
Caroline Zorn, vice-présidente de l’Eurométropole, conseillère municipale et co-présidente du groupe Écologiste et Citoyen, signe une tribune en faveur du déconfinement des étudiants et pour une refonte du système de bourse.
« Si seulement ma fille arrêtait ses études et trouvait un vrai travail ! Elle pourrait sortir de sa chambre de 9m2, elle pourrait relever la tête », ai-je entendu récemment à la caisse d’un supermarché, rare lieu à permettre encore des échanges in vivo.
Cette dame inquiète pour sa fille se pose une question essentielle et, si elle n’est pas inédite, contient un élément inconnu jusqu’alors : les études conduiraient les jeunes à l’isolement. De fait, un nombre croissant de jeunes abandonne leurs études. Une situation qui se révélera vite être une catastrophe collective.
Mis à l’isolement
Hier accusés de toutes les « bamboches », nos étudiants sont aujourd’hui mis à l’isolement, présumés moins capables de respecter les gestes barrières dans leurs campus que les salariés dans leurs entreprises. Pourtant, d’autres continuent à étudier normalement : quel raisonnement abracadabrantesque a conduit le gouvernement à fermer les Universités, tout en laissant ouverts les BTS et les classes préparatoires aux grandes écoles ?
La Conférence des Présidents d’Université a fait part de sa stupéfaction devant ce traitement différencié, le 29 octobre dernier dans un communiqué : « Chacun le sait, les classes préparatoires, souvent bondées, accueillent des élèves issus de milieux sociaux plus favorisés. Rien ne peut justifier, en dehors d’un réflexe sociologique de reproduction, une telle différence de traitement. Cette décision ôte toute crédibilité aux annonces du gouvernement en faveur de l’égalité des chances, dont il prétend faire son cheval de bataille. »
Une misère galopante
Ce dimanche 10 janvier, un étudiant de Master s’est défenestré du 4ème étage de sa résidence étudiante à Lyon, là où, en novembre 2019, un autre s’était immolé.
À Strasbourg aussi, la misère en milieu étudiant explose : cloîtré dans de petits logements dont il est devenu difficile de payer le loyer, assigné à un écran d’ordinateur du lever au coucher du soleil, sans ressource après avoir perdu brutalement leur job (la moitié des étudiants travaille pour financer leurs études, seulement 37% bénéficient d’une bourse sur critères sociaux), un nombre inquiétant de ces jeunes appellent au secours.
L’aide alimentaire est devenue incontournable. Les distributions organisées sur le campus par le Secours Populaire, l’Afges (association des étudiants d’Alsace, cf notre reportage) ou encore Les Compagnons de l’espoir connaissent un triste succès. L’exceptionnelle solidarité et la force du tissu associatif en Alsace permettent de répondre à ce besoin d’aide alimentaire, mais, de l’avis général, un élément est plus critique encore : la perte de lien qui conduit à la perte de sens.
Une détresse psychologique grave
Les services d’aide médico-psychologiques sont saturés. Les professionnels qui œuvrent à aider les étudiants à ne pas s’enfoncer psychologiquement en témoignent : la situation n’est plus tenable.
La réponse du gouvernement par l’autorisation d’un accueil par groupe de dix « personnes fragiles » n’est pas une option réaliste : comment organiser des cours en présentiel pour ce public sélectionné, mais aussi en distanciel pour les autres ? L’équation est ingérable administrativement, mais aussi inhumaine pour les jeunes et pour leurs enseignants au bord de la rupture. Ainsi que l’écrivent des étudiants de l’Université de Haute-Alsace dans une poignante tribune « Monsieur le Président, ceci est la Lettre des Derniers confinés » : « Même les lieux de culte ont pu rouvrir, avec une jauge de 30 personnes, quand les lieux de culture et de connaissance ne peuvent reprendre leurs activités […] Nous n’avons plus d’espoir ».
Demain, un manque de jeunes diplômés ?
Dès lors, faut-il continuer ses études ? Faut-il poursuivre ce parcours du combattant « quoi qu’il en coûte » ? Les demandes de remboursement de frais d’inscription pour cause d’abandon pleuvent sur les Universités. Or, ces demandes proviennent de celles et ceux issus des familles les moins aisées pour qui la pression est devenue trop lourde.
Le risque est un décrochage massif et que nous nous trouvions dans quelques années avec un déficit de médecins, de psychologues, de profs, d’ingénieurs… bref de jeunes diplômés.
La priorité : déconfiner les étudiants
Les Universités ne sont équipées aujourd’hui ni pour accueillir tous leurs étudiants (amphis souvent vétustes, trop petits et mal aérés), ni pour un vrai enseignement en ligne. Les enseignants dispensent un cours à l’aveugle « face caméra », pour un public collé à son écran (s’il dispose du bon matériel) sans dynamique pédagogique. De plus, les plateformes institutionnelles n’ont pas été conçues pour un usage permanent de la communauté universitaire et saturent. Il est urgent de reprendre une majorité des cours en présentiel, quoi « qu’il en coûte » !
