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Procès de l’affaire Walter : les réquisitions et la plaidoirie de la défense

EN DIRECT. – Rue89 Strasbourg vous propose de suivre en direct le procès du Dr Raphaël Moog. Accusé d’homicide involontaire après la mort aux urgences d’un adolescent qui s’était lacéré la rate lors d’une chute à vélo, ce chirurgien de l’hôpital de Hautepierre conteste toute négligence et assure qu’il a agit dans les règles de l’art à l’époque. Cette troisième journée est consacrée aux réquisitions du parquet et à la plaidoirie de la défense.

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Procès de l’affaire Walter : les réquisitions et la plaidoirie de la défense

La procureure de la République Morgane Robitaillie (Dessin Guillaume Decaux)
La procureure de la République Morgane Robitaillie (Dessin Guillaume Decaux)

Fin du procès. Merci à tous d’avoir été si nombreux à nous suivre pendant trois jours.
L’affaire est mise en délibéré au jeudi 23 avril.
Dr Moog : « Tous les jours, on cherche des solutions pour qu’il y ait moins de risques possibles. » Il a des sanglots dans la voix. « Je ne sais faire que ça. »
La présidente lui demande s’il a une déclaration pour le tribunal.
Dr Moog : « Je suis désolé aussi de ne pas vous avoir reçu tout de suite… Je me suis dit, il y a de la haine envers moi. Ce n’est pas ce que j’ai ressenti pendant ces trois jours. J’ai pris la décision de ne pas opérer, j’avais l’intime conviction que c’était la bonne décision. Je ne peux que partager votre détresse mais on ne peut malheureusement pas revenir en arrière. »
Dr Moog : « tous les jours j’y pense, je me demande ce qu’il aurait fallu faire. J’ai eu des patients qui ont été opérés, c’était peut-être pas nécessaire. Opérer, ce n’est pas forcément la bonne décision. »
Il se tourne vers les parties civiles : « Je voudrais vraiment vous dire à quel point je suis désolé de ne pas avoir pu sauver Maxime. Si je ne suis pas allé opérer, c’est parce que je n’avais pas les informations. »
Le Dr Moog est appelé à la barre. Il dit : « J’ai donné l’impression de ne pas avoir de regrets, ce n’est pas le cas. Je regrette de ne pas avoir appelé le soir. J’ai expliqué pourquoi je ne l’avais pas fait, mais je le regrette. »
Me Bernard Alexandre : « Madame, il va vous falloir le courage de vous abstraire de la peine pour sortir de la compassion et juger en droit. Et il vous faudra une rigueur juridique, appliquer la loi dans ses exigences, qui sont décalées par rapport aux exigences d’une famille. Et dans ce cas, vous relaxerez le Dr Moog. »
Me Bernard Alexandre : « Après, il y a l’appel de 0h06. Il arrive trop tard. Après, on intervient dans les conditions que vous connaissez, on n’a pas pu sauver Maxime, mais ce n’est pas la responsabilité pénale du Dr Moog. »
Me Bernard Alexandre : « Aucun médecin n’appelle quand tout va bien. Donc oui, ça aurait été mieux qu’il soit là, mais ce n’est pas ça qui aurait conduit au décès car il aurait fait la même chose. »
Me Bernard Alexandre : « Lorsqu’il est parti, le Dr Moog a fait la concertation collégiale dont on a parlé et il est parti ensuite. »
Me Bernard Alexandre : « Je vois madame la présidente que vous pensez que ça aurait été mieux qu’il vienne. Oui, peut-être. Mais s’il était venu avant, il n’aurait pas pris une autre décision comme nous l’indiquent les autres experts. On ne peut pas dire qu’il aurait dû se déplacer plus tôt, il n’y a pas de lien de causalité. »
Me Bernard Alexandre : « Il faut reprendre la chronologie. Le moment crucial, il se situe entre le départ du Dr Moog et 21h. »
Me Bernard Alexandre : « L’erreur qui a été commise, ce n’est pas une erreur de diagnostic mais une erreur de préconisation. Mais cette erreur est exclue du champ de l’action pénale. Ce qui reste, c’est la tardiveté. »
Me Bernard Alexandre : « Par ailleurs, lorsqu’on décide de préserver la rate, personne ne discute ce choix. Le TNO était juste, tous les experts le disent. »
