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Réouverture des bars : « pour le plan de salle, on va jouer à Tetris ! »

À partir de mardi 2 juin, les cafés, bars et restaurants pourront rouvrir. Arnaud Lesage, propriétaire de trois établissements à Strasbourg, raconte les coulisses d’une organisation minutieuse.

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Réouverture des bars : « pour le plan de salle, on va jouer à Tetris ! »

Mardi 2 juin, les cafés, restaurants et bars pourront rouvrir dans une majorité de départements, dont l’Alsace. La Ville de Strasbourg a annoncé jeudi, avoir élaboré une « charte » avec le syndicat des bars et restaurateurs, afin d’étendre les terrasses déjà existantes sur l’espace public, et d’en créer des nouvelles temporairement. Le but est de permettre la réouverture de ses établissements en respectant les mesures sanitaires.

Arnaud Lesage, propriétaire des bars Code Bar (bar à cocktails), Au Pif (bar à vin), et What The Fox (bar à bière), à Strasbourg, a accepté de raconter les 4 jours intenses de préparation qui l’attendent.

Arnaud Lesage, Frédéric Charlet et Camille Thouin, les 3 gérants du Code Bar, rouvriront l’établissement jeudi 4 juin en utilisant la terrasse du café voisin. Photo : doc remis

Rue89 Strasbourg : Comment avez vous-appris que vous alliez pouvoir rouvrir vos 3 établissements ?

Arnaud Lesage : On a eu des signes par le syndicat de l’Union des métiers et des industries de l’hôtellerie du Bas-Rhin (Umih 67), qui nous disaient de se préparer pour le 2 juin ou le 15 juin, car la région risquait de repasser en vert. Mais on ne l’a su officiellement qu’hier à 17h, comme tout le monde, lors de l’allocution du Premier ministre Édouard Philippe. Maintenant c’est le branle-bas de combat pour rouvrir nos établissements ! C’est une super nouvelle, mais c’est un peu abrupt. Pour le confinement, on a appris qu’on devait fermer le soir même, et là on a 4 jours pour rouvrir ! Mais au moins cette fois-ci, c’est une bonne nouvelle ! Le What The Fox rouvre mardi 2 juin mais Le Code Bar et le Pif ne rouvriront que jeudi 4 juin. Nos fournisseurs ne peuvent pas nous livrer du jour au lendemain, et avec le lundi de férié c’était compliqué…

Comment allez vous mettre en place les règles sanitaires dans vos établissements ?

Pour toute la partie matérielle, on a pu prévoir depuis le mois d’avril. On a par exemple fait un stock de gel hydroalcoolique.

À partir de lundi et mardi, on va faire revenir le personnel et on va former nos 16 salariés sur les bons gestes à adopter, les gestes barrières… Nous, les gérants, on se chargera de l’aspect technique. On va leur expliquer tout ce qui concerne l’organisation des établissements, comme laisser la porte d’entrée ouverte, mettre des marques au sol pour laisser un mètre de distance entres les personnes qui feront la queue pour aller aux toilettes… On voulait aussi mettre des barricades en plexiglas devant le bar pour éviter les postillons sur les tireuses à bières, mais il y a eu une rupture de stock, donc finalement personne ne pourra s’asseoir au bar.

Pour la carte, on a choisi d’annoncer tout à voix haute. On ne voulait pas laver nos cartes tout le temps, ni faire des cartes jetables, écologiquement, c’est juste pas possible ! Et si jamais, il sera aussi possible d’avoir la carte sur son téléphone en scannant un QR code. (NDLR : code-barres qui permet d’être redirigé vers une page Internet lorsque qu’il est scanné avec une application sur smartphone).

Honnêtement, sur les mesures à mettre en place, je m’attendais à beaucoup plus contraignant, surtout en terme d’espace. Au début, on nous annonçait un minium de 4 mètres entre chaque table. Ça n’aurait été possible que pour les restaurants gastronomiques ou les grandes enseignes. Je trouve que les syndicats tout comme la Ville de Strasbourg ont bien travaillé pour prendre en compte toutes les structures.

Comment allez-vous réorganiser vos salles pour respecter les règles sanitaires ?

Là, on commence à y réfléchir… et pour le plan de salle, on va devoir jouer à Tetris ! (rires). On peut mettre des tables de 10 personnes maximum. Entre chaque table, il faut un mètre de distance. Sauf que tout le monde ne va pas venir en groupe de 10 ! Chaque soir, il va falloir adapter et « ré-agencer » les tables en fonction des clients et des groupes. Sur nos trois établissements, en moyenne, on va perdre entre 30 et 40% de notre capacité d’accueil.

Au Code Bar, on ne pourra plus mettre personne à l’intérieur. Avant, on pouvait mettre 20 places assises. (la consommation debout à l’intérieur des établissements est interdite, ndlr). Maintenant avec les mesures sanitaires, on ne pourrait en mettre que 4. On ne pouvait pas faire venir les 3 salariés pour 4 personnes ! Et impossible d’ouvrir une terrasse dans la rue (au 39 rue du Vieil-Hôpital) car même si elle fait 4 mètres 50 de large, elle est répertoriée comme un accès pompier. On n’a pas eu l’autorisation de la ville. Mais le café voisin, Le Garde Fou, va nous prêter sa terrasse de 40 mètres carrés après 20h, quand lui ferme son établissement. On n’attend plus que l’aval de la ville. Avec la terrasse, on pourra alors accueillir environ 120 personnes. On va donc fermer totalement l’intérieur aux clients, et laisser ouvert uniquement l’accès aux toilettes.

Au Pif, (situé 21 rue de l’Ail) on va passer de 75 à 40 places, car on perd aussi les sièges du bar, qui sont trop proches des serveurs. Et au What The Fox, (15 rue de la Douane) on va passer de 150 places à 100. Au final, plus on aura de groupes de 10 personnes mieux ça sera ! On aura le même nombre de serveurs pour moins de clients mais au moins ça nous permet de reprendre doucement.

Comment vous sentez-vous à quelques jours de la reprise ?

J’ai juste un peu d’appréhension sur le comportement des clients entre eux. Il y aura forcément des tensions. Mais on espère qu’il n’y aura pas trop de frictions entre un groupe assez désintéressé et un groupe de la table voisine, plus anxieux. On n’est pas policiers donc dans ces cas-là, ça va être compliqué de faire respecter les mesures sanitaires. On ne peut pas obliger une personne à mettre un masque, mais on est quand même responsable de la santé des gens…

Tout cela va être difficile, c’est du jamais vu, mais on est assez serein, on est surtout heureux de retrouver notre métier. C’est comme un joueur du foot qui se blesse et qui après deux mois va pouvoir rejouer ! (rires). On espère qu’on a manqué aux gens autant qu’ils nous ont manqués… On espère que les clients seront compréhensifs dans ce contexte complètement inédit, et qu’ils seront tolérants et assez détendus. Et surtout, qu’ils seront heureux de bien manger et de bien boire !


#déconfinement

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