Le service juridique de la préfecture du Bas-Rhin est-il déjà en vacances ? À moins que le représentant de l’État au niveau départemental n’ait pas réellement souhaité traquer les migrants à l’aide de drone ? Lundi 16 juin, ces questions restent ouvertes après la décision du tribunal administratif de Strasbourg. Ce dernier a suspendu en urgence un arrêté préfectoral autorisant l’utilisation de « caméras embarquées à bord d’aéronefs », comme décrit par le langage désuet de l’administration préfectorale.
La juge des référés a rendu son ordonnance après avoir été saisie par le Syndicat des avocats de France (SAF), le Syndicat de la magistrature, l’Association de défense des libertés constitutionnelles (Adelico) ainsi qu’un avocat bas-rhinois. Elle a estimé que le recours au drone portait une atteinte disproportionnée au respect de la vie privée, à la liberté personnelle, à la protection des données personnelles et à la liberté d’aller et venir.
Plus de voitures = plus de migrants
Cette décision fait suite aux réponses extrêmement floues de la préfecture invitée à préciser un arrêté préfectoral douteux. Pour rappel, ce dernier mettait en avant un objectif de lutte contre l’immigration clandestine tout en autorisant des drones dans deux secteurs non frontaliers, ceux de Saverne et de Molsheim. L’avocat du SAF, d’Adelico et du Syndicat de la Magistrature Me David Poinsignon avait aussi déploré l’imprécision du périmètre géographique concerné. Mais au cours de l’audience tenue au tribunal administratif, « le préfet n’a apporté aucune précision sur la limite exacte de la zone de surveillance » ainsi que l’indique l’ordonnance.
La préfecture n’a pas fourni précisions supplémentaires sur ses motivations. L’ordonnance du tribunal administratif déplore le manque de preuve concernant une supposée hausse des flux migratoires dans la zone concernée. L’argument préfectoral présenté en amont de l’audience se résume en effet à « plus de voitures = plus de migrants », comme l’écrit la juge des référés :
« Pour justifier de la hausse du nombre de franchissements illégaux de la frontière par des migrants, le préfet du Bas-Rhin invoque tout d’abord un article de presse faisant état de la hausse constante depuis plusieurs années et dans les cinq années à venir du nombre de véhicules empruntant « certains axes routiers » dans le département du Bas-Rhin. Cependant cette donnée très générale qui ne concerne ni directement les flux migratoires, ni uniquement les quatre axes routiers concernés par l’autorisation, ne saurait suffire à justifier le recours au dispositif en litige. »
D’autres arguments – sur la crise budgétaire et le manque de fonctionnaires de police – n’ont pas permis d’emporter l’adhésion de la juge des référés. Les drones équipés d’une mystérieuse « technologie 3D » sont donc désormais interdits d’utilisation dans le ciel alsacien du mercredi 12 au jeudi 26 juin. La préfecture peut faire appel de cette décision devant le Conseil d’État.
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