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Au Kafteur, l’humour de Yann VDB réchauffe l’âme

L’humoriste Yann VDB rempile pour une nouvelle saison de « Truc de fou », au théâtre du Kafteur à Strasbourg. Un spectacle déjanté où fourmillent des parodies de récits célèbres aussi bien que des digressions intimes. L’énergie dépensée sur la scène fait plaisir à voir.

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Yann VDB (doc remis)

L'humoriste Yann VDB intenable dans le nouvel opus de son spectacle "Truc de fou" . (Photo "Le Kafteur" / Dossier de presse / CC)
L’humoriste Yann VDB intenable dans le nouvel opus de son spectacle « Truc de fou » . (Photo « Le Kafteur »)

 

On devrait remercier la fondation du Kafteur et l’association éponyme qu’elle abrite, lui dire qu’elle est reconnue d’utilité humoristique. Ce serait le bistrot élégant du rire (il y a, au demeurant, un bar attenant à la scène, comme pour caresser un peu plus les désirs d’hilarité du public). Au plafond, dans l’arène, où Yann VDB devra prouver, une fois de plus, qu’un laborieux travail d’écriture ciselée permet d’être sûr de ses prestations, des affiches illustrent l’histoire de cette salle authentique et fraîche.

Yann VDB lève le voile

Guy Bedos disait, il y a de cela fort longtemps, qu’entre l’écriture d’un roman et celui d’un spectacle seul en scène, le plus difficile était assurément ce dernier. Qu’est-ce qu’un one-man show ? Une mise à nu entière empreinte d’une légère pudeur. C’est une déclaration d’amour recouverte sous le manteau du sarcasme et du bon mot. Invoquer Guy Bedos n’est pas anodin pour parler de Yann VDB, qui présente jusqu’au 7 décembre au Kafteur la saison 2 de « Truc de fou », long monologue entrecoupé de sketchs drolatiques et énergiques, avec un incontestable sens du verbe.

Yann VDB est de ces hommes ingouvernables qui ont la désobéissance au bout des lèvres, désinfectant utile des esprits étriqués dans un monde pollué de tristesses. Utilisant le déhanché gestuel (notons ce brillantissime mouvement des hanches qui en a fait chavirer plus d’une) rythmé par une danse verbale fait de savoureux jeux de mots, Yann VDB écrit comme il parle. Pierre Desproges et Raymond Devos en seraient les paternels, Gaspard Proust, quand à lui, serait son beau frère tant la ressemblance (spirituelle) est frappante. Passant d’une parodie du langage des signes à des allusions au mariage pour tous entre animaux de même sexe « Le canari est un prédateur qui chasse le phoque »), Yann VDB contrôle un foutoir où plus d’un se serait empêtré.

Le retour d’un humoriste itinérant

Il aura fallu attendre 5 années d’abstinence du niçois à Strasbourg, absence expliquée par des tournées à travers toute la France, la Suisse et la Belgique pour constater le retour de ce Gavroche burlesque des tréteaux. Cinq années à récolter des prix (Grand Prix du Public et du Jury au Festival de Rochefort en 2008, Prix du Public et du Jury au Festival de Saint-Gervais en mars 2009, entre autres) et à lui donner une assise considérable sur la dangereuse arène de l’humour hexagonal.

Yann VDB passe du pastiche de ce héros populaire qu’est Zorro (héros qui revient de manière récurrente dans ses nostalgies humoristiques) au détournement de contes célèbres (« Les 3 petits cochons » et « Le Petit chaperon rouge » en verlan), donnant ainsi à ces immémoriaux récits des teintes contemporaines. Ne pas oublier la nouvelle muse de Yann, Claire Jaz, qui ne met pas en scène mais en « examen » le jeu rocambolesque de l’humoriste. Cette phrase qui va suivre est une assertion couramment utilisée, mais prenons-là quand même : le spectacle de Yann est fait pour toutes les générations et tous les milieux sociaux, des banlieusards aux gens des beaux quartiers en passant par les classes moyennes. L’auteur de ces lignes, passé par pléthore de courants sociaux et culturels a vigoureusement applaudi une prestation gérée de bout en bout, y compris lors de cette fameuse imitation du « trou noir » de l’artiste qui n’était en fait qu’un habile chemin pour railler le technicien de salle.

Il est étonnant de constater la relative timidité de l’humoriste une fois les lumières éteintes. D’abord roi consacré d’un peuple acquis à sa cause, Yann VDB a laissé se déployer les charmes lumineux de sa modestie, se permettant la patience empreinte de fougue d’effectuer deux rappels. Il faut beaucoup de grâce à un homme pour se placer, un peu plus d’une heure durant, dans la posture d’amuseur public, et se retirer, se libérant ainsi de tous les artifices que la scène impose à ceux qu’elle adopte. Yann VDB est de ceux-là : imprésario génial mais potentiellement tourmenté, dans une recherche perpétuelle de mouvements qui le libéreraient, mais de quoi ? De sa condition d’humoriste itinérant ? Une complexité de l’âme pour le moins intéressante.

Pendant que l’hiver apporte l’imminence glacée de malheurs sociaux, jetons-nous à corps éperdus dans cette fort souriante parenthèse.

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