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Au procès Walter : comment juger de la médecine ?

À l’issue de la première journée du procès de l’affaire Maxime Walter, du nom de cet adolescent décédé aux urgences de Strasbourg – Hautepierre après deux jours de calvaire, une chose est sûre : les médecins n’entendent pas répondre aux injonctions des magistrats et des avocats quant à leurs choix thérapeutiques. La deuxième journée doit entendre les experts, des médecins donc, qui mettront en cause un médecin.

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Au procès Walter : comment juger de la médecine ?

Le Pr François Becmeur, chef du service du Dr Moog, essaie de rester neutre lors de son audition très pressante (Dessin GUillaume Decaux)
Le Pr François Becmeur, chef du service du Dr Moog, essaie de rester neutre lors de son audition très pressante (Dessin Guillaume Decaux)

La présidente du tribunal correctionnel de Strasbourg, Sophie Thomann, s’était pourtant bien préparée  : splénectomie, hémostase, hémopéritoine… Tous ces termes n’avaient plus de secrets pour elle, la présidente était même capable de débattre du taux de créatine dans le sang après les transfusions ou de l’importance d’un blush artériel dans le traitement d’un traumatisme de la rate. Peut-être pensait-elle que dans cette affaire où un chirurgien, le Dr Raphaël Moog, est accusé d’homicide involontaire, elle aurait un débat médical ? Un débat qui pourrait expliquer pourquoi Maxime Walter, un jeune homme de 15 ans en pleine forme, est mort lors de son passage aux urgences pédiatriques de l’hôpital de Strasbourg – Hautepierre après s’être gravement endommagé la rate lors d’une chute de vélo en septembre 2008.

Peine perdue. Lors de la journée de lundi, le prévenu et les médecins venus le soutenir ont refusé de répondre aux questions de la présidente et des avocats des parties civiles lorsqu’il s’agissait de savoir si le Dr Raphaël Moog avait pris les bonnes décisions, oui ou non, lors des deux jours de calvaire de Maxime Walter. Ces décisions à juger sont au nombre de quatre :

  • Le Dr Raphaël Moog, chirurgien d’astreinte, aurait-il dû se déplacer dès qu’il est alerté qu’un patient victime d’un traumatisme de la rate de grade 4 (sur 5 possibles) est aux urgences pédiatriques ?
  • Le traitement non-opératoire d’une rate avec une lacération de grade 4 (sur un maximum de 5) sur un adolescent était-il justifié ?
  • Devant les résultats du scanner, qui montre un blush artériel (une perforation de l’artère) sur la rate, la dégradation de l’état général du patient, et au vu des analyses sanguines qui ne cessent de se détériorer, le Dr Moog pouvait-il continuer dans l’après-midi à préconiser le traitement non-opératoire ?
  • Le Dr Moog pouvait-il repartir chez lui après sa visite en fin d’après-midi, et ne pas s’enquérir de l’état du patient ?

Impossibles débats

Lors du rappel des faits effectué par la présidente du tribunal lundi matin, le prévenu a répondu qu’il a toujours agi en cohérence avec les règles de l’art, compte-tenu des informations dont il disposait. En résumé, le Dr Raphaël Moog pense qu’il n’avait pas à se déplacer après avoir recommandé un traitement non-opératoire, de plus en plus courant dans le traitement des traumatismes de la rate chez les enfants et les jeunes adultes. Il n’a pas été correctement informé de l’état de santé de Maxime Walter, ce qui l’a conduit à poursuivre la préservation de la rate et le soir, il pensait le patient stabilisé et en de bonnes mains, à savoir l’équipe médicale de garde, sur place.

Lors des auditions des témoins (voir notre compte-rendu minute par minute de la journée de lundi), la présidente du tribunal a tenté de savoir si les choix du Dr Moog étaient conformes comme il le prétend. Mais les collègues du chirurgien, dans une belle unanimité, ont répondu qu’il était impossible de se prononcer, que chaque décision prise l’était en fonction d’un nombre très variable de paramètres et souvent au sein de discussions collégiales impromptues auxquelles participent les médecins impliqués, lorsqu’ils peuvent être joints.

Aux injonctions de la présidente de répondre par « oui » ou « non » à des « questions simples », les témoins ont systématiquement répondu « ça dépend », ce qui a eu le don d’agacer Sophie Thomann qui n’aura pas eu de réponse aux questions essentielles posées par cette affaire à l’issue de la première journée d’audience. Durant son audition, le Pr Becmeur, chef du service du Dr Moog, a clairement indiqué à la présidente du tribunal qu’elle « ne pouvait pas comprendre » ce qu’il se passe dans un bloc opératoire quand deux chirurgiens opèrent de concert.

Me Bernard Alexandre : « Nous nous défendons face à une lecture offensive de ce dossier »

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Mardi, le tribunal entendra d’autres médecins, mais cette fois auteurs de trois  expertises très critiques sur les choix pris par le Dr Moog ce dimanche de septembre 2008. La présidente obtiendra peut-être ses réponses… Le suspense est entier.

Aller plus loin

Sur Rue89 Strasbourg : l’audition des experts et les plaidoiries des parties civiles (compte-rendu minute par minute de la deuxième journée)

Sur Rue89 Strasbourg : l’audition des témoins (compte-rendu minute par minute de la première journée)

Sur Rue89 Strasbourg : Accusé d’homicide involontaire, un médecin de Strasbourg a-t-il été négligent ?


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