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La validité du contrat du GCO contestée devant le tribunal administratif

Alsace Nature poursuit la guerilla judiciaire contre le Grand contournement ouest (GCO) de Strasbourg, une autoroute à péage prévue en 2020 pour que les camions ne transitent plus par l’A35. Cette fois, l’association environnementaliste attaque le contrat de concession, qu’elle juge trop différent par rapport aux éléments qui ont été validés lors de l’enquête publique de 2006.

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La validité du contrat du GCO contestée devant le tribunal administratif

Le 20 juillet, le tribunal administratif de Strasbourg a reçu un recours en contestation de la validité du contrat de concession du Grand contournement ouest (GCO) de Strasbourg. Le contrat de concession de cette autoroute payante (A355) avait été signé entre le concessionnaire Vinci (via sa société Arcos) et l’État le 29 janvier 2016. Elle doit permettre aux poids-lourds de ne plus utiliser l’A35 lorsqu’ils passent par Strasbourg.

À la manœuvre : l’association Alsace Nature, qui a également déposé en juillet une plainte auprès de la Commission européenne sur deux aspects environnementaux (manque de protection de la faune et de la flore et absence d’évaluation des incidences). Selon l’association et son avocat Me François Zind, le contrat diffère trop du projet déclaré « d’utilité publique » le 23 janvier 2008, qui autorise des travaux pour une durée de 10 ans. Alsace Nature attaque le document sur plusieurs fronts.

Visuel du projet de viaduc de la Bruche entre Kolbsheim et Ernolsheim-Bruche (document Arcos)
Visuel du projet de viaduc de la Bruche entre Kolbsheim et Ernolsheim-Bruche (document Arcos)

Un projet qui diffère de celui soumis à enquête

Le projet soumis à une enquête publique en 2006, qui a reçu un avis favorable en 2007, prévoyait une autoroute 2×2 voies élargissable à 2×3 voies par l’intérieur (c’est-à-dire grâce à un large terre-plein central). Celui du contrat permet ce même élargissement d’une voie, mais par l’extérieur. Le contrat de concession actuel prévoit en effet que la bande d’arrêt d’urgence mesure 3 mètres et encore un mètre de berges.

Parmi les autres modifications, la plus significative relève celles des aires. Celle de services (station service, restauration, etc. de 18 hectares) est déplacée du sud, près d’Ittenheim, au nord du tracé, près de Griesheim-sur-Souffel. À cela, se sont ajoutés deux nouveaux espaces : une aire de stockage dédiée aux poids-lourd (6 hectares), ainsi qu’un pôle d’échange multimodal (covoiturage, TSPO, etc) à l’ouest de Strasbourg, au niveau de la RN4-A351. L’aire de stockage pourrait être regroupée avec l’aire de service pour diminuer son emprise, mais cela augmenterait tout de même la taille totale de l’aire.

Enfin, les plans ont changé du côté de Vendenheim. Le viaduc est envisagé à 16 mètres de hauteur, contre 12 dans le projet initial et la tranchée ouverte a été déplacée vers l’ouest, ce qui fait que certaines habitations se retrouvent à moins de 80 mètres de la route. La commune a d’ailleurs arboré des banderoles « Non au GCO ».

Le tracé du GCO (document Arcos)
Le tracé du GCO (document Arcos)

Les garanties financières en questions

Conséquences de ces changements, le projet coûte donc plus cher que celui prévu. L’enquête publique tablait sur 355 millions d’euros. Le contrat de concession prévoit lui 518 millions d’euros de travaux et même plus avec les frais financiers. L’accord initial porte sur 631,9 millions d’euros. Des frais qui pourraient diminuer avec de l’argent public européen, sans qu’il soit mentionné qu’un tel prêt contribue à baisser le futur prix des péages.

Et justement, l’association s’inquiète du financement du projet. S’appuyant sur des articles de presse, l’association met en avant que le plan de financement n’a été bouclé « qu’environ 15 jours avant la signature du contrat », soit trois mois après le choix du concessionnaire en octobre 2015 (pour mémoire, quatre entreprises ou groupements avaient candidaté).

Un des prêteurs, la filiale de Vinci domiciliée en Belgique, Vinci Finance international, a par la suite confirmé que son prêt (à un taux de 9%) était un montage « transitoire ». Pour Alsace Nature, la procédure de passation du marché est illégale, puisque Vinci a bénéficié de plus de temps pour boucler son financement que ses concurrents et peut même le revoir après la signature de celui-ci.

Dans ces conditions, Alsace Nature craint que ce qu’elle juge comme « un manque de garanties financières » pousse Vinci à négliger ses obligations environnementales. La « robustesse économique et financière » comptait à 25% dans les critères de sélection.

Pas assez pour l’environnement

Pour faire simple, l’association considère que les passages à faune, notamment pour les hamsters d’Alsace, sont inefficaces voire nocifs. Pour l’association, les « mesures d’évitement évoquées à l’annexe 12 du contrat de concession ne sont au mieux que des mesures de réduction de l’impact » écologique. En outre, Alsace Nature remarque qu’Arcos n’a demandé aucune dérogation pour pratiquer des mesures d’effarouchement ou réaliser des captures.

Quant aux mesures compensatoires, Alsace Nature ne croit pas aux élevages promis par Arcos pour remplacer les pertes de grands hamsters et autres mammifères. L’association ne considère pas ces mesures comme efficaces et demande que soient recréés des biotopes équivalents en surfaces à ceux qui seront détruits par le GCO.

En attendant la justice, des mobilisations sur le terrain

Les arguments de l’association sauront-ils convaincre les juges administratifs ? Pour le moment, aucune date d’audience n’est prévue. Comme il s’agit d’un contrat signé par l’État, il est possible que le tribunal strasbourgeois renvoie la requête au Conseil d’État, ce qui prolonge le recours, mais ne suspend les travaux. Des forages géotechniques doivent débuter en septembre.

Pendant ce temps, les opposants maintiennent la pression, avec un week-end d’occupation similaire à celui du Bishnoï à Ernolsheim en avril, prévu cette fois-ci à la forêt du Crittwald de Vendenheim les 24 et 25 septembre.

Contactée, la société Arcos n’a pas souhaité commenté le recours d’Alsace Nature, indiquant réserver ses arguments dans un « mémoire en réponse » qu’elle doit remettre au tribunal administratif vers la fin septembre.


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