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SOS Amitié : qui est à l’appareil

Le nom de cette association en fait sourire plus d’un. Nombreux sont ceux qui, à l’évocation de SOS Amitié, se retrouvent avec l’image d’Anémone et de Thierry Lhermitte se débattant avec une ordure de Père Noël. Mais derrière la comédie française vue et revue se trouvent à Strasbourg 43 bénévoles, répondant nuit et jour à la détresse humaine.

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SOS Amitié : qui est à l’appareil

La ligne de l'association est ouverte 24h/24 et 7 jours sur 7.
La ligne de l'association est ouverte 24h/24 et 7 jours sur 7 (Photo Flickr /asgw /CC)

On les appelle ici les « écoutants », ces personnes qui décrochent le téléphone et qui tentent de répondre au mal-être, à la détresse d’une séparation, à la douleur d’une maladie ou encore à l’angoisse de la solitude. Christiane (les noms ont été changés), enseignante à la retraite, est bénévole à SOS Amitié depuis près de 8 ans.

Elle explique :

« On part du principe que certaines choses, surtout les plus difficiles, se disent plus facilement à des gens qu’on ne connaît pas. C’est pourquoi on a un « pacte d’anonymat » à respecter pour faciliter l’échange et pour protéger l’appelant. Évidemment, on peut tomber plusieurs fois sur la même personne. Dans ce cas, les gens reconnaissent souvent notre voix. On ne va pas leur mentir et faire comme si on ne s’était jamais parlés. »

« Ecoutant » au minimum 15 heures par mois

Initialement fondée par des pasteurs protestants, l’association est aujourd’hui laïque et financée à parts égales par des subventions publiques et des dons. L’antenne de Strasbourg compte 49 membres et parmi eux, 43 écoutants venant d’horizon totalement différents. On trouve aussi bien un chef d’entreprise, un avocat, des infirmières, un psychologue, etc. Ils reçoivent près de 24 000 appels par an, un chiffre en progression depuis trois ans. Beaucoup sont de jeunes retraités qui peuvent facilement consacrer du temps à l’association.

Car pour être bénévole à SOS Amitié, il faut accorder au minimum 15 heures de son temps par mois dont un service de nuit, de 22h à 7h. Paulette, rentrée dans l’association comme Christiane en 2005, précise :

« C’est important qu’on ait des personnes ayant des parcours et des compétences différents car, lorsqu’on répond à quelqu’un, on parle forcément en fonction de notre expérience et de notre vision des choses. On sera plus sensible à l’histoire d’une séparation ou d’un deuil familial si on l’a déjà vécu. C’est ce que moi-même j’ai déjà ressenti en étant confrontée à une situation familiale semblable à la mienne. Je pense que ce sont ces appels qui nous touchent le plus. »

« Ecouter les autres permet de relativiser ses propres expériences malheureuses »

Mais qu’est-ce qui peut bien motiver des bénévoles à s’inscrire pour recevoir toute la misère du monde sur les épaules ? Pour Christiane, c’est un parcours de vie :

« Je me souviens qu’une fois, un parent d’élève était venu me trouver pour m’offrir des fleurs. Quand je lui ai demandé la raison, il m’a dit « parce que vous avez su m’écouter ». Ça m’a fait réfléchir et je me suis dit que j’étais peut-être faite pour ça. Et puis ensuite, on se rend compte qu’écouter les autres permet de relativiser ses propres expériences malheureuses. Ça nous change, ça nous fait évoluer. »

La ligne de l'association est ouverte 24h/24, et 7 jours sur 7. (Photo Rock Fordman / FlickR / CC)
La ligne de l'association est ouverte 24h/24, et 7 jours sur 7 (Photo Rock Fordman / FlickR / CC)

Quatre mois de formation

Avant de pouvoir répondre aux appels, il faut passer par la case formation, surnommée le « parcours du combattant » par les bénévoles. Cette période s’étend sur 4 mois et se compose de plusieurs séances d’information et d’entretiens avec des psychologues. Au cours de ces différentes convocations, l’association cherche à connaître les motivations, les expériences et la personnalité des futurs bénévoles. Paulette se souvient parfaitement de sa formation, elle note :

« Le critère de sélection serait plutôt le « savoir-être » de la personne plutôt que le savoir-faire. Il faut avoir une certaine capacité à se remettre en question et une ouverture d’esprit. On ne peut évidemment pas faire appel à des gens trop fragiles. L’avis d’un professionnel est donc nécessaire pour savoir si la personne peut travailler ou pas pour l’association. »

Après l’accord du psychologue suivi du weekend de formation avec un spécialiste afin d’apprendre certaines « techniques de reformulation » permettant un meilleur échange, il reste la dernière étape : celle des « doubles-écoutes ». L’apprenti observe comment répondre au téléphone, puis à son tour s’y prête, toujours sous l’œil d’un bénévole. Après chaque séance, un debriefing a lieu.

Au fil de la formation, une personne sur deux environ abandonne et se rend compte qu’elle n’est pas faite pour cela. Si bien, qu’aujourd’hui à Strasbourg, les effectifs manquent pour assurer une réponse 24 heures sur 24. D’autre part, rien ne garantit que le bénévole restera une fois sa formation accomplie. Devant la charge émotionnelle des appels et le sentiment d’impuissance des écoutants face au malheur exprimé, certains lâchent le combiné.

Pas le discours d’un thérapeute, ni celui d’un ami

Répondre à la détresse des gens n’est pas une chose simple, d’autant que l’aide apportée n’est pas celle d’un thérapeute, ni d’un ami. Il faut trouver le bon équilibre entre des réponses généralistes, sans fournir de conseils précis, tout en essayant le moins possible de s’impliquer personnellement dans la conversation. Pas simple, comme le rappelle Paulette :

« Nous n’avons pas le droit de donner des conseils. Cela serait contraire à notre charte et pourrait d’ailleurs être considéré comme une pratique thérapeutique. Du coup, c’est vrai que certains se sentent parfois impuissants, devant des personnes voulant en finir avec la vie. »

Mais si on ne peut donner de conseils, ni agir comme un spécialiste, comment concrètement aider ces personnes ? La réponse serait toute simple, selon Christiane :

« L’association s’inspire des travaux de Carl Rogers, c’est-à-dire qu’on privilégie une écoute attentive afin de recentrer la personne sur elle-même, de clarifier sa situation et ainsi d’apaiser sa souffrance. »

Mais est-ce suffisant ? Paulette répond :

« Pas toujours. Dans le cas où on a des appels réguliers pour un problème récurrent, on conseille aux gens, en tentant de ne pas les blesser, de consulter un spécialiste. »

Contact : 03 88 22 33 33.


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