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L’Université de Strasbourg prête pour mettre en œuvre le tri des étudiants

Plusieurs départements d’universités françaises se sont opposés au projet de réforme de l’orientation post-bac. A Strasbourg, on l’applique avec assiduité. Plusieurs syndicats, d’enseignants au lycée ou à l’université, dénoncent une sélection déguisée des futurs bacheliers.

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L’Université de Strasbourg prête pour mettre en œuvre le tri des étudiants

« Sélection déguisée » ou « meilleure orientation des bacheliers »? Face à la réforme de l’orientation des lycéens, l’Université de Strasbourg opte pour la seconde réponse. Depuis le 22 janvier, les futurs bacheliers doivent renseigner dix vœux sur la plateforme Parcoursup. Ce nouveau dispositif remplace Admission Post Bac (APB), notamment critiqué pour le tirage au sort utilisé dans les filières en tension. Mais la nouvelle procédure suscite aussi la controverse.

Une nouveauté introduite par le projet de loi : la possibilité pour les universités de répondre « Oui si » au candidat. Le bachelier pourra être amené à faire une année préparatoire, un semestre de remise à niveau ou des modules de renforcement pédagogique.  (CC / Quentin Verwaerde / Flickr)

Les contours imprécis des « attendus »

Le projet de loi relatif à l’orientation et à la réussite des étudiants crispe autour de la notion des « attendus », terme plus consensuel que les « pré-requis ». Pour chaque filière d’étude, plusieurs compétences sont attendues chez le candidat. Une liste au niveau national est disponible depuis la mi-décembre. On peut y trouver : « savoir mobiliser des compétences en matière d’expression écrite et orale » ou « pouvoir travailler de façon autonome ».

Difficile d’évaluer si, oui ou non, l’élève répond à ces critères. Xavier Schneider, président de la Fédération des Conseils de Parents d’élèves du Bas-Rhin, craint que ce flou n’affecte l’orientation des lycéens :

« Nous sommes dans le flou le plus total par rapport aux attendus. Dans les lycées, les conseillers d’orientation en savent encore moins que nous, qui critiquons la réforme. Si les professeurs principaux ne connaissent pas bien la filière qui intéresse un élève, il risque d’être mal orienté… »

Jean-Louis Hamm, co-secrétaire académique du Syndicat National des Enseignements de Second degré (SNES-FSU), témoigne du même manque d’information :

« Notre responsable de l’orientation académique reçoit les questions des parents d’élèves sur ces attendus. Pour l’instant, il ne sait pas du tout comment les conseiller. »

« L’enseignement supérieur va être réservée à une élite »

Les universités sont aussi chargées de produire des attendus spécifiques à leurs filières. Mais la critique du projet de loi a gagné certains établissements. À Lille, Paris ou à Perpignan, plusieurs départements universitaires refusent de produire les « attendus locaux » permettant de classer les candidatures.

À Strasbourg, ce sont pour l’instant des syndicats qui contestent l’application de la loi Orientation et réussite des étudiants. Selon Pascal Maillard, secrétaire académique du Syndicat national de l’enseignement supérieur (SNESUP-FSU), les attendus ne visent pas seulement à mieux orienter les lycéens :

« Ces attendus sont des critères d’évaluation pour pouvoir définir qui sont les meilleurs candidats. Prenons une composante qui a des capacités d’accueil de 300 étudiants. Il y a 600 demandes. Les 300 étudiants qui ne peuvent pas être acceptés seront sur liste d’attente et finiront par aller dans les universités les moins cotées. La sélection à venir va ainsi affecter la fonction d’ascenseur social de l’université. L’enseignement supérieur va être réservé à une élite. L’université va s’enfermer sur elle-même et elle ne permettra plus de participer à notre pacte républicain : la démocratisation de l’enseignement supérieur. »

« Aucun bachelier ne sera refusé sur la base des attendus »

Le vice-président de l’Université de Strasbourg et chargé de la formation, Benoît Tock, rejette l’idée que la sélection guette les futurs bacheliers. L’objectif est tout autre selon lui :

« Le véritable enjeu, c’est de diminuer le taux d’échec en première année de Licence, autour de 60% au niveau national [un chiffre contesté, ndlr] comme au sein de l’Université de Strasbourg. Le gouvernement a décidé de ne plus utiliser le terme de « pré-requis » car les attendus n’ont rien d’obligatoires pour les candidats. Aucun bachelier ou étudiant en réorientation ne sera refusé sur la base de ces attendus. »

Les étudiants dont les critères ne répondent pas aux attendus seront néanmoins dirigés vers des cours de remises à niveau. Les critiques du projet de réforme portent aussi sur les moyens de sa mise en oeuvre. Les syndicats d’enseignants demandent la création de postes supplémentaires pour étudier les dossiers des élèves. Là encore, le vice-président Benoît Tock se dit confiant :

« Le ministère de l’Enseignement supérieur a annoncé des moyens supplémentaires, qui figurent au budget 2018. Nous n’avons pas encore reçu de notifications concernant les moyens supplémentaires qui seront accordés à notre université mais je n’ai aucun doute sur la distribution de cette somme pour appliquer la réforme. »

Seule l’Assemblée Nationale a voté le projet de loi du gouvernement en première lecture. Le Sénat n’a pas encore donné son approbation à ce texte qui sera débattu le 7 et 8 février. Le chargé de la formation de l’Université de Strasbourg justifie aussi la vitesse à laquelle la réforme est mise en place :

« Le rythme de la réforme est très soutenu. D’un autre côté, le peu d’expérience que j’ai en gestion de projets me laisse penser que des projets de cette ampleur sont condamnés à s’enliser s’ils ne sont pas mis en oeuvre rapidement. »

Une contestation encore embryonnaire

Pascal Maillard le concède : son point de vue reste minoritaire au sein de l’Université de Strasbourg. Selon lui, de nombreux professeurs seraient favorables à une forme de sélection des futurs étudiants. Des enseignants espèrent que les conditions de travail seront améliorées grâce à une réduction du nombre d’élèves par classe.

Le 16 janvier, plusieurs organismes, dont la FCPE 67, Solidaires Etudiant.es et la CGT Educ’Action, ont appelé à « refuser la logique de la sélection en mettant des avis positifs sur tous les vœux des lycéens ». A l’échelle nationale, le SNESUP-FSU appelle à la grève le 1er février.

 

 


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