Me Bernard Alexandre : « Si ce dossier a déchaîné les passions, c’est aussi parce que la famille Walter et le Dr Moog ne se sont pas rencontrés. Mais à partir du moment où il y a eu une plainte, la direction des hôpitaux impose la réserve. Cette non rencontre ne résulte pas de la volonté du Dr Moog. »
Me Bernard Alexandre : « Une splénectomie a toujours des conséquences post-opératoire qui peuvent engager le pronostic vital. Quand il y a un risque de décès pendant l’opération, la responsabilité pénale du chirurgien ne peut pas être engagée. »
Me Bernard Alexandre : « Il y a au minimum deux rapports, l’un qui dit qu’il y a une causalité certaine, l’autre qui dit qu’il y a 10% de chances de décès. »
Me Bernard Alexandre : « Les experts médicaux ont expliqué que si l’intervention chirurgicale était intervenue plus tôt, Maxime avait 90% de chance de s’en sortir. »
Me Bernard Alexandre : « La jurisprudence est claire dans ce cas, un médecin, dans les circonstances de cette affaire, ne peut être que l’auteur indirect et il faut une faute caractérisée. Une telle faute n’est pas celle visée dans l’ordonnance de renvoi, vous ne pourrez que relaxer le Dr Moog sur ce chef d’inculpation. »
Me Bernard Alexandre : « Le juge d’instruction a fait un choix que vous ne pouvez pas remettre en cause. Et ce choix est le mauvais choix. Je sais que ce sera insupportable pour la famille Walter mais le Dr Moog n’est pas l’auteur direct. »
Me Bernard Alexandre : « Mais que dit l’art 121-3, il y a deux alinéas parce que le législateur veut traiter deux cas différents. Soit on est l’auteur direct, et il suffit d’une faute simple, soit on a simplement contribué au dommage, on est alors auteur indirect, et dans ce cas il faut une faute caractérisée. Quand on est auteur indirect, il faut que la violation soit plus grave, que la violation soit manifestement délibérée. »
Me Bernard Alexandre : « Le premier point de droit qui nous retient est la question de la poursuite. Madame le procureur, vous avez fait un melting pot sur le lien de causalité direct et indirect et vous avez même proposé au tribunal de le requalifier. »
Me Bernard Alexandre : « Moi je dis que les familles des patients qui ont été opérés depuis des années et des années pourraient témoigner en faveur du Dr Moog. »
Me Bernard Alexandre : « Mme le procureur vous demandez deux ans d’interdiction d’exercer, mais c’est la peine de mort professionnelle. Il pratique 600 interventions par an depuis 1992, il répond d’une seule opération ! Vous avez été touchée par le témoignage de Laura Walter qui ne réclame pas une vengeance. Pourquoi faudrait-il apporter le malheur dans la famille du Dr Moog ? »
Me Bernard Alexandre : « Les experts disent qu’on se réunit en colloque… Mais le Dr Moog, vous pensez qu’il va prendre un déjeuner avec ses collègues place Stanislas ou place Bellecourt pour discuter du cas, de la littérature scientifique ? Non, le Dr Moog doit prendre une décision, en fonction des informations qu’il a. »
Me Bernard Alexandre : « Et si le Dr Olexa demande qu’on appelle à 20h ou 21h, c’est bien qu’à 18h30 la situation n’est pas inquiétante. Sinon, le Dr Olexa ne l’aurait pas laissé partir, ou aurait appelé plus tôt. »
Me Bernard Alexandre : « Les experts de la CRCI disent que le TNO aurait dû être interrompu dans la soirée. Puis les experts lyonnais parlent de la fin d’après-midi. Dans tous les cas, après le départ du Dr Moog. Je rappelle quand même dans quelles conditions d’informations le Dr Moog quitte le service. Il ne part pas avec un patient qui se meurt. »
Me Bernard Alexandre : « Voilà exactement le déroulé des faits. Les experts ont mis en cause le Dr Moog, ils ont trouvé que le déroulement n’avait pas été bon, pas seulement pour le Dr Moog, le fonctionnement du service aussi. »
Me Bernard Alexandre : « Si les choses dégénèrent dans l’intervalle, il est en réanimation et il y a le Dr Mayer, le Dr Olexa et ils préviendront le Dr Moog. Et c’est bien ce qui s’est passé, il y a eu un loupé. Il devait être appelé et l’interne ne l’a pas fait. Voilà pourquoi les hôpitaux ont été condamnés. Il n’a pas été informé. »
