Cinq années d’efforts politiques, de réunions techniques et de débats houleux, rendus inutiles en une journée par l’Assemblée nationale. Mercredi 28 mai, les députés ont voté un article de la « Loi de Simplification de la vie économique » supprimant les Zones à faibles émissions (ZFE), qui interdisaient de circuler aux véhicules les plus polluants.
« C’est une décision qui met les collectivités locales en porte-à-faux », regrette d’emblée Pia Imbs, la présidente de l’Eurométropole de Strasbourg :
« Je fais six réunions ZFE par an depuis le début du mandat avec les élus des communes limitrophes ou avec les acteurs du monde économique. À chaque fois, on effectuait des ajustements, on adoptait les dérogations nécessaires… Je pense que l’Eurométropole a fait le maximum sur ce dossier. »
Coercition inexistante
Présentée par ses détracteurs comme un modèle « d’écologie punitive », la ZFE resta pourtant plutôt laxiste à Strasbourg. Les sanctions pour les conducteurs des véhicules qui ne respectent pas les critères sont restées théoriques, en l’absence d’outils de contrôle, comme des lecteurs automatiques des plaques d’immatriculation. La livraison de ces équipements a été repoussée à 2027.
« Non seulement l’État communiquait peu, mais le matériel promis depuis 2022 n’a jamais vu le jour », reprend Pia Imbs. La situation est similaire dans d’autres villes de France qui n’ont pu que repousser les contrôles comme Montpellier ou Bordeaux.
En parallèle, l’élue alsacienne regrette le désengagement financier de l’État en matière d’incitation à changer de véhicules. Dans un décret publié le 29 novembre 2024 au Journal officiel, l’État a supprimé la prime à la conversion des véhicules anciens, dont l’immatriculation datait d’avant le 1er janvier 2011 pour ceux roulant au gazole, et avant le 1er janvier 2006, pour les autres carburants. Le bonus écologique, une aide financière pour l’acquisition de véhicules peu polluants, est aussi passé de 4 000 à 3 000 euros dans la foulée.
Prime à la pédagogie
« De toute façon, j’estime que la politique ZFE ne devait pas être répressive ni punitive », évacue en bonne centriste Pia Imbs après avoir très vite constaté les retards matériels. Pour y pallier, l’élue assure avoir misé davantage sur la « pédagogie » en menant une « politique d’encouragement » :
« Initialement, les habitants ont pu craindre des sanctions et agir en conséquence. Mais tout le monde s’est rendu compte que les contrôles n’existent pas. Je l’ai moi-même évoqué en toute transparence. Je crois en revanche qu’il faut rappeler que des alternatives à l’autosolisme existent : proposer par exemple des trains cadencés plus nombreux, comme nous le faisons avec le Réseau express métropolitain européen (REME). »
Cette « pédagogie » s’est traduite par sept campagnes de communication successives portées par l’EMS depuis 2021 et une procédure de diagnostic par l’Agence du climat, pour aider les particuliers à connaître le montant des aides à la conversion de leur véhicule.
Pas encore enterrée
Dans un rapport paru en octobre 2024, l’Agence d’urbanisme de Strasbourg Rhin supérieur (Adeus) a publié un bilan intermédiaire de la ZFE : 3 547 véhicules interdits ont été renouvelés grâce aux aides de l’Eurométropole entre août 2021 et août 2024, pour un coût total de 10 millions d’euros. Un nombre à mettre en rapport avec les 280 000 véhicules immatriculés dans l’Eurométropole au 1er janvier 2023.
« Surtout, nous avons fait baisser les concentrations moyennes de dioxyde d’azote de près de 40% », insiste la présidente de l’Eurométropole. L’Adeus est plus prudente et préfère noter que si « la qualité de l’air de l’Eurométropole s’améliore tendanciellement, il est difficile d’attribuer cette évolution à la seule ZFE, même si l’on peut observer une accélération du renouvellement du parc automobile roulant dans l’Eurométropole. »
Si Pia Imbs assure vouloir poursuivre les efforts en matière d’accompagnement des particuliers, elle rappelle que la suppression de la ZFE n’est pas encore définitive. Si un retrait de l’article est peu probable lors de son examen par la Commission mixte paritaire, réunissant députés et sénateurs, le gouvernement pourrait miser sur une censure de la disposition par le Conseil constitutionnel, en estimant que l’article supprimant la ZFE n’a pas de lien avec l’objet initial de la loi, la « simplification de la vie économique ». L’institution peut être saisie par le président de la République, le Premier ministre, les présidents des deux chambres, ou par un groupe de 60 députés ou de 60 sénateurs. Comme d’autres élus et automobilistes, la présidente de l’Eurométropole attend avec attention le résultat de cette procédure pour savoir si elle doit revoir l’ensemble de sa politique des mobilités…
Chargement des commentaires…