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Pour les perdus d’internet, Emmaüs ouvre un lieu d’accueil

Géré par Emmaüs, un nouveau lieu pour les personnes peu à l’aise avec les technologies numériques ouvre dans l’ancienne mairie du quartier Gare.

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Les lettres de l'ancienne mairie de quartier sous le regard d'une fresque de Dan 23 représentant Malala (auquel un autre tag s'est ajouté) (photo JFG / Rue89 Strasbourg)

C’est une salle rénovée qui a remplacé l’ancien accueil de la mairie du quartier Gare, rue Kageneck. Pour l’instant, seule une quarantaine de Strasbourgeois ont franchi la porte de ce nouvel espace. Mais dans les prochains mois, de plus en plus d’habitants perdus avec les ordinateurs et autres démarches en ligne devraient bien connaitre l’emplacement de ces murs jaunes et décrépis à l’extérieur.

Formations pour chômeurs

Depuis le 18 février, « Emmaüs connect » a ouvert à Strasbourg sa première antenne dans le Grand Est, sa 12ème en France (Lyon, Paris, Bordeaux, Marseille, Lille, etc). Pour le moment, quatre groupes d’une dizaine de demandeurs d’emploi ont pu bénéficier d’une formation de 32 heures (4h les lundis, mardis, jeudis et vendredis pendant deux semaines) avec deux accompagnants.

Le secrétaire d'État au numérique, mais aussi candidat à la mairie de Paris, Mounir Mahjoubi est venu inaugurer l'antenne strasbourgeoise d'Emmaüs Connect. (photo JFG / Rue89 Strasbourg)
Le secrétaire d’État au numérique, mais aussi candidat à la mairie de Paris, Mounir Mahjoubi est venu inaugurer l’antenne strasbourgeoise d’Emmaüs Connect. (photo JFG / Rue89 Strasbourg)

Deux formateurs, des salariés d’Emmaüs en insertion, assurent ces sessions, de niveau débutant (type contrôle de la souris et de l’ordinateur), intermédiaire (réaliser un CV) ou supérieur (navigation et outils pour la recherche d’emploi). « Il s’agit soit de personnes dont le besoin a été exprimé, soit dont ce besoin a été détecté », explique Karine Meininger, directrice des services aux demandeurs d’emploi à Pôle Emploi France. Ce dispositif fait suite à une expérimentation dans les Hauts-de-France, avec un fort taux de satisfaction chez les bénéficiaires. En une année, Emmaüs connect compte accueillir 370 chômeurs issus des 7 agences de Strasbourg, soit une trentaine de sessions par an.

Assistance aux personnes perdues

Mais ce n’est pas la seule vocation de l’espace installé dans l’ancienne mairie de quartier. À partir du mois de mai ou de juin, d’autres services aux habitants doivent être proposés. La structure prévoit notamment d’ouvrir des « permanences numériques », mais uniquement sur rendez-vous, par téléphone. Les amplitudes horaires de ce futur service ne sont pas encore connues.

À l’heure où de plus en plus de services publics nécessitent des inscriptions en ligne, comme les écoles et cantines à Strasbourg, les prestations sociales, le renouvellement de titres de séjour, les déclarations d’impôts, etc. l’idée est d’aider les personnes les moins à l’aise avec le numérique dans leurs démarches administratives. Et de manière générale se familiariser avec internet, où beaucoup de bon plans (promotion, trains moins chers) y sont réservés.

L’aide sera apportée par des bénévoles strasbourgeois, comme Quentin Muller, qui raconte son déclic :

« Une personne âgée m’a dit qu’elle était allée en mairie refaire sa carte d’identité avec tous les documents requis, mais qu’on lui a répondu de prendre rendez-vous par e-mail. Sa réaction a été de dire que l’ordinateur était “la machine du diable”. Le soir même, j’ai cherché via France bénévolat s’il y avait une association qui pouvait aider dans ces situations. »

Pour l’instant, une demi-douzaine de personnes se sont proposées.

Les lettres de l'ancienne mairie de quartier sous le regard d'une fresque de Dan 23 représentant Malala (auquel un autre tag s'est ajouté) (photo JFG / Rue89 Strasbourg)
Les lettres de l’ancienne mairie de quartier sous le regard d’une fresque de Dan23 représentant Malala (auquel un autre tag s’est ajouté) (photo JFG / Rue89 Strasbourg)

« Le téléphone, la dernière adresse »

Thomas Lecourt, responsable des opérations à Strasbourg, a été recruté pour mener ce projet. Il insiste sur un autre aspect, les solutions prévues sur place pour les personnes à la rue :

« Des recharges téléphoniques à 5/6€ seront disponibles. Pour les plus fragiles, la téléphonie est l’un des postes de dépenses sur lesquels aucune aide n’est apportée, contrairement à l’alimentation ou l’hébergement. Or quand on est à la rue, la dernière adresse est parfois le téléphone. »

D’ici là, la salle méritera quelques aménagements, notamment des cloisons pour mieux séparer les espaces. Emmaüs ne va pas « chercher » les publics, ce seront plutôt les différentes administrations et partenaires qui les dirigeront vers ses services. La vocation des Emmaüs connect est aussi d’aller chez les personnes ou des tiers si besoin.

Le secrétaire d’État inaugure

En présence du candidat à la mairie de Paris secrétaire d’État au Numérique, Mounir Mahjoubi, ce nouveau lieu a été inauguré ce mercredi 13 mars. L’ancien président du Conseil national du numérique (CNNum) n’est pas venu faire d’annonces particulières, mais tient à ce que ces endroits se multiplient :

« Une des missions de l’État, c’est de ne laisser personne derrière. Une personne sur cinq ne sait pas se servir du numérique. L’objectif, c’est d’avoir des milliers de lieux comme celui-ci, avec des partenariats public-privé, notamment dans les quartiers populaires ou les territoires ruraux. Dans un premier temps, les grandes villes doivent être exemplaires, leur expertise doit rayonner. »

Ce n’est pas tout à fait l’approche de l’adjoint au maire en charge du quartier et du numérique, Paul Meyer (La Coopérative / Generation.s) qui pense « qu’il ne faut pas multiplier les lieux, mais les relais ». « Chaque professeur, chaque agent ou éducateur doit connaitre cette possibilité et qu’il y pense pour que les personnes qui en ont besoin puissent y être orientées. »

Des projets de futures activités

L’établissement strasbourgeois fonctionne grâce à une myriade de partenaires publics (Pôle Emploi, la Caf, la Ville de Strasbourg) et privés (Fondation SFR pour le matériel, des recharges téléphoniques à bas prix, la Fondation SNCF, la plateforme pédagogique Les Bons clics), aux côtés d’Emmaüs.

L’adjoint Paul Meyer espère développer d’autres activités et événements sur place, notamment « accompagner le rapport aux réseaux sociaux » des plus ou moins jeunes. Quelques crédits sont réservés si les projets en réflexion devaient se concrétiser. Le président et fondateur d’Emmaüs Connect, Jean Deydier, a de son côté assuré que Strasbourg était la « meilleure ouverture », grâce à un « accueil incroyable » des pouvoirs locaux.


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