Me Bernard Alexandre : « En médecine, quand on oublie un coup de fil, ça peut provoquer la mort de quelqu’un. Alors, vous m’objectez qu’il aurait pu appeler lui-même. Alors, quand il quitte l’hôpital à 18h30, il n’est pas en tort comme l’ont rappelé les experts. Il est joignable, le protocole dit qu’on doit attendre 21h, la fin du transfert des 8 culots de sang. »
Me Bernard Alexandre : « Tout s’est joué entre 18h30 et 21h30 et personne n’a appelé le Dr Moog. ET aujourd’hui, on voudrait condamner le Dr Moog pour ça… »
Me Bernard Alexandre : « Mais pire. Aux alentours de 20h / 21h, le Dr Olexa demande à l’interne de téléphoner au Dr Moog. On sait qu’elle a omis de le faire. Je n’entends pas défausser la responsabilité du Dr Moog sur une interne de second semestre. Mais il y a eu un magistral loupé. Si le Dr Olexa s’inquiète, c’est parce que c’est à cette heure-ci qu’il fallait prendre une décision d’opération. »
Me Bernard Alexandre : « En tous les cas, le Dr Moog quitte l’hôpital vers 18h30. Et là, on arrive à l’élément central de ce dossier. Du départ du Dr Moog à 18h30 jusqu’à 0h06, le Dr Moog n’a aucune nouvelle. C’est une donné de fait incontestée. »
Me Bernard Alexandre : « Le Dr Moog dit qu’il a croisé le Dr Mayer avant de rentrer chez lui et qu’il a été rassurant sur l’état de Maxime. A l’instant, il avait des sanglots dans la voix et il l’a rappelé : « je le jure, j’ai parlé au Dr Mayer. »
Me Bernard Alexandre : « Le Dr Moog fait le tour de son service, il vérifie le planning opératoire du lendemain, ça lui prend une à deux heures comme l’ont expliqué hier les experts. Il n’a pas pu arriver à 18h, et pas non plus à 17h30. La partie adverse dit qu’il ment sur son heure d’arrivée, pour créer la suspicion. Je veux lever cette suspicion. »
Me Bernard Alexandre : « Aujourd’hui la famille nous dit que le Dr Moog n’est pas entré dans la chambre. On sait que c’est faux aujourd’hui, en fonction des autres témoignages. Alors avec l’horaire d’arrivée, on s’est forgé une idée dans la douleur et dans la peine… mais en réalité, personne ne peut certifier l’heure d’arrivée. »
Me Bernard Alexandre : « Le Dr Moog explique son cheminement. Il explique qu’en arrivant, il est d’abord allé voir une jeune fille dont le cas était grave. C’est bien la confirmation que les informations qui lui étaient données n’étaient pas aussi alarmantes qu’on le relate aujourd’hui. »
Me Bernard Alexandre : « Donc l’histoire qu’on raconte par la fin, ce n’est pas l’histoire qui s’est déroulée mais c’est celle qui apparaît cohérente… On dit qu’il est arrivé vers 18h. Lui jure qu’il est arrivé à 16h30, voire plus tôt. Je ne mets pas en doute les témoignages des infirmières, mais elles n’avaient pas l’oeil sur leur montre quand il est arrivé. »
Me Bernard Alexandre : « Les appels sont très courts, ce sont des informations qui sont transmises au Dr Moog et qui n’alertent en rien mon client sur une dégradation de l’état de Maxime. »
Me Bernard Alexandre : « C’est ce qu’elle déclare dans l’interrogatoire de première comparution. Une fois mise en examen, elle déclare qu’elle a supplié le Dr Moog d’opérer. Mais parce qu’elle choisit de se défendre ! Le Dr Moog est-il un monstre ? Qui lorsqu’on appelle pour lui dire « un enfant se meurt, venez ! » il répondrait « non je préfère rester chez moi » ? »
Me Bernard Alexandre : « Et entre 14h30 et 21h, on cherche la stabilité hémodynamique. Il y a des moments où le patient n’est pas stable. Mais le ressenti global des médecins sur cette journée, quel est-il ? Je lis un passage, ça donne l’ambiance. Prenons le Dr Olexa, qui n’a pas épargné le Dr Moog. Elle a surement toutes les vertus mais pas le courage. A 21h30, elle dit « sur le moment, Maxime n’allait pas trop mal. La pression abdominale comprimait suffisamment la rate et je me suis dit qu’on avait atteint le stade décrit par le Dr Moog. »
