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Évacués malgré la trêve hivernale, des habitants du squat Sarlat alertent la municipalité

Des occupants de bâtiments vides situés au Neuhof se sont rassemblés devant le centre administratif de Strasbourg mardi 21 novembre pour dénoncer leur expulsion, prévue le 22 novembre. Elles demandent des solutions d’hébergement pérennes.

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Évacués malgré la trêve hivernale, des habitants du squat Sarlat alertent la municipalité

« Je ne sais pas encore ce que nous allons faire, où nous allons dormir demain soir », s’inquiète Lali, une mère de famille géorgienne. Accompagnés de quelques soutiens, une quinzaine d’occupants de bâtiments en instance de démolition rue de Sarlat au Neuhof sont rassemblés devant le centre administratif de la Ville de Strasbourg, mardi 21 novembre. Lali fait partie des 150 sans-abris, qui ont vécu depuis avril 2023 dans ces immeubles, propriété du bailleur social Habitation Moderne, lui-même détenu par la Ville de Strasbourg. Suite à l’évacuation d’une partie du squat Sarlat le 20 octobre, entre 20 et 30 personnes seulement dorment encore sur place.

Selon un mail envoyé par Lucette Tisserand, présidente d’Habitation Moderne, à des associations de solidarité, l’expulsion du reste du squat par la préfecture du Bas-Rhin est prévue mercredi 22 novembre. Floriane Varieras, adjointe à la maire de Strasbourg en charge de la solidarité, confirme que l’État a réquisitionné un gymnase de la Ville pour la journée.

Lali est une mère de famille qui vit dans le squat Sarlat depuis avril 2023.Photo : Fantasio Guipont / Rue89 Strasbourg / cc

La trêve hivernale empêchant les expulsions de logements a pourtant commencé le 1er novembre. Mais depuis l’entrée en vigueur de la loi Elan de 2018, cette mesure ne concerne plus les occupants des squats, mais seulement les locataires. Et Habitation Moderne a choisi d’exploiter cette possibilité, malgré le risque que des familles se retrouvent à la rue alors que les températures baissent. Contactée, Lucette Tisserand n’a pas répondu à Rue89 Strasbourg concernant le timing de cette expulsion.

Des solutions souvent précaires

Comme à chaque évacuation d’un squat ou d’un campement de sans-abris à Strasbourg, les occupants devraient être orientés vers un gymnase, où leurs situations administratives seront étudiées par les services de l’État en charge de l’immigration et du droit d’asile. En fonction, les anciens occupants du squat seront redirigés soit vers un hébergement, soit vers un dispositif visant à les inciter à retourner dans leur pays d’origine, voire un centre de rétention administrative.

Mardi matin, les manifestants ont distribué des tracts aux agents de la Ville et de l’Eurométropole ainsi qu’aux personnes qui se rendaient aux guichets, dans lesquels ils dénoncent que « ces mêmes familles ont auparavant été dans d’autres squats (comme celui situé rue de Bourgogne à la Meinau), se sont vues proposer des solutions d’hébergement précaires et non pérennes (gymnase, nuitées à l’hôtel), et ont vécu des nuits à la rue ».

Les militants ont distribué des tracts devant le centre administrative de la Ville de Strasbourg.Photo : Fantasio Guipont / Rue89 Strasbourg

Ils déplorent un « manque de coordination et de soutien de la Ville pour construire avec les habitants et les associations, des solutions adaptées à tous ». « On a rencontré les occupants du squat Sarlat quatre ou cinq fois depuis avril et on leur a constamment dit que ce bâtiment allait être évacué », rétorque Floriane Varieras :

« Il doit être démoli dans le cadre de la rénovation urbaine du quartier du Neuhof, qui est un programme social très important. Nous avons des moyens et un budget limités, qui ne nous permettent pas de faire plus. C’est à l’État de prendre en charge l’hébergement des personnes sans-abri, et malgré ça, nous avons créé 600 places. »

L’État a effectivement, d’après la loi, l’obligation de proposer une solution d’hébergement aux personnes qui le demandent, quelles que soit leur situation administrative.

« J’espère que mon fils pourra rester dans son école »

Ekaterina est venue d’Ukraine à Strasbourg, après l’invasion de son pays par la Russie. Elle bénéficie du statut de réfugié mais n’a aucune solution d’hébergement. Elle va essayer de se rendre dans le gymnase pour tenter de bénéficier d’un logement. « Je ne sais pas où je me retrouverai, dit-elle. J’espère juste que mon fils pourra rester dans son école. Il est déjà très stressé, je n’aimerais pas qu’ils soit obligé de changer de camarades ».

Ekaterina ne sait pas si elle pourra obtenir un logement permettant à son fils de rester dans la même école. Photo : Fantasio Guipont / Rue89 Strasbourg

De son côté, Lali pense quitter le squat Sarlat avant l’arrivée de la police. Son fils est aussi scolarisé mais elle a reçu une Obligation de quitter le territoire français (OQTF). La France considère son pays d’origine, la Géorgie, comme étant sûr, malgré de nombreuses atteintes aux droits humains répertoriées par Amnesty international. Avec une vingtaine d’habitants du squat Sarlat, elle a tenté d’occuper un autre bâtiment vide à Illkirch-Graffenstaden, au 25 rue du Général-Libermann. « On voulait investir l’immeuble pour le mettre en état », affirme Lali.

Une surenchère contre les squats

Mais, selon des témoignages recueillis mardi matin, le bâtiment a été évacué par la police dès lundi 20 novembre, sans décision de justice, comme le permet la loi Kasbarian du 27 juillet 2023 : les propriétaires peuvent porter plainte et demander directement au préfet l’expulsion de leurs biens désormais. « Ça va devenir quasiment impossible de créer des squats pour les sans-abris, je ne sais pas comment les gens vont faire », dénonce Gabriel, militant pour les droits des migrants.

Contacté par Rue89 Strasbourg, Jean-Baptiste Eyraud, porte-parole de l’association Droit au logement (DAL), s’inquiète des conséquences de cette loi : « Nous demandons son abrogation, c’est une vraie surenchère contre les squats. Nous sollicitons la réquisition des appartements vides. Il y a 3,1 millions de logements vacants en France. »

Lali assure que les occupants du squat Sarlat sont prêts à « réparer et nettoyer n’importe quel bâtiment » qui leur serait mis à disposition, plutôt que de retourner vivre dans la rue.


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