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Présidentielle : Jean-Luc Mélenchon domine le premier tour à Strasbourg

Dans la capitale alsacienne, le leader de la France insoumise a largement amplifié son score de 2017 pour passer devant Emmanuel Macron, en légère progression également. Loin derrière, Marine Le Pen et Yannick Jadot complètent le quatuor de tête.

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À Strasbourg, le duo de tête s’est inversé par rapport à 2017. Jean-Luc Mélenchon est arrivé nettement devant, avec plus de 35% des voix. Il est suivi par Emmanuel Macron, tout juste au-dessus des 30%. En 2017, les deux hommes avaient réalisé des scores moindres, respectivement de 24% et 28%.

Jean-Luc Mélenchon, qui enregistre donc la plus forte progression, remporte le plus de bureaux de vote. Il cumule des victoires au centre-ville et ses quartiers voisins (Krutenau, Gare, Neudorf, Cronenbourg) ainsi que dans les quartiers populaires de la ville (Hautepierre, Neuhof, Elsau, Port-du-Rhin, Cité de l’Ill). Il monte jusqu’à 69% à l’école Paul Langevin à Cronenbourg, 64% et 63% dans deux bureaux de Hautepierre ou encore 63% dans un autre à l’Elsau. Mais ce sont aussi des secteurs où l’abstention atteint les 40%, ce qui rapporte moins de bulletins.

Emmanuel Macron amasse ses voix dans les bureaux des quartiers nord de la ville, là où la droite avait l’habitude de dominer. Ses plus hauts scores sont un peu moins élevés que ceux de Jean-Luc Mélenchon, mais ce sont des secteurs où la participation est plus forte, de l’ordre de 80% à 85%. Il enregistre près de 55% des voix au Pavillon Joséphine à l’Orangerie, là où Valérie Pécresse fait aussi son meilleur score (12,96%). Il dépasse les 50% dans quelques bureaux de ce secteur. Le chef de l’État réalise aussi quelques percées au sud de Strasbourg, par exemple à la Meinau, à Neudorf ou au Stockfeld.

Emmanuel Macron a choisi de venir à Strasbourg pour un meeting au pied de la Cathédrale mardi 12 avril à 18h30. Au soir du premier tou, son soutien local et ancien candidat à la mairie Alain Fontanel s’est dit « mitigé » entre la « satisfaction » de voir « loin devant, à un niveau élevé pour un président sortant » et « une inquiétude » de voir à nouveau Marine Le Pen au second tour. Il appelle à « ne pas stigmatiser les électeurs » mais à « apporter des réponses concrètes ».

Le RN en léger recul

Loin derrière avec 11,06%, Marine Le Pen voit de son côté son score légèrement diminuer par rapport à 2017 (12,2%). Il faut dire que le RN n’est plus du tout implanté à Strasbourg après un mandat fantomatique de ses élus locaux et une campagne catastrophique aux élections municipales de 2020. Sa candidate remporte deux bureaux de vote au Neuhof, soit trois de moins qu’en 2017.

Soutenu par la maire Jeanne Barseghian (EELV) ainsi qu’une partie de son équipe, Yannick Jadot fait un peu mieux à Strasbourg que son score national avec 6,41% et se classe quatrième. De quoi devancer Éric Zemmour (6%) et Valérie Pécresse (3,65%).

Jean-Luc Mélenchon progresse de 10 points par rapport à 2017, de quoi l’emporter à Strasbourg. Photo : JFG / Rue89 Strasbourg

Un bonne participation retrouvée

Les scores suivants sont anecdotiques, notamment à gauche. Septième avec 1,88%, Anne Hidalgo ne profite d’aucun effet local dans une ville longtemps gouvernée par le Parti socialiste. Alors que les communistes sont membres de la majorité municipale, leur candidat Fabien Roussel ne réalise, avec 1,22%, que la moitié de son score national.

La participation a retrouvé un niveau correct : 74,28%, comparable au reste de l’Alsace (74,96%) et à la participation strasbourgeoise de 2017 (78,44%). Le jour de vote a aussi été marqué par des centaines, voire des milliers, de personnes radiées à tort des listes électorales (voir notre article).

Au Meteor, les gauches strasbourgeoises se toisent

Au Meteor, c’était un peu le rendez-vous à distance des gauches strasbourgeoises. Au rez-de-chaussée, une soixantaine de soutiens de Jean-Luc Mélenchon sont évidemment déçus lorsqu’à 20h leur candidat n’apparaît pas sur l’écran des qualifiés. Mais ils font aussi part de la « fierté » pour leur progression et du passage du cap des 20%. Avant-même que l’écart ne se ressert avec Marine Le Pen, beaucoup des participants mettaient les pourcentages manquants sur le compte du maintien du Parti communiste « battu même par Jean Lassalle ».

