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Tribune : Pour une politique ambitieuse de réduction des déchets à Strasbourg

À l’occasion de la journée « zéro déchet » samedi 2 avril sur le campus de l’Université de Strasbourg, le nouveau collectif « Zéro Waste Strasbourg » fait part de ses propositions pour réduire les déchets et transformer « Strasbourg, reine des incinérateurs en panne » en « Strasbourg, capitale Zéro Déchet en Europe ». Une question d’autant plus prioritaire à Strasbourg que le mauvais état de l’incinérateur génère de nombreux surcoûts.

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Tribune : Pour une politique ambitieuse de réduction des déchets à Strasbourg

Refuser (ce dont nous n’avons pas besoin), réduire (ce dont nous avons besoin), réutiliser (réemploi, seconde main, partage, consigne), recycler et composter, revendiquer (faire la promotion du mode de vie Zéro Déchet). Les 5R sont les maîtres-mots pour sortir d’une société du gaspillage et du tout-jetable. En résumé, le meilleur déchet est celui qui n’existe pas !

Des villes, comme Milan, ont réduit drastiquement l’incinération des déchets avec une réelle politique incitative par exemple avec la collecte des déchets verts en porte-à-porte. À terme, ces efforts produisent une baisse non-négligeable du coût de la gestion des déchets.

Nous avons, certes, une responsabilité citoyenne dans la production des déchets, mais cette question doit aussi trouver un écho politique. Nous pensons que des compromis peuvent être trouvés pour améliorer la qualité de l’air de l’Eurométropole, tout en ayant une politique de réduction des déchets, qui aurait des impacts positifs sur l’environnement et l’emploi.

Régler le problème de l’incinérateur

La question de l’incinérateur de Strasbourg est complexe. Amianté, il ne fonctionne qu’en partie, ce qui oblige l’Eurométropole à détourner des déchets vers d’autres sites en Europe. En 2014, lors des arrêts de l’usine (grèves, incidents, amiante) 96 796 tonnes de déchets devant être incinérés ont été détournées vers d’autres incinérateurs ou décharges (sur un total annuel de 228 328 tonnes de déchets).

Le coût de ces détournements a été estimé à 100 000 euros par jour. Les coûts de réparation, et désamiantage, sont estimés à 75 millions d’euros. Les solutions à trouver pour l’incinérateur strasbourgeois sont une opportunité de construire une Eurométropole, leader du Zéro Déchet. Aucune hypothèse, y compris celle de la suppression pure et simple de l’incinérateur ne doit être écartée.

A Neudorf, Céline gère day by day, magasin qui propose des produits en vrac. Il a ouvert (photo Facebook)
A Neudorf, Céline Vélu gère Day by day, magasin qui propose des produits en vrac. Il a ouvert le 15 mars (photo Facebook)

La situation actuelle ne sera pas résolue dans l’immédiat. Chaque tonne de déchet coûte cher à la collectivité. C’est pourquoi il faut se mettre au zéro déchet maintenant et ne pas attendre le choix qui sera fait sur la question de l’incinérateur, qui est un gouffre financier pour l’Eurométropole et ses habitants. Il faudra encore ajouter les indemnisations de perte d’exploitation de Sénerval, prévues par la délégation de service public.

Dans le dernier rapport annuel sur la gestion des déchets sur Strasbourg on constate que 73% du budget de traitement des déchets est utilisé pour la mise en décharge et le contrat d’incinération alors que seulement 3 % du budget est utilisé pour le traitement des déchets verts (page 35). Ce ratio doit absolument être rééquilibré et réduit au profit d’un développement des frais de collecte à la source. afin d’avoir une gestion orientée vers le tri et la réutilisation.

Un coût pour la santé

A ces coûts financiers, viennent se greffer ceux sur la santé des habitants. Près d’un tiers des déchets destinés à l’incinération se retrouvent en sortie des fours d’incinérateurs sous la forme de mâchefers. Ces résidus constitués de la partie incombustible des déchets incinérés concentrent ainsi de nombreux polluants issus de la combustion. Les fumées que génère la combustion contiennent quand à elles une grande quantité de substances toxiques.

Elles font l’objet d’une filtration et d’un traitement à l’aide de produits chimiques pour diminuer la quantité de polluants émis dans l’atmosphère. Cette phase de traitement des fumées génère des déchets dangereux – environ 30 kg par tonne de déchets incinérée -, que l’on appelle REFIOM (Résidus d’Epuration des FUmées d’Incinération d’Ordures Ménagères) et qui doivent être envoyées en installation de traitement des déchets dangereux.

