
C’est une première dans l’histoire de la presse française. Michel Lucas, le patron du Crédit Mutuel, propriétaire du journal L’Alsace, a fait imprimer l’édition de mardi en Allemagne pour contourner une grève du syndicat du Livre. Les ouvriers sont sous le choc, les journalistes moins.
Michel Lucas, président du Crédit Mutuel et de tout un tas d’organes du groupe CM-CIC, ne supporte pas qu’on lui résiste. Propriétaire de L’Alsace depuis 1972, le Crédit Mutuel de Michel Lucas a racheté les journaux régionaux de l’ensemble de l’est de la France en 2011 pour les regrouper au sein du groupe Ebra. Alors quand le Syndicat du Livre (Filpac-CGT), qui représente la trentaine d’ouvriers imprimeurs du journal L’Alsace, a débuté une grève la semaine dernière aboutissant à deux non-parution jeudi 20 et vendredi 21 novembre, Michel Lucas a modifié son emploi du temps pour venir à Mulhouse prendre les choses en mains.
Devant les salariés de L’Alsace lundi, il a tenu une première assemblée générale à 16h au cours de laquelle il a discouru sur l’état, catastrophique, du journal. Une dette de 60 millions d’euros, des pertes de 6 millions d’euros par an, une diffusion (90 000 ex.) en baisse, etc. Et par conséquent a-t-il rappelé, c’est bien le Crédit Mutuel qui paie les charges de cette maison.
À l’assemblée générale, « c’est moi le patron »
À 22h, il a tenu une nouvelle AG, cette fois nettement plus courte et destinée aux ouvriers du Livre, 17 minutes selon certains observateurs, mais où il a eu le temps d’indiquer que l’impression du journal et l’encartage pouvaient être réalisés « ailleurs », que des essais avaient d’ores et déjà été réalisés le week-end précédent, qu’il était hors de question de rouvrir des négociations salariales et que c’était lui « le patron ». Douche froide pour les ouvriers qui pensaient qu’un accord était en voie de finalisation depuis vendredi pour une nouvelle « prime de panier », ils commencent à se demander s’ils ne doivent pas à nouveau bloquer les rotatives.
Mais peine perdue, car le journal était au même moment imprimé en Allemagne. Des instructions avaient été données à la rédaction pour « bater » (c’est à dire valider) les pages à 17h30, afin qu’elles soient imprimées ailleurs, probablement par l’imprimerie d’un journal du Bade-Wurtemberg. Les exemplaires ont ensuite été ramenés dans la nuit près de Mulhouse, un rendez-vous a été donné aux employés de L’Alsace en charge de la distribution pour qu’ils les récupèrent.
Une meilleure qualité qu’habituellement
L’exemplaire imprimé mardi est donc une « édition spéciale » de 48 pages toutes en couleurs, unique pour toute la zone de diffusion et comprenant deux pages de chaque édition locale. Du côté des ouvriers du Livre, c’est la consternation. Brahim Bouchareb, délégué syndical Filpac-CGT, prévient :
« Michel Lucas nous a fait le coup une fois mais il n’y en aura pas deux. On sait très bien où les journaux ont été imprimés et comment ils sont arrivés à Mulhouse pour être distribués. Nous avons des relations avec les ouvriers des journaux en Allemagne et nous en appellerons à leur solidarité le cas échéant. La grève est un droit constitutionnel. Ce coup de force de Michel Lucas montre bien quel personnage il est. Ce qu’il a fait doit servir d’avertissement à tous les journaux du groupe Ebra, car ça pourrait arriver à n’importe lequel. »
De leur côté, les journalistes apprécient à mots couverts de voir le monopole de la Filpac-CGT sur l’impression battu en brèche. Comme le résume l’un d’entre eux :
« On avait l’habitude de voir les ouvriers du Livre réclamer quelque chose, la direction négociait pour le principe et à la fin les ouvriers obtenaient ce qu’ils avaient demandé. S’ils perdent leur capacité de blocage, ils arrêteront peut-être de tirer contre tout un journal à 30 ! L’ironie de l’histoire est que les retours des abonnés ont été très bons pour ce journal tout en couleurs et qu’il s’agissait du journal-anniversaire pour les 70 ans de L’Alsace. »
La Filpac-CGT est encore sous le coup et n’a pas réagi à ce contournement. Mais Michel Lucas a prévenu dans un email que si les ouvriers se mettaient à nouveau en grève, il fermerait purement et simplement le centre d’impression de L’Alsace.
Aller plus loin
Sur Rue89 Strasbourg : tous nos articles sur L’Alsace
Une honte!!!!
L'Est Républicain, Les Dernières Nouvelles d'Alsace, L'Alsace, Le Journal de la Haute-Marne, Vosges-Matin.
Le Bien public, Le Journal de Saône-et-Loire, La Presse de Gray,
La Presse de Vesoul;
Le Dauphiné libéré, Le Progrès, La Tribune, L'Indépendant du Louhannais et du Jura.
