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Dimanche dans les urnes à Strasbourg, trois « visions » différentes

La campagne s’est achevée sans controverse autour d’un projet. Mais les trois listes ont déroulé des priorités différentes pour le développement à moyen terme de Strasbourg.

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Dimanche dans les urnes à Strasbourg, trois « visions » différentes

La campagne des élections municipales est terminée. On peut ergoter sur telle ou telle mesure promesse difficile à tenir ou mal financée dans les programmes. On peut remarquer qu’il y a quelques consensus, comme le besoin d’une ville plus respirable, empreinte d’une culture européenne et qui protège des crises. On peut apprécier ou non tel ou telle personnalité sur les listes…

Mais dimanche 28 juin, c’est avant tout trois visions, trois hiérarchies de priorités différentes, qui se présentent devant les électeurs strasbourgeois. Passages en revue des doctrines respectives pour aborder les six années à venir.

À droite, l’emploi pour régler les autres problèmes

Pour la liste LREM/LR, la santé de la ville passera d’abord par l’emploi. Dans sa perception, le travail permet l’épanouissement des citoyens, qui ensuite vont se cultiver, consommer ou s’engager. Pour son ultime point presse, la liste « Unis pour Strasbourg » a choisi le Parlement européen et a cité le nouveau quartier d’affaires au Wacken construit juste en face. Archipel n’a pas créée ex-nihilo les milliers d’emplois promis en 2014, mais permettra de rapatrier des sièges de grandes entreprises ou de regrouper des équipes : Adidas, Puma, Crédit mutuel ou Caisse d’Épargne. Avec le déménagement de ces grands noms, le Ville perçoit plus d’impôts locaux, et abrite plus de salariés à hauts revenus. Une sorte de ruissellement, qui permettrait d’aider d’autres Strasbourgeois quant aux difficultés économiques qu’ils connaissent dans les quartiers populaires.

À l’Université, la liste apprécie quand Strasbourg remporte des prix Nobel. Ces derniers ont d’ailleurs posé avec Alain Fontanel avant le premier tour. Ces pointures font parler de l’Unistra en France voire dans le monde et attireraient d’autres chercheurs et étudiants. Certains restent ensuite en Alsace. L’Eurométropole a aidé l’Université pour de tels dispositifs d’excellence. Pour présenter son programme de premier tour Alain Fontanel avait choisi le biocluster des Haras, « un lieu qui symbolise l’excellence strasbourgeoise dans l’innovation médicale », selon le candidat qui souhaite « la retrouver dans tous les domaines ».

Côté commerces, le tandem parle aussi de « l’attractivité du centre-ville ». Pour les petites et moyennes entreprises, elle promet de baisser les impôts. Les habitants des communes extérieures doivent pouvoir y accéder plus facilement, y compris en voiture, et les touristes venir grâce à des campagnes de promotion, voire des Marchés de Noël délocalisés sur d’autres continents.

Pour maintenir cette attractivité économique, les colistiers pensent aussi qu’il faut la concilier avec des efforts supplémentaires sur la « qualité de vie », un terme préféré à « l’écologie » : des arbres, des places du centre-ville plus végétalisées, de l’ombre, des fontaines ou des jardins familiaux pour atténuer le changement climatique localement.

Chez Catherine Trautmann, un subtil équilibre

Cette inclinaison pour « l’attractivité » n’est pas rejetée par Catherine Trautmann. Les Socialistes en avaient fait un sujet de campagne dès 2008. Les grands investissements pour le Palais de la Musique et des Congrès ou le Parc des expositions en font partie. Néanmoins, dans l’idéal social-démocrate, il faut aussi une émancipation par l’Éducation, par la Culture ou désormais la formation au numérique. Grâce à cette montée en compétences, un maximum de citoyens pourraient s’épanouir, accéder à l’emploi, et notamment intégrer les entreprises qui choisissent Strasbourg. Plusieurs programmes en ce sens sont annoncés si Catherine Trautmann l’emporte.

