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Affaire Naomi : la conséquence d’une « maltraitance institutionnelle »

Médecin urgentiste et élu à la Ville et à l’Eurométropole de Strasbourg, Syamak Agha Babaei réagit à l’affaire Naomi, cette jeune strasbourgeoise décédée suite à une prise en charge tardive par le Samu. S’il juge « en rien acceptable » l’attitude des deux opératrices, il estime que les souffrances des patientes et patients sont aussi « un miroir » de celles des soignants, conséquence du manque de moyens dans les hôpitaux publics.

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Affaire Naomi : la conséquence d’une « maltraitance institutionnelle »

En lisant les derniers jours les réactions au sujet du décès de la jeune Naomi, j’ai décidé d’écrire ces lignes. D’abord, on ne peut ressentir qu’une peine profonde pour la famille de Naomi. Ensuite que les propos entendus sur les bandes son, y compris hors contexte, ne sont en rien acceptables et s’opposent à l’attitude éthique des soignantes et des soignants.

L’enquête devra éclaircir les conditions exactes de ce drame.

Trois fois plus d’appels

Si rien dans les propos tenus n’est excusable, il faut comprendre pourquoi une telle situation a pu se produire. Donner plus de moyens médicaux à la régulation des centres 15 est une première piste.

Il faut également souligner le travail formidable fait par les équipes du Samu 67 tous les jours. Elles et ils sauvent ou contribuent à sauver des vies. Et ce dans une pression tous les jours croissante. Les appels au Centre 15 ont été multipliés par trois ces 20 dernières années, et les recours aux urgences ne cessent d’augmenter pour atteindre 20 millions par an sans que les moyens suivent.

Syamak Agha Babaei a pas mal d’idées pour Strasbourg à l’avenir mais veut en parler avec les habitants (Photo Pierre France / Rue89 Strasbourg)

Maltraitance des soignants et des patients

Au Samu et aux urgences de Strasbourg, nous avons connu un hiver rude, ou centre d’appel et les services d’urgences ont été « submergés ». Les personnels ont à plusieurs reprises alerté sur la situation intenable et les risques pour les soins de qualité.

Un « No bed challenge » a même fait le classement des services d’urgences où les patients passaient la nuit voire plus dans les couloirs en attente d’un service d’hospitalisation. Ces attentes interminables et les services engorgés amène parfois à des situations éthiquement discutables. Presqu’un jour sur deux un patient meurt en fin de vie dans nos services, alors que nous ne sommes ni un service de soins palliatifs ni toutes et tous formé.e.s. Parfois ces situations dégénèrent en violence verbale ou physique et l’intégrité des soignant.e.s peut être en jeu.

Je l’ai souvent dit : la maltraitance des soignants se conjugue avec la maltraitance des patients et c’est une maltraitance institutionnelle qu’aucun pouvoir politique n’a combattu.

Tout en menant notre de travail de soin, il faut rester bienveillant, communiquer de manière apaisée, même en cas de violence,  savoir accompagner une fin de vie, mais aussi répondre aux appels incessants, accepter toutes les patientes et tous les patients relevant du service et libérer des brancards pour les nouvelles admissions. Parfois, au lieu de soigner, nous devenons des managers de flux.

 

« Le problème ne vient pas des patients »

Le décès de Naomi dans les circonstances décrites nous amènent, soignantes et soignants, à nous interroger sur notre pratique quotidienne et sur les souffrances de nos patientes et patients en miroir des nôtres.

De ce drame nous devons retenir l’absolue nécessité d’un travail éthique au sein de nos hôpitaux, d’améliorer les conditions de travail des soignant.e.s et permettre un véritable accueil de qualité.

Cela ne se fera pas à moyens constants ou dans une logique d’économies telle que nous le vivons aujourd’hui.

Enfin il faudra en finir avec un impensé des pouvoirs publics : le problème ne vient pas des patient.e.s qui engorgent les urgences. Le problème vient de l’absence de moyens humains et de lits d’accueil.


#Hôpitaux universitaires de Strasbourg

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