
Par souci d’économies, le service médical d’urgence des hôpitaux de Strasbourg va tester à l’automne un dispositif déployant quatre véhicules d’intervention maximum au lieu de cinq en journée. Chez les professionnels de l’urgence, c’est la consternation car ils souffrent déjà d’un manque de moyens qu’ils jugent « dangereux ».
Répondre à la détresse médicale dans l’agglomération strasbourgeoise jusqu’à Brumath par l’envoi en urgence d’une équipe composée d’un médecin, d’un infirmier et d’un ambulancier coûte entre 5,5 et 6 millions d’euros par an aux hôpitaux de Strasbourg. Problème : l’État ne paie que 5 millions d’euros, la même somme depuis 10 ans, pour cette mission d’intérêt général (MIG). Les hôpitaux de Strasbourg, dont le budget est attaqué de toutes parts, cherchent à économiser partout où cela est possible et la direction a saisi l’opportunité d’une demande de modification des horaires du personnel pour tenter de réduire les coûts liés à l’activité du service mobile d’urgence et de réanimation (Smur).
Un projet de réduction du volume horaire global utilisé par le Smur a été présenté en juin à la commission de permanence des soins à la préfecture du Bas-Rhin et sera proposé en septembre à la représentation du personnel de l’hôpital. Florent Chambaz, directeur de pôle aux hôpitaux universitaires de Strasbourg (HUS) détaille :
« Le personnel médical souhaitait passer d’horaires comptés en demi-journées à un volume annuel. On en a profité pour repenser l’organisation du service. À la suite d’un audit mené dans le cadre de notre contrat performance avec l’Agence régionale de santé, on s’est rendu compte que le Smur déployait plus de véhicules que les services d’urgence d’autres agglomérations équivalentes. Donc on débute en octobre une expérimentation pendant six mois, phase pendant laquelle aucune économie de moyens ne sera réalisée. Si elle est concluante, cette nouvelle organisation pourrait nous faire économiser environ 300 000€ par an sur le personnel non médical, sans dégrader la qualité du service aux habitants. »
De 5 à 4 équipes mobilisables en journée
Sans dégrader la qualité de service, c’est là où les opinions divergent. Car la direction va supprimer une « colonne », c’est à dire un véhicule prêt à partir avec à son bord un médecin, un infirmier et un ambulancier, en journée. En septembre, le Service d’aide médicale d’urgence (Samu) ne pourra plus compter que sur quatre colonnes en journée (7h – 19h) contre cinq jusqu’à présent. Le nombre d’équipes est en revanche inchangé en soirée (4), la nuit (3) et le week-end (4 en journée et en soirée, 3 pour la nuit).
Selon la direction, cette nouvelle organisation répondra à 100% des besoins, sur la base d’une simulation faite à partir de l’activité du Smur sur l’année 2013. Mais pour Christian Prudhomme, délégué syndical FO chez les infirmiers, ce calcul méconnaît la réalité :
« Évidemment, si on lisse les sorties des équipes sur un mois, on peut penser qu’une cinquième colonne en journée est de trop. Mais dans la réalité, cette équipe répond aux pics d’activité et donne surtout plus de latitude au Samu pour mieux répondre aux appels. Parce que si le médecin régulateur sait qu’il ne lui reste qu’une seule équipe prête à partir, il ne va pas la déployer aussi facilement que s’il lui en restait deux. Du coup, certaines urgences ne seront pas adressées aussi bien. Par ailleurs, je ne vois pas comment il sera possible de supprimer une équipe, les rythmes de sorties sont déjà très tendus. »
Un week-end de Pentecôte très chaud…
Même discours auprès d’un infirmier urgentiste :
« On nous compare à d’autres services qui ne sont pas comparables. Strasbourg est une ville frontière, nous accueillons et devons gérer les demandes de soins urgents d’une population fragilisée plus nombreuse qu’ailleurs. Et puis, on connait déjà des périodes de carence, c’est à dire avec toutes les équipes engagées, pendant lesquelles on prie pour que ne subvienne pas une urgence vitale. Pendant le lundi de Pentecôte (9 juin), on a eu très chaud… »
Un médecin du service d’urgence des HUS confirme :
