Enquêtes et actualité à Strasbourg et Eurométropole

« La démocratie locale doit sortir d’une logique de rapport de force et de contrôle »

L’ancienne adjointe à la démocratie locale Chantal Cutajar critique dans une tribune les propositions de l’opposition et appelle à un changement de posture des élus et élues pour la réussite de la vie politique participative.

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« La démocratie locale doit sortir d’une logique de rapport de force et de contrôle »

La tribune publiée dans Rue89 Strasbourg par Nicolas Matt et Pierre Jakubowicz, conseillers municipaux minoritaires se veut comme une contribution nouvelle à l’organisation et au fonctionnement de la démocratie locale. 

Que proposent-ils ? 

La proposition essentielle porte sur la transformation du Comité d’éthique du Pacte pour la démocratie locale, « en un organe totalement impartial et indépendant, présidé par le Déontologue et composé de citoyens et personnalités indépendantes, choisies par les membres des Conseils de quartier et les membres du Conseil de la participation citoyenne ». Ce comité, devenu commun à la Ville et à l’Eurométropole « pourrait revêtir les fonctions d’une commission indépendante du débat public » et « assurer un contrôle sur la composition du Conseil de Développement. »

Absence de vision

Ces propositions dénotent une absence totale de vision et ne permettront ni d’améliorer ni d’approfondir la démocratie à Strasbourg pour les raisons suivantes : 

  1. Les conseillers reprochent au comité d’éthique sa composition tripartite pointant le fait qu’y siègent « l’exécutif municipal et la direction générale de l’administration, juges et parties. » 

Ce faisant ils méconnaissent le principe même qui a donné naissance au Pacte pour la démocratie à Strasbourg adopté à l’unanimité du Conseil municipal le 16 avril 2018 et qui réside dans la recherche d’un consensus entre les trois parties prenantes que sont les élus, y compris minoritaires, les agents de la collectivités et les citoyens. 

Dès son préambule le pacte énonce en effet, qu’il « garantit le dialogue entre élus, agents et citoyens » qu’il érige en « principe fondamental de la démocratie locale qui seul permet d’aboutir à la prise de décision commune. Ce dialogue repose sur la reconnaissance, la bienveillance et l’écoute réciproques ainsi que sur la reconnaissance de valeurs communes. »

Ancienne adjointe en charge de la démocratie locale et candidate aux élections municipales, Chantal Cutajar donne sa vision des réformes à mener.Photo : JFG / Rue89 Strasbourg

Ce qu’est le Pacte pour la démocratie

Cette organisation tripartite garante de la transparence des débats et du respect du bien commun caractérise l’organisation et le fonctionnement du Conseil de la participation citoyenne, issu du Pacte et s’applique à toutes ses composantes, comité de suivi de la mise en œuvre du Pacte, budget participatif, et bien évidemment le Comité d’éthique. 

Il s’agit bien d’une manière nouvelle et inédite de concevoir le débat démocratique avec comme volonté commune de trouver des réponses conformes au bien commun à partir d’un état des lieux et d’une vision partagée par l’ensemble des parties prenantes.

L’opposé d’une logique de contrôle

Il est clair que la proposition des Conseillers municipaux s’inscrit à l’opposé de cette vision, dans une démarche de défiance qui ne peut déboucher que sur une logique de contrôle telle qu’elle est préconisée et qui n’est conforme ni à la lettre ni à l’esprit du Pacte pour la démocratie à Strasbourg. 

  1. La proposition ignore complètement le principe d’ouverture du Conseil de la participation citoyenne et le fait que les conseils de quartier sont évidemment des instances qui ne se situent pas en dehors mais bien au sein du conseil de la participation citoyenne. 
  1. La proposition consistant à doter le comité d’éthique d’une compétence eurométropolitaine alors que le Pacte pour la démocratie n’a, pour l’heure été adopté que par la Ville de Strasbourg témoigne là encore d’une absence totale de vision de la démocratie. L’instance citoyenne eurométropolitaine est le conseil de développement. On ne voit pas sur quel fondement le comité d’éthique du Pacte pour la démocratie à Strasbourg pourrait contrôler sa composition. 

Changer de logiciel

Si l’on peut se féliciter de ce que la démocratie est bien au premier plan des préoccupations des élus majoritaires et minoritaires, la surenchère ne contribue pas à la qualité du débat démocratique et ne peut qu’induire nos concitoyens en erreur. S’ils veulent réellement approfondir la démocratie, les élus doivent changer de logiciel et passer d’une logique de rapport de force et de contrôle à une logique de co-construction fondée sur une vision partagée du bien commun.

Ils doivent tout comme les citoyens d’ailleurs, s’engager sur le chemin d’une éthique de la responsabilité qui repose, comme le mentionne le pacte « sur la prise de conscience de notre capacité à réfléchir et à agir, du poids de nos paroles et des conséquences de nos actes, ainsi que des limites de notre liberté individuelle ».  

Telle est la demande de nos concitoyens ici, à Strasbourg mais également au-delà et qui a été exprimée notamment par celles et ceux qui ont participé à la convention citoyenne pour le climat. 

Les choix politiques difficiles qui s’annoncent imposeront à très court terme d’adopter cette logique et de sortir des schémas dépassés qui ne peuvent que conforter le désintérêt de nos concitoyens pour la chose publique. Cela implique un engagement à la fois personnel et collectif pour l’intérêt général et le bien commun. N’est-ce pas en somme la finalité de tout engagement politique ? Il est temps de passer des paroles aux actes.   

Chantal Cutajar


#Chantal Cutajar

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