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« Nous, personnels et étudiants de l’Université de Strasbourg, appelons à la démission de la ministre Frédérique Vidal »

Face au manque de concertation autour de la loi de programmation de la recherche, le comité de mobilisation de l’enseignement supérieur et de la recherche de l’Université de Strasbourg appelle à la démission de la ministre de l’Enseignement supérieur Frédérique Vidal.

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« Nous, personnels et étudiants de l’Université de Strasbourg, appelons à la démission de la ministre Frédérique Vidal »

« Dans le droit fil de la lettre adressée au Président Macron par la Commission permanente du Conseil National des Universités (CP-CNU) et de la pétition qu’elle a initiée, nous, personnels et étudiants de la communauté universitaire de Strasbourg, appelons à la démission de Madame Frédérique Vidal.

Prétendant aujourd’hui ouvrir un dialogue qui intervient bien trop tardivement dans le processus parlementaire en cours de finalisation de
l’adoption de la loi, les personnels et étudiants ne sont dupes, ni de la stratégie déployée au niveau national compte tenu de la période de confinement, ni des nombreuses atteintes aujourd’hui faites aux fondements de l’Université française. En outre, le processus législatif ne retranscrit pas la position commune qui résulte des différentes prises de parole, institutionnelles ou non, de la communauté universitaire.

Pour rappel, la Loi de Programmation Pluriannuelle de la recherche (LPR) devenue Loi de Programmation de la Recherche (LPR), est en discussion depuis le 1er février 2019, suite à l’organisation de consultations auprès de la communauté d’enseignement et de recherche dont il n’a été nullement tenu compte des avis. N’ayant eu connaissance du texte rédigé que le 7 juin 2020, après une sortie de confinement douloureuse, le Conseil national de l’enseignement supérieur et de la recherche (CNESER) a été saisi le 12 juin, dans des délais extrêmement brefs de consultation (débat de 21 heures) pour une remise de son avis le 19 juin. Le CNESER a émis un certain nombre de critiques sur le texte. Le Conseil économique, social et environnemental (CESE), dans son avis du 22 septembre 2020, a lui aussi souligné les limites du texte, le budget programmé n’étant pas à la hauteur des défis présentés.

Dans la nuit, des dispositions attentatoires aux libertés académiques ajoutées

En discussion au Sénat, plusieurs dispositions ont été introduites dans le texte, dans la nuit du 28 octobre, parmi lesquelles la soumission des libertés académiques aux valeurs de la République (rédaction heureusement abandonnée), plusieurs cas de dérogation à la procédure de qualification aux fonctions de professeur par le Conseil national des universités et la création d’un nouveau délit d’entrave à la tenue d’un débat organisé dans les locaux de l’université par le fait de pénétrer ou de se maintenir dans l’enceinte de l’établissement. La commission mixte paritaire saisie en vue de rédiger un texte commun aux deux chambres a, le 12 novembre, aggravé le délit en prévoyant une infraction différente (« délit de trouble à la tranquillité ou au bon ordre de l’établissement par le fait de pénétrer ou de se maintenir dans l’enceinte de l’établissement ») et une sanction plus lourde (« délit commis en réunion, sanctionné par une peine d’emprisonnement de 3 ans et une amende de 45 000 euros au titre des atteintes à l’autorité de l’État »).

Adopté par l’Assemblée nationale le 17 novembre et en discussion devant le Sénat le 20 novembre pour l’adoption du texte définitif, la concertation avec la communauté n’est pas matériellement possible. Cette adoption dans l’urgence en période de confinement, autrement dit en profitant de la difficile mobilisation collective des personnes directement concernées
par ce texte, relève de méthodes d’un autre temps et de modalités indignes d’un système démocratique : celles d’un autoritarisme qui fait fi des nombreuses pétitions, motions de conseils d’université, communiqués syndicaux ou de multiples collectifs qui ont tous exprimé des critiques majeures à l’encontre de ce texte.

Vers une saisine du Conseil constitutionnel

Les atteintes au statut de l’enseignant-chercheur, aux modalités d’exercice des fonctions de l’enseignant-chercheur, aux libertés académiques et aux libertés publiques (liberté d’expression, liberté d’association et libertés syndicales) dans l’enceinte de l’université apparaissent à nos yeux inacceptables. Le Conseil constitutionnel pourra être saisi. Mais nous ne craindrons pas de recourir aux différentes procédures permettant de faire
sanctionner de telles atteintes devant la Cour européenne des droits de l’Homme.

Pour toutes les raisons qui précèdent :

  • Nous appelons à la démission de la ministre Frédérique Vidal et soutiendrons toutes les démarches collectives entreprises pour l’obtenir ;
  • Nous demandons un moratoire sur le texte législatif afin d’associer dans le cadre d’un débat public contradictoire l’ensemble des enseignants-chercheurs des universités. Une étude d’impact menée en toute indépendance aurait clairement fait apparaître les limites du texte proposé. Nous interpellons le gouvernement à ce sujet afin de réaliser enfin une étude d’impact sérieuse ;
  • Nous exigeons des mesures d’urgence en termes de postes et de moyens
    financiers pour lutter contre toutes les formes de précarité dans l’ESR, ainsi qu’une revalorisation immédiate des bourses des étudiants. Tous les fonds d’urgence disponibles doivent être mobilisés, y compris ceux de l’Université de Strasbourg ;
  • Nous demandons la titularisation immédiate des non-titulaires exerçant des missions pérennes à tous les niveaux de l’enseignement supérieur et de la recherche ;
  • Nous dénonçons la position de la présidence de l’Université de Strasbourg qui est favorable à l’expérimentation des recrutements sous contrat, par dérogation au concours de la fonction publique (procédure de qualification par le CNU) ;
  • Nous décidons de la création d’une caisse de grève ;
  • Nous appelons à faire grève le mardi 24 novembre, journée de mobilisation nationale, et nous organiserons un événement le même jour à 14h, dont les modalités seront précisées ultérieurement.

Mobilisé·e·s dans la lutte pour une Université publique forte, au service du bien public, pour les libertés académiques et les libertés publiques, nous revendiquons le plein exercice de nos droits fondamentaux et de notre mission au service de la construction et de la diffusion d’une connaissance inventive et indépendante. »

L’assemblée générale qui a voté cette motion était appelée par le Comité de mobilisation de l’Université de Strasbourg et soutenue par l’intersyndicale de l’Université de Strasbourg et des organismes de recherche : Solidaires étudiant.e.s Alsace, CNT-STP67, SES-CGT, SNTRS-CGT, SNASUB-FSU, SNCS-FSU, SNESUP-FSU, FO-ESR, SUD Éducation Alsace.


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