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Le périphérique de Strasbourg, la plus grande décharge de l’Eurométropole

Les agents de la DIR Est ramassent 500 kilos de déchets au kilomètre sur les 55 bornes de l’autoroute périphérique de Strasbourg. Mais le nettoyage n’est pas leur occupation principale et ils doivent faire face au mécontentement des riverains et des élus sans voir émerger de solution.

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Le périphérique de Strasbourg, la plus grande décharge de l’Eurométropole

Le 1er mars, une lettre arrive sur le bureau du préfet de la région Grand Est, Jean-Luc Marx. Elle est signée Gilbert Roth, président de la communauté de commune de Molsheim. Le courrier fait état de l’exaspération de plusieurs maires quant à la saleté de l’autoroute A351, entre Illkirch-Graffenstaden et Molsheim. Un point noir pour l’attractivité de l’agglomération strasbourgeoise, d’après Gilbert Roth.

Ce n’est pas la première fois que la préfecture est interpellée sur le sujet. Dès le début de son mandat, Robert Herrmann, président (PS) de l’Eurométropole, avait fait part de son désarroi au préfet. Car c’est Robert Herrmann, en tant qu’élu local, qui reçoit régulièrement des lettres de citoyens se plaignant de la saleté du périphérique de Strasbourg, même si le nettoyage de l’A35 ne dépend pas de l’Eurométropole.

20 agents pour nettoyer 55 kilomètres

Lorsque la préfecture récolte les doléances des élus, elle les fait redescendre à la DIR Est (Direction Interdépartementale des Routes de l’Est). C’est elle qui entretient l’autoroute aux abords de Strasbourg pour le compte de l’Etat. Thomas Froment, chef du district de Strasbourg à la DIR Est, est directement concerné par les remontrances des élus. Il assure être conscient du problème mais que son équipe fait déjà le maximum.

Pour couvrir les 55 kilomètres de bitume du périphérique strasbourgeois, la DIR Est peut compter sur une équipe de 20 agents d’exploitation. Sauf qu’au quotidien, ils sillonnent l’autoroute pour assurer la sécurité des usagers en signalant les accidents, neutralisant des voies si nécessaire, ils réparent les panneaux, débroussaillent les bordures, etc. Des tâches nombreuses et très variées qui laissent peu de temps au nettoyage.

Sébastien Kuntz fait partie des agents d’exploitation :

« La propreté est loin d’être notre priorité. Avec tout ce qu’il se passe sur la route, on a largement d’autres chats à fouetter. »

C’est uniquement quand ils ont un moment de « libre » que les agents sortent les sacs poubelles, les pinces et les gants.

Entre bouteilles d’urine et cadavres d’animaux de compagnie

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Si les déchets répugnent les élus et certains habitants, les agents de la DIR Est sont les premiers à en faire les frais. Sébastien Kuntz décrit ce qu’il ramasse :

« Cela va des traditionnels emballages de fast-food aux autoradios, en passant par les vieilles chaussures. Autre grand classique : les bouteilles d’urine. Des jolis souvenirs laissés par certains routiers. »

En plus d’être peu ragoutantes, certaines découvertes sont pour le moins sinistres, raconte Luc Kordian, un autre agent :

« Certaines personnes ne savent pas quoi faire du cadavre de leur animal de compagnie alors elles le laissent sur le bord de la route. On retrouve aussi souvent des sacs remplis de sextoys. Les gens se disent sûrement, qu’au moins, personne ne tombera dessus mais c’est sans compter sur nous ! »

Aussi variés soient-ils, ces déchets représentent un coût pour la collectivité. Entre 5 000 et 11 000 euros par an, d’après Françoise Bey, vice-présidente de l’Eurométropole en charge de la propreté, qui ne voit pas l’intérêt de dédier plus de moyens :

« Plus d’argent et plus de main d’œuvre ne veut pas dire qu’on a une autoroute plus propre. Quand vous nettoyez le périphérique, il faut recommencer 15 jours après. »

Seule solution, la sensibilisation ?

Pour toute l’Alsace, la DIR Est n’a qu’une seule balayeuse, une machine qui aspire une partie des déchets sur le bord de la route. Même si l’Eurométropole a accepté de lui en prêter une deuxième, et que donc le parc de balayeuses de la DIR Est a doublé, cela ne réglera pas tout. Ce prêt représente un coût de 5 000 euros par an pour la collectivité.

Les services de propreté de l’agglomération ont aussi déjà fait appel à des personnes en réinsertion professionnelle. Mais l’initiative a des limites. Il serait trop dangereux de laisser ces personnes seules sur le bord du périphérique. Or si des agents de la DIR Est doivent les encadrer, c’est du temps en moins qu’ils consacrent à la sécurisation du réseau. Donc l’idée perd de son intérêt.

Pour l’instant ni la DIR Est, ni l’Eurométropole n’ont trouvé de réponse adaptée. Ces derniers mois, elles se sont lancées ensemble dans une campagne de sensibilisation. L’Eurométropole réfléchit à des messages tandis que la DIR Est fournira les panneaux. Pour l’instant, on ne sait pas quand est-ce que les usagers verront fleurir ces slogans anti-déchets au bord du périphérique. Difficile également de savoir si cela fera radicalement changer le comportement des personnes les moins respectueuses.

D’autres villes en France ont choisi des solutions plus radicales. Par exemple, Montreuil, en Seine-Saint-Denis, a créé une brigade propreté en juillet 2016. Une équipe de onze agents est spécialement dédiée au nettoyage et à la verbalisation. Grâce à des caméras, ils relèvent les plaques d’immatriculation et retrouvent ainsi les responsables. En 2017, ils ont envoyé 2 400 PV de 130 à 180 euros. Au début de l’opération, la ville avait identifié 200 points critiques où s’accumulaient les déchets. Elle assure qu’il n’y en a plus qu’une cinquantaine aujourd’hui et que les économies réalisées en traitement des ordures permettent de couvrir les frais liés aux investissements de départ.


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