Me Bernard Alexandre : « Des experts sont venus confirmer que le choix de sauvetage de la rate était une bonne option. Et il faut atteindre une stabilité hémodynamique. Il y a une transfusion qui débute à 14h30 et qui dure jusqu’à 21h. Il reçoit deux fois 4 culots de sang, ce qui est normal compte-tenu de son poids. »
Me Bernard Alexandre : « Maxime Walter est pris en charge. On a parfois l’impression qu’il est placé en attente, et que tout le monde attend que le Dr Moog arrive pour s’en occuper. Mais ce n’est pas le cas, Maxime Walter est placé dans le service de réanimation, c’est le meilleur endroit pour une « surveillance armée », et il y a deux médecins seniors, le Dr Mayer et le Dr Olexa. »
Me Bernard Alexandre : « Mais le Dr Moog évidemment, il ne connaît pas la fin. Lorsque Maxime arrive, il n’est pas classé « critique », son état est correct, un jeune homme arrive, il a fait une chute à vélo… »
Me Bernard Alexandre : « Lorsque Maxime arrive, le Dr Moog n’est pas à l’hôpital parce qu’il est d’astreinte. On sait tous aujourd’hui ce qu’il en est de l’astreinte chirurgicale. Il est consulté à 12h57 et il choisit un traitement non-opératoire. Nous juristes, on déroule le fil à l’envers. On connait l’issue tragique et on remonte à la cause. »
Me Bernard Alexandre : « Lorsque Maxime Walter arrive à l’hôpital. Il y a une chronologie précise qu’il faut mettre en corrélation avec les appels téléphoniques à destination du Dr Moog. »
Me Bernard Alexandre : « Voilà les observations liminaires que je souhaitais faire. »
Me Bernard Alexandre : « Autre accusation que je voudrais écarter à titre liminaire, c’est l’accusation selon laquelle il ne sait pas opérer une splénectomie. C’est faux évidemment, il l’a déjà fait, maintes fois, en urgence et en chirurgie programmée. »
Me Bernard Alexandre : « Et le Dr Moog n’est pas lié au club de Truchtersheim, il est vice-président du club de Stutzheim, parce que le Dr Moog quand il a terminé ses 65 heures hebdomadaires à l’hôpital, eh ben il s’occupe des jeunes au foot. Parce qu’il aime les jeunes et qu’il donne son temps, voilà. »
Me Bernard Alexandre : « Autre point annexe, sur le football. Le dossier d’instruction a clos cette question. Mais les parties civiles s’en sont servi pour dire que le Dr Moog a préféré rester jusqu’à la fin d’un match de foot plutôt que de sauver un enfant, c’est sûr ça claque. Mais c’est faux ! C’est complètement faux. L’enquête aurait trouvé au moins un témoin s’il était allé au match ! Pas un et pourtant les enquêteurs ont cherché. »
Me Bernard Alexandre : « Le Dr Moog va une fois par an, à ses frais, soigner au Cameroun. Là encore, je n’en fais pas des tonnes, et il ne le dira pas mais voilà qui il est ! On le dit médiocre mais il pratique 600 opérations par an ! Sans aucun problème, sauf l’affaire, terrible, qui nous réunit. »
Me Bernard Alexandre : « Sur sa personnalité, il est introverti c’est vrai. Il n’exprime pas facilement ses sentiments. Un témoin a rappelé qu’il était taciturne. Mais est-il jugé sur son introspection ? On le traite de médiocre hier. Ce n’est pas lui qui va le dire, mais le Dr Moog est sorti major de sa promotion. Avec ça, il s’est consacré à la médecine publique, il gagne 5 à 6000€ par mois soit 3 à 4 fois moins que ce qu’il aurait pu gagner en libéral. »
Me Bernard Alexandre : « Nous ne sommes pas dans une enceinte civile. Les hôpitaux ont reconnu que leur responsabilité était engagée. Là, il est question de la responsabilité personnelle du Dr Moog. »
Me Bernard Alexandre : « Nous comprenons la douleur et la souffrance de la famille. Mais que la famille Walter m’excuse, je vais faire du droit, je vais avoir des termes techniques un peu froids. Il y a eu des débordements, on a menacé la famille du Dr Moog. Il faut dépasser les hurlements, les insultes… Nous devons à présent débattre sur la responsabilité pénale du Dr Moog, est-elle engagée ? »
