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« On paye déjà assez » : incompréhension au Neudorf face au stationnement payant

Au premier semestre 2024, le stationnement en voirie dans le quartier du Neudorf deviendra payant. Un changement d’importance pour ce quartier résidentiel où garer sa voiture était, jusque-là, difficile, mais gratuit. Contraints de prendre un abonnement ou de trouver un garage, les habitants restent dubitatifs sur l’impact de cette mesure qui les touchera directement au porte-monnaie.

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« On paye déjà assez » : incompréhension au Neudorf face au stationnement payant

Mardi matin, au cœur du Neudorf. Sous une pluie fine, la foule se presse pour le marché. À l’abri de la grande halle, les badauds défilent devant les étals de produits frais. Parmi eux, Fabian Jund. L’intérimaire de 24 ans connaît bien les problèmes de stationnement du quartier :

« J’habitais rue du Ballon, le stationnement était clairement compliqué. Aujourd’hui, je suis rue Sainte-Cécile. Il y a toujours de la place même si avec des voitures des deux côtés, c’est parfois difficile de circuler. »

Il se dit peu surpris par la décision de la municipalité de rendre payant le stationnement dans l’ensemble du quartier à partir de 2024 – « ça devait arriver » – mais ne sait pas encore comment il va faire. Le jeune homme convient que l’objectif affiché de la mesure, réduire le stationnement sauvage dans le quartier et diminuer le nombre de voitures en ville, sont de bonnes idées. Il en regrette pourtant la forme : « Il faudrait construire un parking pour les résidents ou mettre un abonnement qui ne coûte pas un bras. » Si la Ville planche sur l’installation de parkings en silos dans le quartier, aucune date de mise en service n’est pour le moment annoncée.

Fabian Jund, 24 ans, intérimaire. Photo : AL / Rue89 Strasbourg / cc

« Si ça peut désengorger les trottoirs, c’est bien »

Un sac de livres sous le bras, Sylvia Kuhry attache son vélo aux arceaux sur le côté du marché couvert. À l’instar de Fabian, elle a besoin d’une voiture pour aller travailler en dehors de Strasbourg. « Sinon, il y a le vélo et le tram pour se déplacer en ville. » Pour la mère de 35 ans, il est parfois difficile de circuler dans le quartier :

« Les trottoirs ne sont pas très larges et quand il y a des voitures partout, on doit descendre dans la rue avec la poussette. »

Elle espère que le stationnement payant permettra aux habitants de trouver plus facilement des places pour se garer et circuler sur les trottoirs, sans gêne.

Le coût de l’abonnement ?

« Quand on a un garage, on relativise. Mais si on avait une deuxième voiture, on prendrait l’abonnement résident. C’est un coût raisonnable. »

De 15 à 40 euros mensuels en fonction des revenus, une dépense à mettre en regard avec le coût d’un garage. 10 000€ à l’achat pour celui de Sylvia.

Sylvia Kuhry, 35 ans, chargée de communication en Allemagne. Photo : AL / Rue89 Strasbourg / cc

Aux alentours de la place du Marché, dans les rues résidentielles, on mesure l’importance de la question du stationnement dans le quartier du Neudorf. Des voitures stationnent des deux côtés des rues, certaines sur les passages piétons. Pas une place à l’horizon qui ne soit instantanément prise par un automobiliste en quête d’un parking. Lydie remonte la rue du Maennelstein, deux sacs de courses sur le côté. Les voitures garées sur le trottoir laissent à peine la place de passer à la médecin généraliste de 29 ans. « Ça va, je suis mobile. Je pense que pour les personnes âgées, c’est plus difficile. » Elle n’est pas contre la mise en place du stationnement payant : « C’est dommage pour les habitants, mais si ça peut désengorger les trottoirs, c’est bien. »

« Tout augmente et on va en plus payer le stationnement »

À l’autre bout du Neudorf, rue de Stosswihr, Claudine discute sur le pas de la porte d’une voisine. En arrêt pour maladie professionnelle, l’ancienne aide cuisinière attend la retraite. « Le stationnement dans le quartier, c’est une horreur. Il y a de plus en plus de voitures, mais pas assez de places. » Autour, des voitures sont garées à touche-touche dans la petite rue. « Trouver une place le soir, c’est difficile, mais je m’arrange avec mon voisin pour stationner devant notre portail », ajoute-t-elle en désignant sa petite Ford bleue. Claudine a appris la mesure de la municipalité au journal télévisé, une « nouveauté » loin de la réjouir :

« On a la taxe d’habitation, le foncier, les charges qui augmentent… On paie déjà assez. »

Une pétition contre le stationnement payant a été initiée et a recueilli 200 signatures le 16 mars au matin.

