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À l’UGC, une avant-première d’ « Au pied d’ma tour » la websérie made in Hautepierre en quête de professionnalisme

Mercredi 29 septembre, les trois premiers épisodes de la websérie « Au pied d’ma tour » seront diffusés au cinéma UGC à Strasbourg. La série raconte la vie du quartier de Hautepierre à travers le parcours de trois rappeurs en devenir. Elle est écrite et réalisée par des jeunes strasbourgeois du quartier, accompagnés par des structures comme la Jeune Equipe d’Éducation Populaire (JEEP), la Maison des Adolescents, Kapta ou Horizome. Pour tourner les épisodes suivants, le projet cherche des financements culturels et ne plus dépendre d’un fond contre la délinquance.

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À l’UGC, une avant-première d’ « Au pied d’ma tour » la websérie made in Hautepierre en quête de professionnalisme

Après trois ans d’écriture, de tournage, de montage et d’apprentissage, la première partie de la websérie Au Pied d’Ma Tour est finalisée. Cette production proposée par trois jeunes du quartier de Hautepierre, Dylan Hunzinger, Ameur Brieg et Mikaïl Baba, rejoints ensuite par Abdou N’diaye (dont Rue89 Strasbourg vous avait parlé en 2019), raconte les parcours de rappeurs pour montrer la vie du quartier. Après deux diffusions officielles, à l’Odyssée lors du festival des quartiers, puis à la fête des 50 ans de Hautepierre, c’est cette fois-ci à l’UGC que la fiction est projetée, ce mercredi 29 septembre à 18h30. Ces épisodes, d’une durée de 9 à 14 minutes, ne sont pas encore disponibles en ligne sur une plateforme de streaming.

Entre drame, action et suspense, la websérie tourne autour de trois jeunes artistes de la « maille » Eleonore du quartier strasbourgeois de Hautepierre. Repérés par un producteur, deux hommes et une femme vont connaître des trajectoires différentes pour tenter de réaliser leur rêve : percer dans le rap. « Utiliser ce style musical nous tenait à cœur », explique Mikail Baba, un des jeunes réalisateurs de la websérie. « Le rap est vraiment né dans les quartiers. Aujourd’hui, c’est la musique la plus écoutée dans le monde entier. C’est un message d’espoir. D’où que l’on vienne, on peut finir par faire des grandes choses. »

La websérie Au Pied d’Ma Tour raconte l’histoire de trois artistes de Hautepierre qui cherchent à percer dans le rap. Ici le rappeur de Hautepierre Ridfauve joue le rôle… d’un rappeur de Hautepierre. Photo : doc remis

Le rap pour parler de Hautepierre

L’influence du rap infuse au delà du scénario dans le projet Au Pied D’Ma Tour. Les acteurs principaux sont des artistes strasbourgeois dans la vraie vie, tandis qu’une bande son locale a été choisie et parfois même produite sur mesure pour la série. « On essayé de faire une série le plus possible issue de Hautepierre » explique Mikail. « Ce n’est pas pour le côté fierté, c’est juste que ces personnes représentent le mieux le quartier puisqu’elles y ont vécu. » Les rappeurs Moxxx, Ridfauve, Junior, ou encore la chanteuse Serena jouent dans la série qui a fédéré des talents strasbourgeois intergénérationnels parfois en dehors du quartier de Hautepierre. Le rappeur Kadaz par exemple, un pilier de la scène strasbourgeoise depuis les années 90, a lui aussi produit une musique spécialement pour la websérie.

Si le rap est très présent dans la production, Mikail réfute une étiquette de « projet rap » et estime que leur websérie s’en détache :

« L’une des premières choses que l’on voulait mettre en avant, c’était de montrer la diversité de la vie d’un quartier comme Hautepierre. Même si on fait une série où le rap est très représenté, cette culture ne résume pas le quartier. Ce n’est pas soit tu finis dealer, soit tu finis rappeur. Pour moi, les productions audiovisuelles retranscrivent encore mal les quartiers. Il y a trop cette image de brutes, de barbares, de gars de quartier super violents, alors que non pas du tout ! On n’a pas tous la vie de Tony Montana ! »