Me Bernard Alexandre : « Et je m’exprime au nom de mon client, qui ne l’exprime pas toujours mais qui s’associe à la peine de la famille Walter. J’ai été très touché hier par le témoignage de Laura Walter, qui a trouvé la force de ne pas appeler à la vengeance après la perte de son frère. M. et Mme Walter vous avez beaucoup de chance d’avoir une fille qui a cette force de caractère. »
Me Bernard Alexandre prend la parole pour la plaidoirie de la défense : « Madame la présidente, dans ce type de dossiers, si on doit juger une personne à la mesure du décès, et de la douleur alors évidemment il faudrait condamner les accusés. »
Jusqu’ici très silencieux, le Dr Moog craque à l’instant pendant la suspension. En pleurs : « je croise le Dr Mayer en sortant de l’ascenseur. Il me dit que tout va bien. J’ai fait tout ce qu’il fallait. J’ai fait exactement ce qu’ils disent, putain. Comment je pouvais faire autrement ? »
(attention, il y avait une erreur dans le compte-rendu : les réquisitions sont bien de 18 mois de prison)
C’est la fin des réquisitions du Parquet. L’audience est suspendue quelques minutes. Elle reprendra avec la plaidoirie de la défense.
La procureure Morgane Robitaillie : « Sur la peine principale, je requiers une peine juste. Et je demande que le Dr Moog soit condamné à 18 mois de prison, assortis du sursis simple. Et je vous demande une interdiction d’exercer la médecine pendant deux ans. »
La procureure Morgane Robitaillie : « L’interdiction d’exercer a-t-elle encore un sens huit ans après les faits alors qu’il n’y a pas de nouveau problème depuis 2008 ? Pourtant oui, ça a un sens. Quand un chauffeur routier dépasse une limite de vitesse, on lui retire son permis de conduire et donc son outil de travail. C’est la même chose, il n’y a pas une caste à part… »
La procureure Morgane Robitaillie : « Je vais vous demander une peine principale, qui tiendra compte de la gravité des dommages et de l’absence de casier judiciaire. Et une peine complémentaire, l’interdiction d’exercer. Le témoignage de Laura Walter hier m’a bouleversée. Elle n’avait rien préparé et nous a dit hier avec ses mots, sans vengeance, avec sincérité : « moi quand je fais une faute, je suis virée ». C’est criant de vérité. »
La procureure Morgane Robitaillie : « On aurait pu comprendre une erreur dans le feu de l’action des urgences… Mais ici c’est un ensemble d’erreurs, et qui ne sont pas reconnues ! J’ai agi correctement et ce sont les autres qui ne m’ont pas appelé, qui ne m’ont pas prévenu… »
La procureure Morgane Robitaillie : « Alors parlons un peu de sa personnalité. On nous dit que c’est un bon médecin. Je n’ai pas la preuve de l’inverse dans le dossier. On constate qu’il n’a aucun regret, qu’il remet ses fautes sur les autres. »
La procureure Morgane Robitaillie : « Alors maintenant la peine… Ce n’est pas aisé de mettre un chiffre, la peine prévoit trois ans d’emprisonnement avec des peines complémentaires. »
La procureure Morgane Robitaillie : « Je considère qu’on est dans le cadre indirect d’un auteur qui, par ses fautes, a contribué à créer le dommage. Si vous estimez qu’il y a un lien de causalité direct, vous ne devez rechercher qu’une faute simple pour caractériser l’infraction. Si vous considérez qu’il y a un lien de causalité indirect, alors vous recherchez une faute caractérisée, ou une série de fautes. Et vous entrerez en voie de condamnation, il n’y a pas de relaxe possible ici. »
La procureure Morgane Robitaillie : « Et le lien de causalité est certain entre les négligences et le décès. Est-il direct ou indirect ? La question est plus complexe. Je ne prétends pas connaître toute la vérité, ce sera aux juge du fond de trancher. Mon avis est que le lien de causalité est indirect. »
La procureure Morgane Robitaillie : « L’accumulation de fautes simples, négligences, constitue une faute caractérisée, une faute aggravée, c’est une jurisprudence constante de la Cour de cassation. Et ça s’applique à cette affaire, la suite de négligences a provoqué une faute caractérisée. »