Claudine habite rue de Stosswihr où il est particulièrement difficile de se garer. Photo : AL / Rue89 Strasbourg / cc

Devant le Auchan du Neudorf, rue d’Orbey, Mélina Gambs découvre la nouvelle en allant faire une course. Employée dans un restaurant de Reichstett, elle a besoin de sa voiture pour aller travailler. « En transports en commun, c’est au moins une heure et quand je termine le soir, il n’y a plus rien. » La jeune femme de 25 ans reconnait faire partie de ceux qui se garent parfois sur les trottoirs. « Le soir, c’est assez difficile, je tourne beaucoup pour trouver une place. » Le stationnement payant n’enchante pas la salariée. « Tout augmente et on va en plus payer pour se garer », avant de reprendre, résignée, « je n’ai pas le choix de me garer ailleurs, je vais payer. »

Mélina Gambs, 25 ans, employée dans un restaurant de Reichstett. Photo : AL / Rue89 Strasbourg / cc

« Je voulais revenir vivre à Neudorf, maintenant, j’hésite »

Place Henri-Will, c’est l’heure de la sortie d’école. Autour de l’aire de jeux, une ribambelle d’enfants courrent dans tous les sens sous le regard des mamans, des grands-mères et de quelques papas. Natacha est auto-entrepreneuse, elle exerce dans le domaine de la petite-enfance. Elle ne vit plus dans le quartier depuis un an et demi, mais continue d’amener sa fille à l’école Sainte-Anne à deux pas. « Je voulais revenir vivre à Neudorf, maintenant, j’hésite, » explique la jeune femme qui ne peut pas se passer de véhicule pour son activité professionnelle :

« Si un abonnement, c’est jusqu’à 40€ par mois, c’est beaucoup. Je n’ai pas de gros revenus avec mon entreprise et j’ai des clientes dans toute la ville. La voiture, c’est pratique pour transporter mon matériel. »

Natacha, 33 ans, auto-entrepreneuse dans le domaine du périnatal. Photo : AL / Rue89 Strasbourg / cc

« Quand on appelle la police, ils ne se déplacent pas ! »

La nuit tombe sur la route du Polygone. Les voitures se font plus nombreuses dans la rue et la lumière des phares se reflète dans la vitre du bar Cave d’Espagne. À l’intérieur, les discussions vont bon train autour d’un demi. Ici, le passage au stationnement payant du quartier ne compte pas beaucoup de soutiens. Danny Kuntz, 71 ans, commente la décision de la Ville de Strasbourg :

« Je ne pense pas que ça va régler les problèmes de stationnement. C’est du pipeau ! C’est pour ramener des sous dans les caisses de la municipalité. »

Le retraité possède deux garages près de chez lui, mais se sert de sa voiture pour se déplacer dans le quartier. « Quand j’ai des courses, ce n’est pas évident de faire le trajet à pied », expose t-il.

Danny Kuntz, 71 ans, retraité. Photo : AL / Rue89 Strasbourg / cc

Daniel Schaefer s’installe à une table avec Danny et quelques amis. Cadre bancaire, il a 51 ans et pas de garage. « Il existe des lois pour lutter contre les voitures ventouses et le stationnement gênant. Aujourd’hui, personne ne les fait respecter. » Un client du bar intervient : « Quand on appelle la police, ils ne se déplacent pas ! » Et Daniel de reprendre : « Les gens qui se garent dans le quartier sont des riverains, les pousser à prendre un abonnement ne libérera pas de place. Je ne vois pas en quoi ça va régler le problème, faisons déjà appliquer la loi. » Autour, les convives opinent du chef. Dehors, il fait nuit noire, la circulation route du polygone se fait moins dense. Dans les rues adjacentes, quelques automobilistes tournent toujours en quête d’une place.

Daniel Schaefer, 51 ans, cadre dans une banque. Photo : AL / Rue89 Strasbourg / cc

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