De l’internationalisation à la collaboration avec des comédiens phares en passant par le changement de genre, la carrière du cinéaste Denis Villeneuve pourrait faire office de chemin tracé vers le succès, vers les sommets du box-office et, peut-être, vers une déferlante de récompenses.
Premier contact, incursion nette dans le domaine de la science-fiction, s’attache à une linguiste experte, chargée de communiquer avec des extra-terrestres venus sur terre dans de gigantesques monolithes. Le personnage, interprété avec intensité par Amy Adams, s’avère être également une mère éplorée par le décès de sa fille. Et son drame personnel sera forcément mis en perspective par sa rencontre avec les aliens.
La méthode Villeneuve
Pour qu’il y ait une identité de cinéaste et une cohésion dans son œuvre, il importe que celui-ci ait une patte, quelque part reconnaissable d’une œuvre à l’autre. Chez le réalisateur canadien, cette marque de fabrique ne tient pas forcément à un style très défini mais plutôt au choix, particulièrement avisé, de collaborateurs prestigieux.
Le cinéma est un art choral. Après avoir demandé à Roger Deakins de traduire en image la sécheresse du désert mexicain dans Sicarios, il opte pour la photographie opaque, sombre, anxiogène de Bradford Young. Le Montana n’a ainsi jamais semblé si terne. Pour la musique, il poursuit sa collaboration avec l’islandais Johan Johansson, qui nuance là, avec des sons hypnotiques, une partition qui pouvait potentiellement surligner le mélodrame.
Avec des apports pertinents, Villeneuve crée des univers froids dans lesquels évoluent des personnages esseulés, dépassés par des circonstances exceptionnelles.
Et ses limites…
Dans ce processus narratif, tous les éléments sont inféodés à la mécanique du scénario. Premier contact est un plaisir de spectateur, puisqu’il promène habilement son audience, ménage ses revirements, monnaye efficacement l’émotion.
Mais la mécanique Villeneuve a ses limites. Ce cinéma-là respire peu et pour parvenir à ses fins, il se résout à sacrifier ses personnages à son propos. La protagoniste interprétée par Amy Adams est un archétype de scientifique éplorée et ébahie. Le personnage de Jeremy Renner est proprement inintéressant et creux, réduit au rang d’utilité. Il permettra simplement, à un instant précis, de faire avancer l’histoire, de lui permettre de trouver sa conclusion.
Villeneuve déplace, habilement, des pions sur ce « long-métrage échiquier ». Il propose un cinéma dense, maîtrisé, habile. Premier contact est ainsi une œuvre convaincante, dévolue à susciter une certaine admiration pour son auteur. C’est aussi une oeuvre distante et procédurière, dans laquelle l’émotion parait elle-même calculée.
Il y a quelques années, ces mêmes reproches pouvaient être faits à David Fincher, un autre stupéfiant formaliste. Avec L’Etrange histoire de Benjamin Button, il était parvenu à rompre cette spirale clinique. Espérons donc que la mécanique Villeneuve se brise sur le monument Blade Runner.
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