Au port de Strasbourg, Action Man veille sur les déchets (photo Yves Ouattara / Flickr / cc°
Au port de Strasbourg, Action Man veille sur les déchets (photo Yves Ouattara / Flickr / cc°

Une fois traitées, les fumées relâchées dans l’atmosphère contiennent encore près de 2000 molécules différentes dont une vingtaine seulement sont réglementées. À moyen et long termes, l’exposition à certaines de ces molécules dangereuses, comme les dioxines ou les métaux lourds, comporte des dangers pour la santé humaine : dégradation du système immunitaire, nerveux et endocrinien, troubles de la reproduction, maladies respiratoires,… Enfin l’incinération émet une grande quantité de CO2 qui contribue au réchauffement climatique, l’équivalent chaque année de 2,3 millions de voitures en fonctionnement. Nous avons d’ailleurs relevé que Robert Hermann a admis au dernier conseil de l’Eurométropole que la qualité de l’air s’était améliorée suite à la fermeture de l’incinérateur de Senerval (point 32 à la 29è minute).

S’inspirer d’autres villes européennes

Le collectif à également pour but d’être force de proposition nous travaillons actuellement sur un plan alternatif zéro déchet sur lequel les élus pourront s’appuyer, nous nous faisons actuellement appuyer patr la structure nationale de Zero Waste composée de spécialistes des déchets et de juristes. Une démarche similaire d’alternative à l’incinérateur d’Ivry appelé plan B’OM, où des habitants et des associations ont proposé un plan chiffré à 200 millions d’euros pour éviter un projet à 2 milliards d’euros.

Des exemples concrets de villes telles que Trévise et Capannori (Italie), Seattle (USA) ou Argentona (Espagne), montrent que la démarche Zero Waste n’est pas une utopie d’écologiste. Engagés et visionnaires, les dirigeants politiques de ces villes ont vu des opportunités là où d’autres voient des problèmes, et au travers d’un engagement transparent vis-à-vis de la population, ils ont fait de leur réussite, celle d’une communauté toute entière.

Phase de séparation mécanique entre revues, journaux, corps creux et corps plats
Phase de séparation mécanique entre revues, journaux, corps creux et corps plats au centre de tri Altem de Strasbourg (photo Coralie Favre / Rue89 Strasbourg / cc)

A Capannori, la mise en place d’un laboratoire d’analyse des déchets a conduit les habitants à prendre conscience de leurs habitudes de consommation et à les rendre plus vertueuses. Entre 2004 et 2013, la quantité totale de déchets produits par personne y a chuté de 39%. De façon encore plus frappante, la quantité de déchets non-triés est passée de 340 kg par habitant en 2006 à 146 kg en 2011, soit une diminution de 57%.

A Argentona, une approche graduelle a permis de très bons résultats : mise en place d’un ramassage en porte-à-porte des déchets organiques, augmentation du taux de recyclage, taxe incitative (payer selon sa propre production de déchets). Autre bénéfice collatéral : le système de collecte en porte-à-porte a stimulé l’emploi local. Ces exemples sont inspirants et concernent des villes de toutes tailles : Trévise compte environ 887 700 habitants, pour 483 194 dans l’Eurométropole. Cela montre parfaitement que la démarche Zero Waste est tout à fait applicable dans notre agglomération.

À Besançon, un quart de déchets en moins sans surcoût

Un dernier exemple plus proche pour réduire fortement le tonnage a destination de l’incinérateur (ordures ménagères résiduelles) : l’agglomération de Besançon a baissé de 28% ses déchets sans hausse des coûts en s’appuyant sur la redevance incitative. Une partie de la redevance-déchet est en fonction de ce que les personnes produisent comme déchets destinés à l’incinération, ce qui implique le citoyen dans le contenu de ses poubelles. Même une redevance incitative avec une faible part variable lance une dynamique forte de tri. ( ) page 4 pour la stabilité des prix page 19 pour la baisse de 28%

La situation actuelle ne sera pas résolue dans l’immédiat. Une démarche zéro déchet engendre une augmentation des coûts de collecte mais elle réduit dans de plus grandes proportions les coûts de traitement et permet de faire des économies grâce à la prévention. Les coûts peuvent être importants les premières années (nouveaux circuits de collecte, coût de fonctionnement pour des actions de prévention…), mais la démarche permet une maîtrise des coûts sur le long terme.

C’est également une politique qui crée des emplois non-délocalisables et en partie accessibles à l’insertion. En effet, pour traiter 100 000 tonnes par an de déchets, cela nécessite 10 équivalents temps plein (ETP) en décharge – 29 ETP en incinérateur et 66 ETP en centre de tri, ainsi que plusieurs centaines dans le secteur de la réparation et du réemploi.

Citoyens modifiant ses habitudes de consommation, et élus en faveur d’une gestion ambitieuse des déchets : nous pouvons transformer notre territoire en nouveau pionnier du « Zero déchets » !

Simon Baumert
Carole Bridault
Marie Fabre
Zero Waste Strasbourg


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