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Ce que la rénovation des piscines a changé à Strasbourg

En 2010, l’Eurométropole met en place le « Plan Piscines », soit 100 millions d’euros pour rénover ses 9 piscines en 10 ans. Une vaste politique à plusieurs niveaux. Il reste 30 millions d’euros pour deux piscines. Où en est-on et qu’est-ce qui a changé ?

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Ce que la rénovation des piscines a changé à Strasbourg

Sous une des douches extérieures du Wacken, Serge et Astrid se savonnent avant de rentrer chez eux. Le Plan piscines ? Bien sûr qu’ils connaissent. Ils sont curieux des informations qui ont pu être dévoilées lors d’un point presse jeudi 28 juillet.

« Que va devenir la piscine de Hautepierre ? Elle est fermée depuis longtemps et comme on habite à l’ouest, ça nous arrangerait. »

Pas de chance pour ces deux habitants de Lampertheim, c’est la piscine qui prend un gros retard. Alors que les travaux devaient durer de septembre 2015 à septembre 2017, elle ne ré-ouvrira qu’en septembre… 2018. Selon le vice-président de l’Eurométropole en charge des Sports, Claude Froehly (PS), « on a pris de plein fouet la baisse des investissements ». Des explications qui étonnent les deux nageurs : « C’est de l’argent qui avait déjà été prévu. Il faut croire qu’il y a d’autres priorités. »

Le Plan piscines, une politique sur 10 ans

Initié en 2010, le Plan piscines prévoit 100 millions d’euros pour la rénovation des 9 piscines de l’Eurométropole (ex-CUS). Depuis 2010, 70 millions ont été dépensés (en comptant Hautepierre). Et la piscine des Bains municipaux, dossier épineux, a été retirée du plan, contrairement à la promesse des élections municipales ou les écrits de CUS Magazine de 2010. C’est la Ville de Strasbourg, via la société publique locale (SPL) des Deux-Rives, qui aura la charge de sa rénovation.

Il reste donc 30 millions pour les piscines de la Hardt à Illkirch et de la Robertsau. En revanche, le plan ne prévoit pas de construction de nouvel établissement. C’était pourtant un « axe » voté le 5 février 2010 en Conseil communautaire, lors de l’étude du « schéma directeur du Plan Piscines ». Dans un long diagnostic (47 pages) de la situation, réalisé en 2008 et rendu public en 2015,  le cabinet Ingénierie Sportive et Culturelle (ISC) notait un « manque important », notamment en bassin de moyenne profondeur.

On y apprend que le maire de Kehl était « très attaché » au concept d’une piscine franco-allemande et le document conseille un partenariat. Le lieu n’est pas précisé, mais le jardin des Deux-Rives où existait la piscine parfois regrettée de l’Océade, détruite en 2001, semble plus adapté. La piscine binationale était notamment un projet de l’ancien « maire délégué » (2001-2008) de Strasbourg Robert Grossmann (centre-droit).

Carte – Plans Piscines : qui a eu quoi ?

Pas de nouvelle piscine

Les jours de grande chaleur, le manque de bassin extérieur reste le talon d’Achille de l’offre strasbourgeoise. Astrid explique qu’elle fait alors encore souvent le choix de l’Allemagne :

« Un dimanche cette année, on nous a dit qu’il y a eu 4600 personnes en tout au Wacken, alors que la piscine peut en accueillir 2000 en même temps ! Les gens faisaient la queue jusqu’au Parlement. En Allemagne, les aménagements sont plus sympathiques. On y trouve du sable, des transats ou des bassins de relaxation. Le Plan Piscines investit peu dans ces domaines. Il n’y a plus que les Bains municipaux avec un sauna, mais c’est tellement vieux que ça ne donne pas envie. »

À la critique récurrente d’absence de nouvelle piscine (la dernière construction date de 1987 avec celle de Hautepierre), Claude Froehly a une réponse toute prête :

« Avec la réouverture de la piscine de Hautepierre en 2018, il y aura 27% de surface de nage en plus dans l’agglomération par rapport à 2010. »

Un calcul qui ne sera donc vrai que dans deux ans. Surtout, ce terme permet d’englober tout et n’importe quoi : il prend en compte les heures d’ouvertures plus étendues (4 000 heures de plus par an, notamment car la piscine du Wacken est désormais ouverte toute l’année), les créneaux désormais partagés avec les clubs et scolaires, comme les extensions. À Hautepierre, un bassin extérieur nordique (c’est-à-dire chauffé pour être ouvert toute l’année comme au Wacken) de 25×25 mètres sera par exemple ajouté.

Lors de cette réouverture, les travaux des Bains municipaux devraient débuter et donc entraîner une fermeture, sans parler des piscines d’Illkirch-Graffenstaden et de la Robertsau.

Une fréquentation en hausse

La fréquentation, elle, est passée de 1 million d’entrée par an à 1,3 million depuis 2010, soit 3 entrées par habitant en moyenne. Environ un cinquième (234 000 entrées) provient des 4 423 abonnés. La seule piscine à enregistrer moins de nageurs depuis sa rénovation est celle d’Ostwald « car il n’y a pas de bassin d’apprentissage », estime Claude Froehly. C’est d’ailleurs l’un des points positifs du Plan Piscines selon la CGT Eurométropole : la diversification des activités (notamment les cours d’aquagym) « a permis de toucher de nouveaux publics ».