« Oui, pendant le lundi de Pentecôte, on a accusé des délais d’attente d’une dizaine de minutes, délais pendant lesquels aucune voiture n’était disponible pour se porter au secours des gens. Mais la situation est tendue bien plus souvent. Elle ne se voit pas dans les statistiques parce qu’on joue avec les plannings des équipes qui prennent leur service et celles qui le quittent, pour optimiser à la minute près l’utilisation des véhicules. Mais en pratique, une à deux fois par mois, on serre les fesses. »
Situation « dangereuse »
Selon les équipes en place, la 5e colonne est engagée entre 20 et 30 fois par mois, une centaine d’heures sur les 7 200 contenues dans un mois. Un autre médecin du Samu juge la situation actuelle « dangereuse » :
« La situation n’est pas catastrophique, mais elle est dangereuse. On est trop souvent sur la brèche. Si la majorité des interventions se déroulent bien, il y en a quand même un bon quart qui sont exténuantes. On ressort parfois lessivés après une sortie et on a besoin de souffler. Nous renvoyer tout de suite a un sens comptable, mais c’est dangereux. Et ça, ils ont bien du mal à le comprendre à la direction. »
Pour corser l’ensemble, l’expérimentation prévoit de placer la 4e équipe non pas au centre logistique des HUS mais aux service d’accueil et d’urgences de l’hôpital de Hautepierre. Pour Florent Chambaz, l’idée est de mutualiser les moyens :
« La dernière équipe est forcément la moins sollicitée. Donc le personnel peut aider aux urgences hospitalières, souvent saturées, tant que la 3e équipe n’est pas sortie. Elle quittera l’hôpital dès qu’elle sera susceptible d’être appelée. »
Une idée qui fait bien rire l’un des médecins du service :
« Je ne donne pas dix jours avant que cette lumineuse idée ne soit enterrée. Le service d’accueil d’urgence de Hautepierre a son organisation propre, millimétrée… Une équipe du Smur va plus les gêner qu’autre chose, surtout si en 10 minutes, elle doit pouvoir tout lâcher pour revenir une heure après. Et surtout, comment fera cette colonne pour s’équiper ? Par manque de moyens, on ne dispose pas de tous les équipements dans tous les véhicules, on se passe le matériel en fonction des types d’intervention. Si l’intervention pour la 4e équipe nécessite l’emploi du Lucas par exemple (un appareil de massage cardiaque, ndlr), il n’y en a qu’un pour le service, donc elle devra repasser au centre logistique ! C’est n’importe quoi. »
Devant la fronde des médecins et du personnel, la direction des HUS rappelle qu’il ne s’agit pour l’instant que d’une expérimentation, et qu’une marche arrière est possible en cas de résultats non concluants. Mais FO prévoit déjà de voter contre. Sur les 23 médecins du service Samu / Smur des HUS, 3 ont été victimes d’un « burn-out », une forme de dépression liée à une suractivité au travail.
Aller plus loin
Sur Rue89 : Amélie, médecin urgentiste : « Je peux dormir sur commande »
Sur Rue89 Strasbourg : Les numéros des services d’urgences à Strasbourg
Des meurtriers !!!!
Quand à moi j'ai toujours aimé (le mot est faible) y travailler, même si j'ai payé un certain prix pour avoir dit des choses. mais je trouve qu'il y a une certaine hypocrisie à vouloir pleurer aujourd'hui les abus d'hier. ( trop d'infirmiers embauchés ?)
Et puis dire à la population qu'elle est en danger, n'est ce pas un peu excessif ? que dire de l'offre de soins ? de la loi HPST ? des relations 15-18 ? etc...
je comprends que la situation n'est pas très agréable pour le personnel qui se demande quel sera son avenir, coimme à l'époque où on s'est demandé s'il fallait garder des infirmiers anesthésistes. Personne ne s'est emu (au point d'en faire un article) pourtant de leur départ massif (ce qui me permet de dire qu'il y a de très bon infirmiers et de mauvais IADE aussi). Les temps changent et on s'adapte. et puis monsieur Houmeau, vous n'êtes qu'un exécutant !
(Quasi) Toutes les urgences vitales demandent à avoir le renfort du Smur.
Et quand il y a un transfert inter-hospitalier qui doit être médicalisé, c'est le Smur qui s'en charge.
Je sais que, des fois, le samu doit envoyer le dragon (hélicoptère) car aucune équipe smur n'est disponible a un moment donné, et il faut un médecin urgentiste sur place.