Le Siège du groupe est à Nancy.
M. Lucas a depuis longtemps intégré la grande région et on se demande pourquoi les DNA et sans doute l'Alsace aussi font tellement de publicité pour le Conseil d'Alsace Unique. En tant que banquier, il sait comment gagner de plus en plus d'argent, même s'il prétend en perdre dans les quotidiens. La solution c'est: vous en lisez un, vous les avez tous lus. C'est ça le nouveau journalisme. Vous rajoutez une bonne gestion a l'échelle de la grande région, et c'est le jackpot.
Vous allez voir, Le Crédit Mutuel va aussi se délocaliser, libérer le Wacken et s'installer à Metz ou à Nancy. Si M. Lucas le décide ce sera fait et ce ne seront pas les politiques alsaciens qui pourront le faire changer d'avis.
Quand les dirigeants syndicaux et élus de gauche vont ils enfin mettre des culottes longues?
Si les syndicaliste ne sont pas en mesure de comprendre les lois élémentaires du marché, alors il ne faut pas s'étonner de la décision de LUCAS.
Et d'être, encore, et encore à continuer à injecter des fonds pour faire vivre l'entreprise, il y a des limites, et la décision n'est que légitime.
Si les bonnes décisions ne sont pas prises à court terme c'est la disparition de l'entreprise, comme cela est souvent le cas en France. D'une par la méconnaissance de certains dirigeants ou des syndicalistes rigides et non formés qui n'ont pas eu le courage de dire stop pour sortir de la crise. C'est le mal Français.
Ils ne doivent pas perdre de vue, que pas de journaux, plus de CLIENTS, plus de travail. C’est mathématique, déjà que la presse écrite est en chute libre. (désolé il avait une faute de frappe)
Quant à ce comparer à un otage, voilà le type de comparaison parfaitement indécente... allez en Irak si vous voulez tester la condition d'otage...
À combien était la prime de panier ? combien voulaient-ils d'augmentation ?
J'aimerai aussi connaître le salaire des imprimeurs sachant que c'est un travail de nuit donc payé plus que de jour et que le travail de nuit raccourci la durée de vie.
Parce que LE CANCER, lui évolue... PAS LA C.G.T. !!!
Krasucki -KI-KI = syndicat CA-CA !
Les syndicats c’est fait pour donner raison à des gens qui ont tort.
Ils représentent 12% des travailleurs et la CGT 28 % de ces 12 %.
Ce qui fait : 3% des travailleurs pour la CGT ... et ils nous emmerdent".
"on conditionne et réserve les avantages des comités d'entreprise et des acquis collectifs négociés aux seuls adhérents des syndicats?
C'est bien votre idée? ou vous trouvez que c'est une atteinte à la liberté d'association?... faudra choisir...
Sinon, les chiffres de participation aux élections professionnelles sont très supérieurs à 12%... et aux taux de participation des élections politiques...
Mais j'adhère.
Nous avons droit à l'information.
Remerciements et salutations.
Signé : M. Tef TRAVAPEUR
Ces mecs bénéficient de salaires et d’avantages sociaux indécents.
Si vous aviez un peu de culture historique, vous sauriez que le syndicat du livre CGT est historiquement un bastion du syndicalisme réformiste qui a longtemps emmerdé les instances confédérales du temps de Frachon ou Krasucki... et du bon temps du communisme politique triomphant...
Ce ne sont pas les syndicats qy s'en foutent plein les poches mais l'Editeur !!
J'espère que vous comprenez la différence .
Un texte qui à l'avantage de souligner les limites et les dérives du "journaliste", tout en positionnant la rédaction (je ne sais pas si cela rends service au journal) dans ce qu'elle veut faire et être.
Merci !!
Qui parmi vous les râleurs connait et qui accepterait les conditions de travail et de salaires des porteurs de presse qui sont le maillon fort de la presse quotidienne régionale ?
Alors que le journal est payé 2 fois par le lecteur, une fois par son prix ,une autre fois par les subventions de l'état, peut-t -on rémunérer 4 euros de l'heure un salarié qui se lève à 3h tous les matins et qui de plus utilise son véhicule personnel.
8 cts par journal , comptez combien il faut en livrer pour gagner une heure de smic !
Alors qu'il y ait une grève des nantis ou pas dans ce type d'entreprise , cela ne me dérange pas
Après cela, vous me direz quelle serait position à la place du méchant M. Lucas dans cette situation.
D'autre part, je cite " Ce coup de force de Michel Lucas montre bien quel personnage il est"
Je dit " Ce coup de force de Filpac-CGT montre bien quels personnages il sont".
Blanc bonnet, bonnet blanc ?
Je ne me positionne pas par rapport au conflit, mais par rapport à la tournure de l'article qui est clairement orienté. Limite c'est un public-reportage de la CGT... Une question : est-ce à l'image de l'auteur ?