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Un nouveau bidonville de demandeurs d’asile, cette fois au Neuhof

Un peu plus de 30 demandeurs d’asile se retrouvent sous tentes sur un trottoir de Strasbourg, dans le quartier du Neuhof. La situation ressemble en tous points au campement qui s’était installé derrière la gare durant l’été.

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Un nouveau bidonville de demandeurs d’asile, cette fois au Neuhof

L’image est cruelle. Une dizaine de tentes sur le trottoir rue des Canonniers, à l’entrée du Neuhof à Strasbourg. Sur la grille, un cadenas. Derrière la grille l’ancien hôpital militaire, puis universitaire Lyautey, devenu un centre d’hébergement en urgence, du moins en partie.

Environ 70 personnes sont hébergées dans une aile de ces anciens bâtiments, propriété de l’armée et donc de l’État. Une autre partie devrait ouvrir pour le plan hivernal. L’hébergement d’urgence des sans-abris, dont les demandeurs d’asile, relève de la Préfecture.

Le message est clair (photo JFG / Rue89 Strasbourg)

Sur place, plusieurs personnes s’affairent. Des habitants ou des membres d’associations de solidarité apportent des dons de vêtements ou de nourriture. D’autres commencent à faire tourner une pétition à l’adresse de la Préfecture et du maire, pour que ces familles aient un logement digne. Présent avec un petit camping car, Médecins du Monde procède à un profilage médical des personnes.

36 personnes sur place

Vers 16h ce lundi 13 novembre, le décompte de l’ONG est de 17 adultes, 17 enfants entre 2 et 10 ans, une personne de 15 ans enceinte de 4 mois et un bébé de six semaines. Ils viennent de Serbie ou de Macédoine. Pour certains, la demande d’asile est enregistrée, mais pas pour tous.

Sur place, Médecins du monde assure un premier suivi médical (photo JFG / Rue89 Strasbourg)

Ces familles, arrivées au compte-goutte depuis le début du mois de novembre n’ont pas accès à des toilettes, ni à des douches, alors qu’il y en a dans le centre Lyautey. Une situation qui inquiète et agace Nicolas Fuchs, coordinateur régional de la délégation Alsace – France Comté de Médecins du Monde :

« Ce sont des personnes avec un risque de dégradation de leur état sanitaire, avec un besoin de suivi. On est confronté à un problème d’accueil digne récurrent, mais ce n’est pas la population qui y est hostile. »

Habituée à intervenir sur ce type de situation, Médecins du Monde a néanmoins encore du mal à évaluer quel événement personnel déclenche l’exil et la demande d’asile pour ces nouveaux arrivants. Certains demandeurs seraient Roms, une minorité ethnique parfois non-acceptée dans leurs pays de résidence.

Le camp se structure (photo JFG / Rue89 Strasbourg)

Très similaire avec le camp du Rempart

La situation est très semblable à celle de l’ancien camp rue du Rempart, derrière la gare (voir tous nos articles). Les demandeurs d’asile sans hébergement ne peuvent désormais plus camper sur ce terrain de l’Eurométropole, car celui-ci a été labouré et il est devenu un splendide et bucolique espace vert, prisé par tous les Strasbourgeois.

Lors de la tardive mise à l’abri dans un gymnase des personnes qui y campaient, le centre Lyautey avait alors servi… pour l’hébergement temporaire et d’orientation des demandeurs d’asile.

C’est dans un exigu camping car que se déroule la visite médicale (photo JFG / Rue89 Strasbourg)

Des dons d’habitants

Des appels à la générosité des habitants ont été diffusés sur les réseaux sociaux. Les familles ont ainsi reçu plusieurs dons, mais avec la pluie, des habits ont été trempés. Sur place, ils essaient de construire des tentes plus robustes.

Rosine Lette, bénévole et co-responsable de la mission mobile de santé à Médecins du Monde, note néanmoins une différence liée à l’emplacement :

« Ici on remarque plus de solidarité de la part des habitants, car les demandeurs d’asile sont visibles de tous ».

Bruit, danger, pollution…
Les tentes sont très près de la route. (photo JFG / Rue89 Strasbourg)

C’est aussi la même avocate qui va suivre ces personnes, Me Sophie Schweitzer, présidente de la Ligue des Droits de l’Homme :

« J’ai fais les e-mails d’usage à la Préfecture et à l’OFII (Office Français de l’immigration et de l’intégration) et je dépose les référés demain (ce mardi 14 novembre). La situation est similaire au camp des remparts, mais symboliquement c’est plus lourd. »

Pas de recours en justice cette fois

Sur le fond, le tribunal administratif de Strasbourg avait ordonné à l’État de trouver une solution d’hébergement pour les familles. Les recours doivent être individuels, ou du moins familiaux. Néanmoins un autre recours, devant le tribunal de grande instance, initié par la Ville de Strasbourg et l’Eurométropole avaient exigé fin septembre l’évacuation du camp du Rempart sous deux mois . Cette fois-ci, un recours pour un bout de trottoir n’est pas à l’ordre du jour.

Et c’est toujours Marie-Dominique Dreyssé (EELV), adjointe au maire en charge des solidarités, qui se trouve en première ligne pour répondre aux questions. Elle s’était rendue sur place jeudi 9 novembre :

« Ces personnes veulent passer un message et espèrent être entendues. Vendredi, une place avait cependant été proposée à la famille avec un bébé qui l’avait refusée. La situation nous oblige à dialoguer une nouvelle fois avec l’État. On le pousse à trouver des solutions et ça va bouger car la situation ne peut pas rester comme ça. La consigne du maire est toujours la même : vigilance et action. »

Lors de la mise à l’abri de trois jours dans un gymnase et l’orientation, le secrétaire général de la Préfecture Yves Séguy avait prévenu que les pays des Balkans sont considérés comme « sûrs », et donc qu’environ 80% des demandeurs d’asile sont déboutés. La plupart venaient alors d’Albanie.

Dans un bilan de l’opération, la Préfecture et la Ville de Strasbourg avaient compté que plus des trois quarts des 126 personnes étaient des demandeurs d’asile et avaient été réparties dans des hébergements dédiés dans la France entière en attendant l’instruction de leur dossier. Pour les autres, les autorités avaient pudiquement constaté « un caractère plus complexe qui a suscité des accompagnements divers », vraisemblablement, une expulsion.


#Demandeurs d'asile

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