Des jours ils manquent de personnelle et, comme cité dans l'article, ils sont sur la brèche, et d'autres ils ont le temps de boire un café. Si on fait des stats sur un mois, les chiffres sont totalement faussés, les gens ne font pas des accidents tous les jours à la même heure, les malaises cardiaques ne sont pas programmés pour se déclencher le soir entre 22h et 23h30, etc....
De toute façon c'est comme partout, seul les personnes, vissées le cul sur une chaise dans un bureau, à regarder des chiffres sur une A4, à n'avoir jamais été sur le terrain, et à penser qu'à "chiffre d'affaire" et "économies" peuvent penser à faire ce genre de chose.
Un auxiliaire ambulancier qui a signé la pétition du smur 67 et qui se demande où l'on va !
C’est la direction des Hôpitaux Universitaires de Strasbourg qui impose au SAMU une réduction de moyens.
Cette réduction se fera dès le 1er Octobre prochain !!!
Le Smur de Strasbourg couvre un territoire allant de Brumath à Saales soit 166 Communes pour près de de 620.000 Bas-Rhinois et se déploie sur tout le 67 lorsque les Smur périphériques Sélestat, Saverne, Haguenau et Wissembourg sont déjà au chevet d’une victime et qu’un autre équipage de réanimation s’impose d’urgence sur ces secteurs.
Ce n’est pas le personnel ambulancier et paramédical qui a demandé des changements horaires. C’est la direction des Hôpitaux Universitaires de Strasbourg qui se met enfin en conformité avec la loi et accorde aux médecins du Samu Smur de ne plus travailler que 48 heures par semaines contre bien plus auparavant. La pénurie de médecins liée au manque d’attractivité du poste impose donc une réduction des moyens à disposition de la population...
Quelle est la légitimité du propos d’économie sur un outil et un système unique au monde ou l’hôpital se déplace vers la victime. Le diagnostique médical précoce qui permet de stabiliser les patients avant le transport, commencer les traitements immédiatement, de les adapter sous surveillance médicale durant le trajet et d’arriver directement dans un service spécialisé est en lien direct avec la qualité de survie des victimes et un vecteur d’économie pour la société.
Sur la question de l’opposition des syndicats à la suppression de moyens et d’emplois au Smur, ils sont bien entendu unanimes à s’y opposer dans toutes les instances.
Cela sera-t-il suffisant ?
C’est la direction des Hôpitaux Universitaires de Strasbourg, même contre l’avis de toutes et tous, qui aura le dernier mot .
Maintenant, quitte à faire pour le mieux, autant mettre des infirmiers anesthésistes qui ont une formation de deux en plus sur l'anesthésie/gestes d'urgences et sont mieux plus souvent en situation d'urgence. Mais bon, le système francais est tenue par deux syndicats de mauvaise foie qui ne pense pas au patient mais plus à leur possibilité d'étendre leur pouvoir (cf le problème des hélicots de la sécurité civile que le samu veut récupérer, au mépris de la logique).
Bref, plutot que de chercher une solution logique= mettre un infirmier sur protocoles qui pourra faire pleins d'interventions, on préfère raler et laisser supprimer une équipe. Logique
#IADE #PayeTaPubSurRue89
#NeSoitPasTropAigrie
#ParsAL'EtrangerSiC'estMieux
On se voit dans 15 ans, bisous!
Certes il y a probablement une place pour un échelon intermédiaire dans le SAP, oui les IADE sont les personnels les mieux formés pour ce genre de mission.
Mais ce n'est pas pour autant que les médecins devraient disparaître du paysage. Si les uns acceptaient toujours de profiter des compétences des autres et de travailler en collaboration, on passerait aussi toujours de belles journées.
Malheureusement, certains pensent mieux diagnostiquer que des médecins et d'autres pensent qu'il y a un lien de subordination avec les infirmiers.
Bisou
Etant ADE sur ASSU, je suis ravis quand je peux compter sur l'intervention rapide d'un SMUR !!
Peut ont aussi parler du type de véhicule qui remplacera probablement cette lourde perte, ou c'est trop tabou !!!!
excellent article sur france info.fr
http://www.franceinfo.fr/emission/la-pratique-du-deux-roues/2011-2012/goldwing-de-la-moto-taxi-la-moto-samu-01-08-2012-07-40-0
Quand aux élucubrateurs politiques, je vous invite a vous y engager, en politique...