La procureure Morgane Robitaillie : « La perte de chance était une notion qui permettait aux médecins de s’engager dans des opérations très risquées. Mais là on n’est pas dans ce cadre. En ne se déplaçant pas, en ne surveillant pas, en ne donnant pas de consignes… Ce n’est pas une perte de chance, il a privé Maxime Walter de toutes ses chances de survie. »
La procureure Morgane Robitaillie : « Et les dommages, c’est le décès. Ce n’est pas une « perte de chance ». La splénectomie réalisée près de 24h après la blessure a conduit inévitablement au décès. »
La procureure Morgane Robitaillie : « Le Dr Moog ne peut pas nous dire que ce n’était pas sa faute. C’était à lui de se déplacer, c’était à lui de contrôler, c’était à lui d’établir une feuille de route. C’était lui le maître à bord. »
La procureure Morgane Robitaillie : « Et puis ensuite avec l’installation du syndrome compartimental et la CIVD (coagulation intravasculaire disséminée), les experts nous indiquent que lorsqu’ils s’installent, le Dr Moog est aveuglé par son choix thérapeutique. »
La procureure Morgane Robitaillie : « On l’appelle finalement à minuit pour lui dire que ça ne va plus. Et on constate que le Dr Moog espère un miracle ! Le Dr Moog nous dit qu’on ne pouvait pas opérer à cause de la coagulation. Mais les experts nous indiquent l’inverse et que si on attend pour voir, ça conduit au décès. »
La procureure Morgane Robitaillie : « A 21h, le maximum de transfusion sanguine est atteint. Et l’instabilité hémodynamique est toujours là. Qu’est-ce qu’on attend à ce moment là ? Et le Dr Moog est chez lui. A aucun moment, il n’appelle et il nous dit « on ne m’a pas rappelé » ! Mais moi je ne comprends pas, on a un cas aussi grave et il ne prend pas de nouvelles, ne serait-ce que pour aller se coucher tranquillement ? »
La procureure Morgane Robitaillie : « A aucun moment l’évolution du patient n’a été discutée entre les trois médecins. Si ça avait été le cas, le traitement non opératoire aurait été changé au vu de l’instabilité hémodynamique comme l’ont rappelé tous les experts. Les Dr Olexa et Mayer essaient de le prévenir, les clignotants passent à l’orange puis au rouge… Il persiste dans son choix. »
La procureure Morgane Robitaillie : « Mais le Dr Moog est tellement ancré dans ses certitudes qu’à aucun moment il ne va réunir les trois médecins pour se concerter. Car le Dr Moog est certain de sa décision, aucune remise en cause. Alors après, c’est un peu facile de dire qu’il s’agissait d’une décision collégiale ! »
La procureure Morgane Robitaillie : « Et clairement, l’équipe sur place n’avait pas les épaules pour gérer un cas aussi grave, avec une option thérapeutique aussi risquée face à la gravité des lésions. Et pourtant, le Dr Olexa a cherché à l’alerter à plusieurs reprises sur tous les éléments qu’elle avait à sa disposition. »
La procureure Morgane Robitaillie : « Et puis à aucun moment, le Dr Moog n’a donné de consignes particulières de surveillance. Attention, me prévenir si tel taux chute. Attention, me prévenir quand on aura atteint le quatrième culot de sang. »
La procureure Morgane Robitaillie : « Je ne sais pas moi s’il était à un match de football dans l’après-midi. Ca ne change rien d’ailleurs, quand on est d’astreinte, on n’est pas avec un bracelet électronique. La faute, c’est de ne pas s’être rendu à l’hôpital dès l’arrivée d’un cas grave dans son service. »
La procureure Morgane Robitaillie : « Il faut que le Dr Mayer rappelle à 2h57 pour qu’il se déplace enfin. Il rentre à nouveau et revient pour pratiquer une laparotomie puis une splénectomie mais on sait qu’à ce stade, c’était trop tard. »
La procureure Morgane Robitaillie : « Puis il rentre chez lui sans s’enquérir de l’état du malade. Lorsqu’il est appelé à minuit, il ne se déplace pas non plus et ordonne par téléphone une embolisation que les experts ont jugée inutile à ce stade ! »
Le Dr Moog assisté de Me Alexandre, quelques minutes avant la reprise de l'audience (Photo PF / Rue89 Strasbourg / cc)
Le Dr Moog assisté de Me Alexandre, quelques minutes avant la reprise de l’audience (Photo PF / Rue89 Strasbourg / cc)