Catherine Trautmann souhaite une « métamorphose de la ville » sur les questions de « l’énergie, les transports et l’habitat ». L’empreinte carbone et la qualité de l’air peuvent notamment s’améliorer grâce au progrès technique, scientifique et de nouvelles pratiques comme les réseaux de chaleur, le recyclage et le réemploi de matériaux.

Les candidats s’opposent sur la hiérarchie des priorités (photo JFG / Rue89 Strasbourg)

Côté grands travaux, le sujet a peu été débattu en campagne, mais elle pense que la transformation de l’A35 atténuerait les « fractures » actuelles de la ville. « L’Elsau ne serait plus coincée au bord d’une autoroute », complète-t-elle. Elle souhaite commencer « par l’arrière-gare ». Certains viaducs de l’actuelle autoroute seraient déconstruits, à l’instar du pont Churchill entre l’Esplanade et Neudorf jadis. Ce changement dans le relief de la ville constitue une nuance par rapport à Robert Herrmann, le président sortant de l’Eurométropole, qui a entamé des esquisses pour ses successeurs. Comme avec le tram dans les années 1990, Catherine Trautmann garde cette idée de « mettre en réseau » les quartiers « délaissés ces dernières années ». L’heure n’est plus à de grandes extensions, mais à des échanges entre « les équipements culturels », dont un nouveau lieu aux Deux-Rives. Catherine Trautmann parle volontiers d’un « nouveau cycle » pour Strasbourg et met en avant son « expérience » pour concilier emploi, écologie, culture, Europe et santé. Un équilibre subtil pour une tête de liste qui aime appréhender la complexité des enjeux modernes.

Chez les écologistes, adapter la ville

Pour les écologistes en revanche, l’attractivité ne doit plus être la boussole de l’action publique. Ils estiment qu’elle sert une élite mais pas les problèmes du quotidien de beaucoup de Strasbourgeois, dont un quart vivent sous le seuil de pauvreté. Et que l’attractivité peut se poursuivre grâce à une exemplarité écologiste, la « capitale du vélo » ayant déjà cette réputation. Selon eux, la priorité doit être l’adaptation de la ville au changement climatique. Ils estiment que la majorité des efforts, pour l’Économie, le logement, le social ou les déplacements doivent davantage intégrer cette donnée. Ainsi, ce cap irriguerait les dépenses de la collectivité, générerait de nouveaux emplois et de nouvelles opportunités dans le secteur privé. Et que les indicateurs qui mesurent la santé économique d’une ville oublient certains éléments comme la santé, la pollution, le bien-être.

Avec l’Université, la liste estime qu’il faut davantage s’appuyer sur les travaux de ses scientifiques pour améliorer et accélérer cette transition localement. Au sujet de la démocratie locale, qu’elle veut réformer, elle estime qu’il faut partir des problèmes d’habitants, leur « expertise d’usage » et mettre « tous les acteurs autour de la table » pour discuter. Objectif, surmonter les clivages quand tout le monde n’a pas les mêmes buts.

Concernant le stade de la Meinau, les écologistes se sont résolus à accepter la subvention de 100 millions d’euros, après avoir voté contre. Mais ils souhaitent les conditionner à une exemplarité en termes de consommation d’énergie, de déchets ou d’ouverture sur le quartier.

Contrairement aux deux autres listes, les écologistes n’ont jamais eu de poste de maire, de premier adjoint, ni l’un des trois postes clés à l’Eurométropole, président, premier vice-président ou numéro 3 et patron des maires comme Yves Bur (divers droite) depuis six ans. Il est donc plus difficile de s’imaginer ce que cela donnerait avec une majorité à Strasbourg pour six ans. Les adversaires l’ont compris et parlent ainsi de « risque » pour la ville, là où les écologistes voient une « peur du changement ».

C’est entre ces trois visions distinctes qu’une partie des Strasbourgeois choisiront par leur vote dimanche.


#élections municipales 2020

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