 19 décembre, le président de l’Université de Strasbourg, Michel Deneken, a co-signé une tribune dénonçant l’adoption de « mesures indignes de notre pays ». Il alerte sur les conséquences nocives du texte, pour les étudiants étrangers autant que pour l’université.

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Michel Deneken, président de l’Université : « Cette loi sur l’immigration restera comme une cicatrice »

Presque 24 heures après l’adoption de la loi asile et immigration, mardi 19 décembre, la colère est encore parfaitement audible dans la voix de Michel Deneken. Le soir du vote, le président de l’Université de Strasbourg – qui compte près de 20% d’étudiants étrangers – signait avec une vingtaine de ses confrères dirigeants les universités d’Aix-Marseille, de la Sorbonne ou de Bordeaux, un communiqué commun dénonçant des « mesures indignes de notre pays » inscrites dans le texte de loi.

Ils critiquent notamment la création d’une « caution » requise pour l’obtention d’un titre de séjour temporaire étudiant, concernant les étudiants extra communautaires. Ces derniers seront également soumis à une majoration généralisée du prix des droits d’inscriptions. Pour Rue89 Strasbourg, le président Michel Deneken explique sa sidération et ses craintes concernant les conséquences de l’adoption du texte.

Rue89 Strasbourg : Vous attendiez vous à ce que la majorité présidentielle fasse voter un texte aussi dur pour les étudiants étrangers ?

Michel Deneken : Je me doutais bien que le gouvernement actuel ne pouvait être sauvé que par la droite. Ce qui m’a beaucoup surpris en revanche, c’est la dérive du débat politique. Hier soir, on pouvait entendre le gouvernement nous dire qu’il s’agissait d’une loi de gauche, le Rassemblement national parler de victoire idéologique, et Les Républicains se réjouir.

Le monde universitaire tenu à l’écart

Au niveau des universités, personne n’a été consulté lors de la rédaction de cette loi. Le fait même de mettre un paragraphe réservé aux étudiants dans une loi intitulée « intégration et immigration », c’est déjà un parti-pris politique, qui désigne les étudiants étrangers comme des fraudeurs potentiels. Cette loi vise à rassurer ceux qui le pensent.

Pourquoi vous êtes vous mobilisé contre ce texte de loi ?

Je ne suis pas connu pour être quelqu’un d’extrême-gauche mais j’ai mon fond d’humanisme et je ne veux pas que les étudiants étrangers soient instrumentalisés pour la politique politicienne, pour rassurer l’électorat bourgeois et le faire voter correctement.

Les autres signataires de la tribune viennent d’horizons très différents mais nous nous retrouvons tous contre ce texte. Comme eux, je trouve cette loi inutile et je pense qu’elle fait des dégâts.

Le président de l’Université de Strasbourg, Michel Deneken.Photo : Fantasio Guipont / Rue89 Strasbourg

Vous dénoncez la création d’une caution pour les titres de séjour étudiants et la majoration des droits pour les étudiants extra communautaires. Quelles conséquences craignez-vous, notamment pour l’Université de Strasbourg ?

On risque un écrémage social, des étudiants étrangers qui ne pourront pas payer. Ces étudiants iront ailleurs, alors que l’apport des étudiants internationaux contribue à la richesse intellectuelle de notre université. Les doctorants étrangers seront moins impactés parce qu’ils peuvent bénéficier d’un financement, mais ceux qui viennent en première année de Master par exemple ? Comment feront-ils s’ils ne peuvent plus recevoir d’aides, en dehors des allocations logement ? Et avec le coût de la caution, et la majoration des droits d’inscription ?

L’université ne contrôlera pas les étudiants étrangers

La loi souhaite créer un contrôle accru des étudiants étrangers, pour renvoyer ceux qui viendraient en France uniquement pour le titre de séjour. Comment cela pourrait-il se mettre en place ?

Qui fera le suivi ? Pas nous déjà. Il faudra beaucoup de personnes, créer des postes, dans un ministère déjà sans le sou. C’est absurde, parce que par définition, un étudiant est déjà sanctionné par ses examens, c’est le même principe pour tout le monde. S’il ne réussit pas ses examens, son titre finit par ne plus être renouvelé. Cette disposition ne sert à rien, à part à montrer les muscles.

Concernant la caution, la Première ministre Élisabeth Borne indiquait mercredi matin sur France Inter qu’elle pourrait être symbolique, d’une dizaine d’euros, que certaines dispositions pourraient ne pas être constitutionnelles. Le gouvernement vous parait-il maîtriser son projet de loi ?

C’est du cirque. Je ne sais pas si ce gouvernement est bien conseillé, puisqu’il ne comprend pas qu’on gouverne avec les symboles. Concernant le discours sur les mesures anticonstitutionnelles, disons qu’un étudiant en première année serait ajourné s’il faisait ça.

Qu’attendez-vous du gouvernement désormais ?

Que la loi soit retirée ou censurée par le Conseil constitutionnel, le mal est fait. Elle restera comme une cicatrice dans le paysage politique français. Si on voulait que nos campus s’embrasent, c’était le bon truc à faire.

Maintenant, j’attends du gouvernement un peu de sagesse, d’intelligence et de courage politique. Quand on fait une bêtise, on le reconnaît. Surtout, il faut qu’on arrête de stigmatiser les étudiants étrangers, c’est une richesse pour notre université et notre ville.


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