En réalité, la situation de l’Université est préoccupante depuis longtemps et la gestion de la crise sanitaire ne fait qu’enfoncer les étudiants dont tout le statut doit être revu globalement.
Pour une vraie politique de soutien aux étudiants
La Ville de Strasbourg et l’Eurométropole se sont mobilisées comme jamais par le versement d’aides au fonds d’urgence pour les étudiants de l’Université de Strasbourg, le doublement des subventions aux associations étudiantes, le soutien au recrutement du Centre d’accueil médico-psychologique de Strasbourg (CAMUS), la fourniture de masques réutilisables pour les plus précaires, la mise à disposition de gymnases, l’aide logistique aux collectes, etc.
Mais les collectivités territoriales peuvent bien continuer d’atténuer les effets de la crise par des mesures d’aides exceptionnelles, là où l’État se satisfaisant simplement de sa loi pour la programmation de la recherche qui consacre les inégalités à l’Université : il est aujourd’hui question d’une crise sans précédent dont la Nation doit s’emparer, pour son avenir et celle de ses jeunes.
Ainsi, seuls des États Généraux de la vie étudiante et la mise en place d’une allocation autonomie universelle étudiante permettra à cette population de se projeter à nouveau dans un parcours universitaire. Quand un étudiant sur cinq est sous le seuil de pauvreté, cela signifie que le système de bourses est dépassé et doit être remis à plat.
Là où la France augmente, lentement mais sûrement, les frais d’inscription à l’Université en excluant une réforme des bourses, le système danois par exemple propose aux étudiants la gratuité des frais et une bourse de 750 €, ce qui attire de plus en plus d’étudiants notamment français. L’idée d’une allocation autonomie universelle étudiante date de l’après-guerre et de nombreux économistes l’ont chiffrée. Les syndicats étudiants la réclament. Cette solution est réaliste et réalisable !
Monsieur le Président de la République, Monsieur le Premier Ministre, déconfinez nos étudiants ! Mesdames et Messieurs les parlementaires, donnez à (tous) nos jeunes l’envie et la possibilité de continuer leurs études. Nous en avons besoin.
On ne les lâche pas
Au sortir du premier confinement plusieurs signaux « faibles » questionnaient les implications possibles dans l’Université et la ville de mesures de confinement de la communauté universitaire et en premier lieu des étudiant.e.s.
Plutôt que de travailler ces hypothèses « les sachants » - en premier lieu notre triste gouvernance de l’U clairement soutenue par nos exécutifs municipaux et communautaires - niaient à forte voix ce que vivent les étudiant.e.s aujourd’hui. C’était bien les vacances pour ce « tout petit monde » financé par les revenus du contribuable.
Dans 4 mois nous serons en avril-mai jusque là c’est sûr ils suivent !
Notre jeunesse sur-enfermée, peut être même jusque là, voudra vivre après deux années d’études et pour plusieurs d’entre eux.elles de vies, saccagées par l’incurie et l’indécision de celles et ceux qui savent et n’écoutent pas.
Si ce n’est cette année ce sera l’année prochaine vous serez mis en cause, de manière très étayée, sur ces pilotages « à vue » de leur avenir et de celui de toute notre société.
Ce qui n’a pas été réfléchi dans l’Université et ses impacts en 2020-2021 est scandaleux.
L’absence de préparation dans les métropoles, qui attendent, l’est tout autant et qu’aucun travail prospectif sérieux (c’est à dire associant les personnes concernées comme acteurs majoritaire de la qualification prospective) est lamentable.
Les méthodologies prospectives des années 1990 sont derrière nous. Il est temps que les caciques et leurs héritiers le mesurent et agissent en conséquence ! En avril - mai 2020 il sera trop tard pour proposer une « resucée » de Strasbourg aime ses étudiants du clientélisme municipal d’avant.
Coup de gueule impossible à contenir !
Bon dimanche.
Cela dit l’évaluation des hauts fonctionnaires de tous poils dans notre pays reste un marronnier dont la datation remonte au moins à l’ancien régime. Non ?
Je reproche à celles et ceux qui dirigent et orientent (le pays, l’Université, la collectivité) d’utiliser des méthodologies passéistes pour asseoir des pouvoirs inutiles (si tant est que pouvoir utile ne soit pas un oxymore).
Je leur suggère d’anticiper des réactions d’une part de la population, les étudiant.e.s et de biens d’autres avec eux.elles. Car à défaut de continuer à soutenir nos caciques (il y a quelques décennies le terme de mandarin était employé par ceux qui occupent leurs places aujourd’hui) et leurs avenirs dans leur tout petit monde, notre jeunesse pourrait rapidement se préoccuper du sien et répondre à sa manière à celle et ceux qui lui font tant de mal.
Je propose une solution (de fait insuffisante) : des pratiques prospectives locales ouvertes et espère pour la ville et notre société que ces dispositifs se mettront beaucoup plus rapidement en place que le débat d’orientation budgétaire participatif !