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Pour les femmes enceintes, Strasbourg développe le bio sur ordonnance

Pendant près d’un an, 800 femmes enceintes ont bénéficié de la distribution de paniers de légumes bio dans le cadre des « ordonnances vertes ». La mairie de Strasbourg dresse un bilan positif de l’expérimentation, qu’elle souhaite généraliser.

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Pour les femmes enceintes, Strasbourg développe le bio sur ordonnance

Avec un grand sourire, Jeanne Barseghian tend à une femme enceinte un sac de légumes bios. La scène ressemble à une pub, conçue pour promouvoir le dispositif des ordonnances vertes. Lancé en novembre 2022 par la mairie, le programme a pour objectif de lutter contre les perturbateurs endocriniens, des composés perturbant le fonctionnement du système hormonal, présents dans de nombreux produits du quotidien et l’alimentation. Ces composés chimiques sont corrélés à de nombreux problèmes de santé, de la puberté précoce à certains cancers, en passant par des troubles du comportement.

Jeanne Barseghian, maire de Strasbourg, distribue des paniers de légumes bios devant la maison urbaine de santé de l’Ill. Photo : AL/Rue89 Strasbourg

Délivrée par un médecin généraliste, un gynécologue ou une sage-femme, l’ordonnance verte permet aux femmes enceintes de bénéficier d’un panier de légumes bio gratuit chaque semaine pendant sept mois. Ce changement d’alimentation réduit l’exposition des futures mamans. « On a des éléments objectifs qui montrent la nocivité des perturbateurs endocriniens, c’est pour cela que nous avons décidé d’agir », déclare le docteur Alexandre Feltz, adjoint à la santé publique et environnementale.

« Ce ne sont pas des efforts énormes ou coûteux »

Médecin de profession, l’élu à l’origine du dispositif détaille les trois périodes de la vie auxquelles l’exposition à ces substances est la plus à risques : « Lors de la grossesse, dans la petite enfance et à l’adolescence. » En plus des paniers, les bénéficiaires doivent également suivre deux ateliers de formation sur les perturbateurs endocriniens. Pour le docteur Feltz, adjoint en charge de la santé publique et environnementale à la Ville de Strasbourg, l’objectif est d’amener les familles à changer leurs habitudes de consommation.

Alexandre Feltz, adjoint à la santé publique et environnementale. Photo : AL / Rue89 Strasbourg

Othnielle est infirmière, en début de grossesse et vient de suivre un de ces ateliers :

« Sur le coup, c’est très stressant parce qu’on se rend compte que tout ce que l’on consomme est touché par les perturbateurs endocriniens, l’eau en bouteille par exemple. On se demande comment on va pouvoir changer nos habitudes, mais on découvre aussi que c’est possible. »

Rien de déroutant pour Blandine, qui a accouché fin juillet et témoigne :

« On ne peut pas tout faire d’un coup, on y va progressivement. Surtout, on se rend compte que ce ne sont pas des efforts énormes ou coûteux, ce sont surtout des habitudes à changer. »

Un quart des femmes enceintes à Strasbourg

Depuis novembre 2022, 800 femmes ont bénéficié des ordonnances vertes, soit un quart des Strasbourgeoises enceintes. En s’adressant aux futures mères, ces conseils de santé touchent l’ensemble de la famille et les proches. « Ce sont plusieurs milliers de Strasbourgeoises qui ont eu accès à la prévention santé. On voit aussi un effet très fort, en interrogeant ces femmes, on s’est rendu compte que 90% d’entre elles voulaient continuer à manger bio. » Alexandre Feltz relate en revanche qu’une sur dix a quitté le dispositif en cours de route. « C’est un pourcentage très faible, mais on travaille à identifier les causes. »

Photo : AL/Rue89 Strasbourg

En 10 mois, 11 000 paniers ont été distribués et 80 ateliers se sont tenus dans tous les quartiers de la ville. « La CPAM nous a aussi permis de cibler les personnes les plus en difficultés, celles qui sont souvent les moins informées sur les questions de santé », explique l’adjoint à la maire de Strasbourg. Coût pour la collectivité : 500 000 euros, dont 315 000 euros sous forme de subventions. Une dépense à mettre en balance avec le bénéfice en termes de santé publique selon Jeanne Barseghian. Selon une étude de 2015 du journal of Clinical Endocrinology & Métabolism, le coût des perturbateurs endocriniens est estimé à 157 milliards d’euros pour les système de santé européen.

Objectif 1500 Strasbourgeoises accompagnées en 2024

« Le bilan est si positif qu’on ne va pas s’arrêter, on espère monter en puissance », explique Jeanne Barseghian avant de détailler les contours du dispositif à partir de 2024. Le 26 juin 2023, le conseil municipal votait à l’unanimité la reconduction des ordonnances vertes pour trois ans.

Si la forme reste la même, la municipalité se fixe l’objectif d’accompagner 1 500 femmes. Dans les ordonnances vertes nouvelle mouture, un critère social sera introduit. La durée pendant laquelle les futures mamans pourront bénéficier de la distribution des paniers étant modulée selon le quotient familial. « De sept mois pour les plus pauvres à deux pour les plus aisées », détaille la maire de Strasbourg, avant d’annoncer que les femmes peuvent déjà s’inscrire pour l’année prochaine.

Sandra Regol, députée EELV du Bas-Rhin a déposé un projet de loi pour d’étendre le dispositif des ordonnances vertes à l’ensemble de la France. Photo : AL/Rue89 Strasbourg

Pour la Ville, le nouveau budget alloué aux ordonnances vertes s’établit à 655 000 euros par an. La CAF, la CPAM et l’ARS pourraient bientôt rejoindre la municipalité comme financeur du dispositif. Surtout, Strasbourg espère voir son idée inspirer d’autres villes et pourquoi pas l’État. Sandra Regol, députée EELV du Bas-Rhin, a déposé le 12 septembre une proposition de loi allant dans ce sens.


#Ordonnances vertes

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