Le préfet d’Alsace, Stéphane Bouillon, a été condamné ce vendredi 15 mai pour avoir validé un communiqué qui présentait à tort un individu comme terroriste. Les faits remontent à avril 2012, quelques jours après l’affaire Merah. Stéphane Bouillon était alors directeur de cabinet du ministre de l’Intérieur, Claude Guéant.
Un communiqué basé sur une note des renseignement, non vérifiée
Le 2 avril 2012, un communiqué du ministère de l’Intérieur annonçait l’expulsion en « urgence absolue » de cinq étrangers, présumés islamistes extrémistes. Parmi eux, Ali Belhadad, décrit comme ayant « été condamné pour son rôle dans les attentats de Marrakech de 1994 », où deux touristes espagnols avaient été tués.
Les informations reprises dans le communiqué correspondaient à celles d’une note des Renseignements généraux de la préfecture de police de Paris (RGPP) classée « confidentiel défense ». Dans le texte des RGPP, il était écrit par erreur que l’individu « a été » condamné pour ces attentats. Or, dans l’arrêté d’expulsion sa « fréquentation assidue d’un vétéran des camps d’entraînement en Afghanistan et au Pakistan, condamné pour son rôle dans les attentats de Marrakech » était évoquée. Cette modification faisait comprendre c’est Ali Belhadad et non plus le « vétéran » qu’il fréquentait, qui avait participé à l’attentat.
L’information avait été reprise le soir même au journal télévisé de TF1. En octobre 2014, la chaîne avait été déboutée, car le tribunal estimait que l’on ne peut remettre en cause la bonne foi de ses journalistes. Ali Belhadad s’est alors retourné contre la source.
Stéphane Bouillon « consterné » que la chaîne habituelle n’ait pas fonctionné
Lors de l’audience en avril que rapporte Le Figaro avec l’AFP, Stéphane Bouillon avait déclaré que ces notes étaient « vues, revues et vérifiées ». Et qu’il était « évidemment consterné » que la chaîne habituelle n’ait pas fonctionné. Il avait également admis n’avoir pas pris connaissance du texte de l’arrêté d’expulsion avant de valider le communiqué et précisé le contexte :
« Nous étions en pleine psychose après les attentats. La communication ministérielle à ce moment était de montrer que les services de police travaillent et que l’Etat était en train d’agir et de réagir, que des personnages du type de Merah étaient sous surveillance. »
Le procureur avait reproché un travail de vérification insuffisant pour retenir la bonne foi. L’avocat de Stéphane Bouillon avait pour sa part plaidé un « dysfonctionnement du ministère » et estimait que ce serait « un non-sens absolu » qu’une condamnation pénale retombe « sur un grand serviteur de l’Etat », bien que son client « assume » cette erreur.
7 000 euros de dommages et intérêts
Stéphane Bouillon a été condamné par le tribunal correctionnel de Paris à 800 euros d’amende avec sursis, ainsi qu’à 7 000 euros de dommages et intérêts, là où la partie adverse en réclamait 60 000. Quant à Ali Belhadad, son expulsion avait été annulée par la justice administrative en mai 2014, car aucun « soupçon sérieusement justifié » n’avait été retenu contre lui et que son arrêté d’expulsion était entaché d’ »excès de pouvoir ». Il a regagné la France depuis et intenté le procès contre TF1, puis Stéphane Bouillon.
À l’heure d’écrire ces lignes l’avocat de Stéphane Bouillon n’était pas joignable et nous ne savons pas s’il y aura un appel de la décision.
Stéphane Bouillon a été nommé préfet d’Alsace en octobre 2012 par le gouvernement. Il est par ailleurs préfet préfigurateur de la futur grande région ALCA, c’est-à-dire en charge de la réorganisation des services de l’État dans le cadre de la réforme territoriale.
Aller plus loin
Sur Le Figaro : L’ex-directeur de cabinet de Guéant poursuivi