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Blessé après un accident avec la police : « Ils ont pris la fuite et m’ont laissé seul au sol »

Jeudi 21 janvier, vers 14 heures, la police municipale percute un jeune scootériste de 19 ans. Blessé, au sol, il n’obtient aucune assistance des policiers municipaux. Ces derniers prétextent avoir été caillassés. Une version contredite par plusieurs témoins.

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Blessé après un accident avec la police : « Ils ont pris la fuite et m’ont laissé seul au sol »

« Pour l’instant, c’est ma parole contre celle des policiers. Mais les caméras parleront. » Mehmet (le prénom a été modifié) a le bras en écharpe sous sa veste grise. Vers 14 heures, jeudi 21 janvier, il conduisait son scooter, sans casque, le long de la rue Mathias Grünewald à l’Elsau, quand il croise une voiture de la police municipale :

« Elle s’est mise à faire des zig-zag, ça m’a fait peur. Quand je suis arrivé à leur niveau, j’ai été percuté par la voiture et je me suis retrouvé au sol. »

Une marche arrière, un second choc selon la victime

Le jeune homme de 19 ans raconte s’être relevé pour reprendre son scooter. Il dit avoir été touché par la voiture de police en marche arrière. C’est ce second choc qui l’aurait mis KO, l’épaule déboitée. Rencontré moins de 24 heures après les faits, Mehmet admet un souvenir assez flou dès la première chute. Il n’a presque pas dormi de la nuit. La douleur à l’épaule lui rappelle sans cesse cette scène traumatisante :

C’est à ce niveau de la rue Mathias Grünewald que le scootériste a chuté. (Photo Guillaume Krempp / Rue89 Strasbourg / cc)

« Quelque chose de grave s’est passé. Je pensais que ce genre de scène n’existait qu’à Paris ou Marseille. J’aurais pu en mourir. »

Selon les Dernières Nouvelles d’Alsace, le scooter aurait été percuté après la première chute du conducteur, suite à une marche arrière. Une source policière citée par 20 Minutes assure que la police n’est pas à l’origine de la blessure du jeune Elsauvien.

« On peut pas laisser quelqu’un à terre comme ça »

À quelques mètres de là, trois jeunes étudiants d’Obernai utilisaient les structures de street-workout, comme tous les jeudis après-midi. Florentin Vone se souvient bien de « deux bruits de choc », sans avoir pu observer la scène. Pour lui, la police n’avait aucune raison de fuir après l’accident : « Il n’y avait aucun jeune, pas d’attroupement, personne. Je ne vois pas de quoi les deux policiers ont eu peur. »

Son amie Alicia décrit la deuxième partie de la séquence :

« Le scooter était tombé, le jeune au sol. La voiture de police a reculé, mais pas petit à petit, vraiment rapidement. Elle a écrasé une roue du scooter alors que le jeune était encore à moitié dessus. Mais je crois qu’il a réussi à s’enlever rapidement. Un policier est sorti avec une matraque, à peine dix secondes, puis la police a pris la fuite. Ce n’est qu’après qu’une bande de jeunes est arrivée. Je suis pas contre la police, mais ils ont bien vu qu’il était blessé. Il roulait sans casque ok, mais on peut pas laisser quelqu’un à terre comme ça. »

La structure de street-workout où s’entrainaient trois jeunes d’Obernai est juste à côté de la rue Mathias Grünewald. (Photo Guillaume Krempp / Rue89 Strasbourg / cc)

« Quand la police est partie, il n’y avait aucun attroupement »

Auteur d’une vidéo en direct sur Facebook très partagée, Hmida Boutghata venait de déposer sa fille à l’école lorsqu’il a fait face à la scène. La description de cet habitant du quartier colle au récit d’Alicia : « Quand la police est partie, il n’y avait aucun attroupement, aucun caillassage. »

Les rares témoins se disent surtout choqués par le manque d’aide des policiers au jeune blessé :

« Ça peut arriver un accident, estime Hmida Boutghata, ils ont paniqué. Mais a minima, il aurait fallu intervenir auprès du jeune. »

Mehmet tient un discours similaire :

« Je veux bien comprendre qu’ils voulaient me verbaliser pour non-port du casque. Mais de là à me laisser par terre pour mort… »

Le jeune homme tient à souligner qu’il n’était pas en train de faire des roues levées lorsqu’il a croisé la police municipale.

« J’aimerais lui demander pourquoi elle m’a fait ça »

« J’ai appelé le Samu à 14h08 et les pompiers sont arrivés vers 14h35 », raconte Hmida Boutghata. Contactés, les pompiers n’ont pas souhaité indiquer si la police municipale les avait aussi contactés. Suite à notre demande d’interview, la Ville de Strasbourg nous a transmis ce communiqué par écrit :

« Le jeudi 21 janvier vers 14h, un équipage de la Police municipale, présent à l’École Léonard de Vinci dans le quartier de l’Elsau, pour sécuriser le périmètre scolaire dans le cadre de ses missions quotidiennes auprès des habitants, a constaté un rodéo en scooter, avec un conducteur roulant sans casque.  

Dans le cadre de cette intervention, et alors que le conducteur du scooter tentait d’y échapper, celui-ci a chuté. L’équipage de la police municipale a immédiatement transmis l’information, pour une intervention rapide des secours. Le conducteur ne présentait aucun signe de blessures graves.

Alors qu’un attroupement se formait, et afin d’apaiser la situation, l’équipage a pris la décision de se mettre en retrait pour revenir avec la police nationale et les secours. Rapidement pris en charge par les services hospitaliers, le jeune homme a pu, fort heureusement, rejoindre son domicile le jour même.

Selon la procédure habituelle, la Ville de Strasbourg a transmis le rapport circonstancié de la police municipale à la Procureure de la République.

La Ville de Strasbourg appelle chacun et chacune à l’apaisement et rappelle son attachement à l’exemplarité de tous et toutes. »

A l’angle de la rue Mathias Grünewald, une caméra de vidéosurveillance, à quelques dizaines de mètres du lieu de l’incident. (Photo Guillaume Krempp / Rue89 Strasbourg / cc)

Vendredi 22 janvier, peu après midi, Mehmet demande de ralentir le pas alors qu’il se dirige vers l’endroit de la chute. Le jeune homme est encore affaibli par l’accident. Au CHU de Strasbourg, il a appris que son épaule devra être immobilisée un mois. L’ancien livreur de pizza songe à porter plainte, pour non-assistance à personne en danger. Pour que justice soit faite, l’Elsauvien souhaiterait une suspension des policiers impliqués :

« J’aimerais aussi rencontrer la conductrice, pour lui demander pourquoi elle m’a fait ça ? »


#Elsau

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