Le 23 décembre 2024, la CGT de Saverne manifestait devant le site de l’entreprise Ritleng Revalorisations dans la commune de Rohr. L’objectif du syndicat était de soutenir trois employés convoqués à des entretiens préalables au licenciement. Ces derniers ont fait usage de leur droit de retrait après avoir découvert la présence d’amiante et de staphylocoques dans des déchets qu’ils trient et valorisent. La société est spécialisée dans le recyclage du gypse pour produire de nouvelles plaques de plâtre. Suite à la mobilisation de l’organisation syndicale, la direction de l’entreprise a maintenu sa gestion offensive de la problématique. Les salariés inquiets pour leur santé ont été sanctionnés, soit par des licenciements, soit par des mises à pied.

Quatre salariés sanctionnés
Les trois salariés convoqués le 23 décembre étaient Baptiste Bell, chef d’équipe, Alexis Giteau, agent de la table de tri et Atef Labben, directeur des opérations et représentant du personnel CGT. Face à eux, la direction de Ritleng Revalorisations a nié tout danger lié à l’amiante pour les salariés de l’entreprise. Les convocations ont mené au licenciement de Alexis Giteau et à la mise à pied non rémunérée de Baptiste Bell et Atef Labben.
Le 16 janvier, Manal Bouranna, ingénieure au sein de l’entreprise, était convoquée pour un entretien préalable au licenciement. Elle avait révélé la présence de staphylocoques dans un fertilisant qui devait bientôt recevoir une autorisation de commercialisation. Elle n’avait pas fait usage de son droit de retrait mais avait été placée en arrêt maladie. En tant que travailleuse étrangère, cette fin de contrat met en péril le renouvellement de son titre de séjour. Un courrier reçu le 20 janvier confirme son licenciement pour faute grave.
Contactée, l’entreprise Ritleng Revalorsations n’a pas souhaité commenter les situations individuelles de salariés ou d’anciens salariés.
« Dès qu’il y avait une inspection, on recevait l’ordre de la direction, via nos talkies-walkies, d’arrêter toutes les installations. »
Atef Labben, représentant du personnel CGT chez Ritleng Revalorisations
Les inquiétudes des salariés de Ritleng Revalorisations paraissent légitimes tant les irrégularités constatées ces dernières années par l’inspection du travail sont nombreuses. Dans un rapport daté de septembre 2024, une inspectrice note tout d’abord la difficulté à effectuer un contrôle dans les conditions d’activité classiques de l’entreprise : « L’ensemble de la production était à l’arrêt pendant le contrôle ce qui ne nous a pas permis d’avoir une vision réelle des conditions de travail. » Un arrêt de l’activité qu’explique le délégué du personnel CGT Atef Labben : « Dès qu’il y avait quelqu’un de l’inspection qui entrait sur site, on recevait l’ordre de la direction, via nos talkies-walkies, d’arrêter toutes les installations. »
Des salariés sans formation
L’entreprise de recyclage a été rappelée à l’ordre à plusieurs reprises sur les risques liés à l’amiante. Fin 2019, l’inspection du travail a constaté la présence de déchets amiantés dans des prélèvements du 13 et 14 novembre 2019. Cette détection oblige l’employeur à organiser « l’information et la formation à la sécurité des travailleurs susceptibles d’être exposés à l’action d’agents cancérogènes », selon l’article R4412-87 du Code du travail. Une obligation que ne respectait pas Ritleng Revalorisation au moment de cette inspection. Sur ordre de l’inspectrice du travail en charge du dossier, la direction de l’entreprise avait mis en place une formation au risque amiante en 2020.
Fin 2024, les salariés mobilisés soulignaient à nouveau ce manque de formation au risque d’amiante. Selon Atef Labben, « entre 2020 et 2025, de nouvelles personnes sont arrivées et elles n’ont pas été formées ». Un rapport de l’inspection du travail daté d’octobre 2024 évoque des salariés formés au risque amiante dans la section production de l’entreprise. Mais les chauffeurs de Ritleng Revalorisations, qui réceptionnent les matériaux, manquaient toujours de cette formation obligatoire.
La société nous indique, par communiqué écrit, qu’une « nouvelle vague de formations a été mise en œuvre en décembre 2024, notamment pour les salariés dont la formation n’était plus à jour, ou pour qui elle n’avait pas encore été dispensée ».
Un manque de protection
Suite au contrôle mené fin 2019, l’inspection du travail souligne aussi la dangerosité du fort taux d’empoussièrement présent au sein de l’entreprise : « Il est manifeste au regard des dépôts de poussières dans l’usine que le risque lié à l’inhalation de poussières est un risque majeur à maîtriser. »
Pourtant, des photos datées de décembre 2024 montrent des employés qui travaillent autour d’une table de tri, toujours sans équipement de protection individuelle. Et la dangerosité liée à l’empoussièrement est encore décrite dans un rapport établi par l’inspection du travail en octobre 2024. Ce dernier évoque un système d’aspiration des poussières défectueux. Interrogé sur ce point, Ritleng Revalorisations assure :
« L’exposition à la poussière fait également l’objet d’une amélioration continue des moyens de protection collectifs (MPC) au niveau de la cabine de tri, en complément du système d’aspiration déjà en place et en état de fonctionnement : ajout de purificateurs d’air, travaux en cours pour la mise en place d’un système de ventilation tempérée pour plaquer au sol les poussières résiduelles. »
Les rapports de l’inspection du travail en 2019 et 2024 demandent enfin à l’employeur d’établir une « fiche d’exposition » à l’amiante pour chacun de ses salariés. Selon le délégué du personnel CGT Atef Labben, cette mesure n’a pas été mise en place.
Un contrôle défaillant des déchets
Dans des articles publiés suite à la mobilisation de la CGT, Ritleng Revalorisations explique que « l’amiante qui peut, par accident, arriver dans l’entreprise avec des débris de fibrociment, est gérée et traitée avec la plus grande vigilance et selon des process bien définis ». Or, selon un rapport de la Direction régional de l’environnement, de l’aménagement et du logement (Dreal), daté du 5 novembre 2024, la procédure de détection des déchets amiantés est inefficace :
« L’inspection a assisté à la réception d’un chargement de déchets de plâtre en mélange. En cas d’arrivée d’un déchet non admissible, la personne présente dans la chargeuse regarde rapidement le déchargement du camion, mais il ne s’agit pas clairement d’une opération d’admission des déchets. »
L’inspecteur de la Dreal a constaté 15 irrégularités au cours de sa visite de l’entreprise fin 2024. Au-delà de l’inefficacité du processus d’admission des déchets, Ritleng Revalorisations ne respecte pas plusieurs arrêtés préfectoraux : la société de traitement de déchets n’a pas suivi la mise en demeure préfectorale d’octobre 2023 concernant les limites cadastrales de son activité. La gestion des poussières reste aussi problématique puisque l’agent de la Dreal a constaté d’importantes traces de plâtre sur la route de sortie du site.
La rivière Rohrbach polluée
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