L’ambiance était bien sûr plus terne dans une salle du rez-de-chaussée chez les soutiens de Yannick Jadot, avec surtout des jeunes militants. Il faut dire qu’en dessous des 5%, leur campagne n’est pas remboursée, ce qui va susciter d’importantes difficultés financières pour le parti Europe Ecologie – Les Verts (EELV). Un appel aux dons a été émis par EELV dès les résultats connus.

La vingtaine de personnes présentes s’agaçait par exemple de voir Jean-Luc Mélenchon ne pas appeler explicitement à voter Emmanuel Macron au second tour. Même si le soutien de Yannick Jadot « divise chez les militants du pôle écologiste », note Améris Amblard, engagée dans la campagne avec le parti Generation.s. Sur l’absence de la gauche au second tour pour quelques pourcents, « il y a un loupé, mais qui n’est pas lié à la campagne présidentielle en-elle même, mais aux cinq dernières années », estime-t-elle.

Également au rez-de-chaussée, entre un bar et d’autres écrans qui diffusaient le match du Racing, l’ambiance était beaucoup plus détendue chez les soutiens de Philippe Poutou. Comme souvent, les militants NPA ne s’attendaient pas à un score élevé. « Ce n’est pas là que ça se passe, le principal c’est ce qu’on fera demain dans les grèves, dans la rue, pour faire échec aux projets du prochain président ou de la prochaine présidente car quel qu’il soit ou qu’elle soit, ce ne sera pas bon. À nous d’empêcher une nouvelle réforme des retraites ou des lois inspirées d’extrême-droite. Ce qu’on a, la retraite, la Sécu, les congés payés, on a été le chercher, c’est jamais un président qui nous l’a donné », détaille Clément Soubise, militant et ancien candidat aux élections municipales à Strasbourg.

Esquisses d’union à gauche

Depuis la mairie, Jeanne Barseghian a surtout mis le bon score de Jean-Luc Mélenchon à Strasbourg sur le compte du « vote utile ». Une manière aussi de ne pas entamer de grande introspection sur cette campagne en-deçà des objectifs.

Une nouvelle fois spectatrice du second tour, la gauche se projette déjà vers les élections législatives en juin. Chez les Insoumis, on se sent en position de force pour faire obstacle à Emmanuel Macron ou Marine Le Pen, oubliant un peu vite que des électeurs ont voté Mélenchon, sans que cela soit un soutien plein et entier. « Nous comptons bien prendre le pouvoir et imposer une cohabitation », estime co-chef de file pour la première circonscription du Bas-Rhin, Léo-Paul Latasse. Dans l’immense bar du centre-ville, plusieurs soutiens de la liste écologiste de Strasbourg en 2020 présents avec les Insoumis aimeraient que la situation provoque un sursaut et une union large à gauche.

Mais chez les membres du mouvement, on redoute une impasse. Des propositions ont été faites jurent-ils, mais sont restées lettres mortes. Les écologistes ont investi leurs candidats. Parmi eux notamment la numéro 2 du parti Sandra Régol. Une ancienne Strasbourgeoise, mais qui n’est plus impliquée dans la vie locale depuis une dizaine d’années. La voici désignée sur la première circonscription, la plus « gagnable » à Strasbourg compte tenu de l’électorat dans ce découpage.

« Tirer de leçons »… avec ou sans les Insoumis ?

« Ni le PS, ni EELV, ni le PC ne sont remboursés de leur campagne. Ils vont avoir d’autant plus besoin du financement public via les élections législatives, » estime un vieux routier de la politique locale. Or, pour bénéficier de l’argent de l’État il vaut mieux présenter un maximum de candidat partout, puisque chaque voix obtenue aux législatives rapporte environ 1,5€ aux partis, quel que soit le vainqueur de l’élection… En clair, cela pousse les partis à présenter des candidats partout afin de grapiller des euros. Sans trop s’engager, Jeanne Barseghian espère néanmoins « que ce scrutin serve de leçon à la gauche » et que les partis « qui ont fait moins de 5% s’interrogent sur la suite ». Avant cela, elle attend qu’Emmanuel Macron « envoie des signaux à la gauche sur les solidarités, le climat et la démocratie » en vue du second tour.

Le premier secrétaire du PS dans le Bas-Rhin, Thierry Sother, a appelé EELV, avec qui les relations locales sont exécrables, et le Parti communiste, à s’unir localement aux élections législatives. Mais pas avec la France insoumise, qu’il distingue de la « gauche de gouvernement » malgré le fait que les électeurs Strasbourgeois aient majoritairement opté pour le parti dirigé par Jean-Luc Mélenchon.


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