La websérie Au Pied d’Ma Tour mélange drame, action et suspense selon ses réalisateurs. Photo : doc remis

Un objectif de 7 à 8 épisodes

Avant la série, Mikail et ses amis Dylan et Ameur réalisaient déjà de petites productions audiovisuelles amateures comme de courtes vidéos à l’Iphone, des clips musicaux ou des montages photos pour des flyers. Ce projet leur a permis d’entamer un réelle professionnalisation. « On est vraiment passés de spectateurs passionnés à vidéastes semi-professionnels. On est dans le bain, on peut le dire je pense. Plus qu’une série, c’était une formation. J’arrive à réaliser mes clips et court-métrages tout seul maintenant. »

L’accompagnement, notamment par le réalisateur Vincent Viac et la structure audiovisuelle Kapta, leur a permis de voir et de participer à l’ensemble des procédés de la création audiovisuelle, de l’écriture de scénario jusqu’à la diffusion et la communication, en passant par le tournage et le montage.

« La première année, on n’avait pas un budget énorme » relate Vincent Viac. « C’était beaucoup de travail de transmission autant sur le cadrage, que l’utilisation de la caméra ou les valeurs de plans… la mise en forme du scénario finalement. » Ce long processus débuté fin 2018 est encore en cours, puisque la série ambitionne de produire 7 ou 8 épisodes au total. « Quand on voit des vidéos, on s’imagine que c’est facile, mais elles représentent des centaines d’heures de travail », s’exclame Mikail. « L’organisation d’un projet devient vite catastrophique quand on ne connaît pas ce milieu. »

Ce projet, soutenu par des associations locales a pu initier des jeunes aux métiers de l’audiovisuel. Photo : doc remis

Passer d’un financement contre la délinquance à des subventions culturelles

La question du financement interroge les accompagnateurs, comme l’admet Waila Cury, une éducatrice spécialisée en prévention spécialisée de l’association Jeune Équipe d’Éducation Populaire (JEEP) aux côtés du projet depuis son origine :

« Ce genre de projet est un tremplin pour les jeunes et montre qu’il est possible d’y arriver. Mais le nerf de la guerre, c’est l’argent. Actuellement, la JEEP porte un budget dans le cadre du Fond interministériel de prévention de la délinquance (FIPD). On essaie de pousser pour que le projet Au Pied D’Ma Tour soit fléché vers un budget culturel ou audiovisuel et qu’il puisse sortir de ce carcan qui est celui de la prévention de la délinquance, du quartier, du QPV etc… Surtout au vu des compétences acquises par les jeunes et la maturité du projet. »

Trois jeunes de la maille Eléonore du quartier strasbourgeois de Hautepierre sont à l’origine du projet. Plusieurs dizaines de personnes du quartier ont également travaillé bénévolement ou non sur la websérie. Photo : doc remis

Pour elle, l’engouement qu’ont suscité ces tournages est la preuve que « la créativité bouillonne » dans des quartiers tels Hautepierre :

« Nos structures tentent de faire ressortir ces idées, mais souvent les projets et les acteurs sont cantonnés à un secteur géographique et social : c’est « les jeunes du quartier », comme s’ils n’avaient pas la possibilité de s’ouvrir complètement et de bénéficier des autres réseaux comme ceux de la culture, du grand public… »

Ce fond FIPD, issu de la préfecture et de la Mission interministérielle de lutte contre les drogues et les conduites addictives (MILDECA), a permis de lancer l’écriture du scénario, des ateliers d’initiation et de perfectionnement pour les jeunes, ainsi que le tournage et le montage des trois premiers épisodes à hauteur de 30 000€ sur trois ans.

En 2020, la Direction régionale des affaires culturelles (Drac) a rajouté une enveloppe de 5 000 euros pour subventionner des pratiques amateures, selon Vincent Viac. Le réalisateur remet ces chiffres en perspective : « Pour une production normale dans le milieu, un épisode nous coûterait environ 26 000 € ». L’équipe d’ Au Pied d’Ma Tour cherche désormais une boîte de production pour porter des demandes de financement au Centre National du Cinéma (CNC) ainsi qu’à la Région et à l’Eurométropole, pour continuer la réalisation des autres épisodes.


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