La procureure Morgane Robitaillie : « On ne peut pas couper cette première faute du reste. Oui elle est importante car elle conditionne le reste des événements. »
La procureure Morgane Robitaillie : « On essaie de nous dire que comme le traitement opératoire était le bon, elle n’a pas de lien avec le décès. Et comme ça on essaie de couper le lien de causalité. Mais je ne suis pas d’accord. Les experts ont clairement indiqué qu’il fallait faire un examen un début d’après-midi, et un autre en fin d’après-midi pour constater l’évolution. Sinon, on ne peut pas constater l’évolution ! »
La salle du tribunal des assises, utilisée dans ce procès correctionnel, quelques minutes avant l'entrée des magistrats. (Photo PF / Rue89 Strasbourg)
La salle du tribunal des assises, utilisée dans ce procès correctionnel, quelques minutes avant l’entrée des magistrats. (Photo PF / Rue89 Strasbourg)
La procureure Morgane Robitaillie : « Il nous dit être arrivé vers 16h / 16h30. Déjà 16h ce n’est pas possible matériellement puisqu’il était à Truchtersheim à 15h51 lorsqu’il appelle. Et le problème, c’est que cet horaire d’arrivée est contredit par les témoignages, tous les autres témoignages, pas seulement les parents qu’on décrit volontairement comme chamboulés, par ceux de l’équipe médicale aussi ! »
La procureure Morgane Robitaillie : « Ce qu’on lui reproche, c’est une série de négligences. D’abord, il ne se déplace pas. Après le premier appel, il ne se déplace pas. Après le second appel, il ne se déplace pas. Troisième appel à 15h34 pour lui parler du bilan sanguin de 15h20 qui est catastrophique. Il rappelle à 15h51 et c’est le seul appel qu’il passe. Son seul déplacement est en fin d’après-midi. »
La procureure Morgane Robitaillie : « Alors maintenant les fautes. Aujourd’hui, on ne reproche pas au Dr Moog une erreur de diagnostic. Il a été posé très tôt et de manière très claire, une fracture de la rate. »
La procureure Morgane Robitaillie : « L’article 121-3 indique que l’infraction est constitué s’il y a un lien de causalité direct ou indirect. »
La procureure Morgane Robitaillie : « C’est au tribunal de dire s’il y a une infraction ou pas. L’homicide involontaire, que l’auteur soit direct ou indirect, c’est la même qualification. »
La procureure Morgane Robitaillie : « Ne serait-ce que sur les faits, il y a des erreurs du côté de la défense. Par exemple, on nous dit que le Dr Moog n’a pas participé à la décision de la transfusion, c’est faux. Quand on dit que les résultats du scanner n’ont été communiqués qu’après 14h30, c’est faux. Le Dr Moog était bien au courant des résultats du scanner à 14h06. »
La procureure Morgane Robitaillie : « Aujourd’hui, plus personne ne peut ignorer la chronologie des faits. Et pourtant, je me demande si du côté de la défense, on a la même. »
La procureure Morgane Robitaillie : « Qu’on ne se trompe pas de débat aujourd’hui en disant que le ministère public cherche un coupable à tout prix, parce qu’un enfant est mort. »
La procureure Morgane Robitaillie : « Mme la présidente, vous avez rappelé que les débats devaient rester sereins. C’est normal pour que la justice soit rendue. Il ne s’agit pas ici de faire le procès de la médecine en général, il ne s’agit pas non plus de parler des conditions de prise en charge des patients dans les hôpitaux français. »
La procureure de la République Morgane Robitaillie prend la parole.
Le tribunal entre dans la salle. L’audience reprend.
Chaque partie a prévu environ une heure. La substitut du procureur prendra la parole en premier, puis ce sera au tour de Me Alexandre pour le compte du Dr Moog. Le procès devrait se terminer avant midi.
Les participants arrivent dans la salle…
Merci de nous rejoindre pour ce compte-rendu en direct. Le début de l’audience est prévu à 9h.

Aller plus loin

Sur Rue89 Strasbourg : les compte-rendus minute par minute de la première journée et de la deuxième journée.

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