Si le service des Piscines est fier d’annoncer ces résultats, c’est aussi parce les nouveaux matériaux ont permis de dégager des économies pour son financeur, l’Eurométropole, notamment de chauffage et d’eau (un consommation divisée par deux). Là où une entrée payée ne prenait en charge que 11% du prix réel, il est passé à 27%. Au Wacken, la piscine la plus fréquentée (plus de 380 000 entrées), ce que l’on appelle « le taux de couverture » est même de 40%. Revers de la médaille, les lignes d’eau sont parfois saturées.

La Piscine du Wacken est la préférée des élus. C'est celle où l'entrée et la moins subventionnée. Quitte à y être parfois un peu serré.
La Piscine du Wacken est la préférée des élus. C’est celle où l’entrée est la moins subventionnée. Quitte à y être parfois un peu serré (Photo JFG / Rue89 Strasbourg)

Nathalie, enseignante, fait partie de ces nageurs désormais séduits par le Wacken :

 « Le changement a été spectaculaire, cela incite à revenir. L’eau n’est plus aussi froide d’après-moi, c’est très propre, le coin avec les enfants est mieux séparé des nageur. C’est vrai qu’il vaut mieux y aller tôt pour avoir de la place. Et la buvette, même si elle n’ouvre qu’à 10 heures, a des prix attractifs. Ça change de la Robertsau, désuète, mais qui reste utile pour les classes et les enfants. L’ambiance est aussi plus calme qu’avant la rénovation du Wacken… »

Le retour sur investissements est aussi meilleur grâce aux augmentations de prix. Le prix moyen est 2,45€ contre 1,80€ en 2010. Une entrée simple coûte 4,40 euros, bien qu’un tarif réduit ait été mis en place pour les familles aux faibles revenus (73 453).

Des critiques

Le Plan Piscines a aussi ses détracteurs. Parmi les plus virulents, l’ancien nageur en compétition Jean-Daniel Moussay, président de l’association « Des Piscines pour tous » selon qui « toutes les critiques initiales (voir une tribune de 2012) sont encore valables » :

« Le Wacken est sous-dimensionné. Avec l’îlot en bois au milieu, il y a moins de surface pour nager. Pour le profane, c’est joli, mais pour l’utilisateur, le compte n’y est pas. Les vestiaires de la piscine de Schiltigheim ont été refaits, mais ce sont exactement les mêmes bassins dedans. Pour la Kibitzenau, à ce prix-là (21,5 millions d’euros), on pouvait en faire une nouvelle comme à Nîmes (le Nemeusa). Notre association n’est plus contactée pour les décisions. »

La piscine de la Kibitzenau, c’est l’autre couac de ce plan. Un problème de frottements de la cloison qui séparait le grand bassin a nécessité une fermeture d’un mois cet été. L’entreprise va certes indemniser l’Eurométropole, mais cela ne fait pas les affaires de ceux qui veulent nager.

De grandes baies vitrées donnent toute sa place à la lumière du jour (Photo PF / Rue89 Strasbourg)
La piscine de la Kibitzenau. De grandes baies vitrées donnent toute sa place à la lumière du jour. Mais la cloison a fait défaut (Photo PF / Rue89 Strasbourg)

« Pas de moyens dans l’humain »

Pour le conseiller municipal d’opposition Jean-Philippe Vetter (LR), il était possible de mieux faire avec un budget aussi conséquent :

« Que la collectivité investisse 100 millions d’euros pour ses piscines est positif et, même quand on est dans l’opposition, il faut le saluer. Mais il n’y a toujours pas de piscine aux normes de compétitions internationales. La piscine de la Victoire a été retirée du plan, contrairement à ce qui était promis, alors que comme la piscine du Wacken, on aurait pu en faire un équipement d’exception. Et surtout, tout a été dépensé dans les infrastructures, mais pas dans l’humain. Avec la facturation des lignes d’eau pour les clubs (ndlr, 15,5€ par heure pour une ligne de 25 mètres), c’est une taxe sur le bénévolat déguisée. Les clubs doivent ensuite augmenter le prix de la cotisation pour rentrer dans leurs frais. »

Claude Froehly met en avant le soutien de la collectivités aux clubs :

« Les licenciés âgés de 5 à 25 ans voient la ligne d’eau qu’ils occupent compensée à 100 %. Les plus âgés payent dorénavant comme tout le monde. »

Côté personnel

Enfin, les piscines ne sont pas épargnées par l’objectif de réduction de 10% du personnel à l’horizon 2020. Les non-remplacements ont été concentrés sur le service de nettoyage, qui a été confié à des sociétés privées au Wacken et à la Kibitzenau. Les syndicats ont combattu cette décision, tandis que les services administratifs la justifient pas « des plaintes » sur la propreté. Au total, 159 agents, tous métiers confondus (maîtres nageur, agent d’accueil, d’entretien, etc.), travaillent pour ce service.

Autre aspect que relève la CGT, celui d’une mobilité parfois imposée :

« Une des réformes du Plan piscines amène les agents à changer d’établissement parfois tous les ans pendant les travaux. Cela peut casser une certaine routine, mais aussi avoir un effet inverse où les agents ne se sentent pas investis par un site, un projet, ou n’ont pas le temps de créer la confiance avec certains publics difficiles. »

Autre point de vigilance de la part des syndicats, l’important recours aux saisonniers l’été. « Une fois, il y avait un seul titulaire autour du bassin. Comme si c’était une manière de pallier le manque d’effectifs », regrette le syndicat majoritaire.

 


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