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Vélhop, un service critiqué mais qui remplit sa mission… de communication

« Et hop, le vélo ! » C’est avec ce slogan un peu… léger que le maire Roland Ries avait lancé en catimini le service Vélhop, système de vélos en libre service à la sauce strasbourgeoise, à la rentrée 2010. Deux ans plus tard, les objectifs que la collectivité s’était fixés sont à peu près atteints, même si des critiques continuent à fuser. Mardi, Strasbourg accueillera le premier colloque français du vélo partagé.

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Vélhop, un service critiqué mais qui remplit sa mission… de communication

Le Vélhop a été lancé en septembre 2010 à Strasbourg (Photo Matthieu Mondoloni)

« Une opération de communication de plus », juge sévèrement l’opposition municipale… Une façon d’asseoir le leadership de Strasbourg comme capitale française du vélo, espèrent les organisateurs strasbourgeois du premier colloque national du vélo partagé. Il se déroule demain mardi à la Cité de la musique et de la danse, place de L’Etoile (programme ci-dessous) et s’est donné pour ambition d’évaluer les systèmes de vélo en libre service (VLS) mis en place dans 35 villes en France en moins de 10 ans. L’occasion pour Rue89 Strasbourg de faire le point sur la déclinaison strasbourgeoise du VLS, le Vélhop.

Le Vélhop, huit fois moins cher que le Vélib

Quelques chiffres d’abord. D’après Alain Jund, « Monsieur vélo » à Strasbourg, par ailleurs vice-président du Club des villes et territoires cyclables, un Vélhop coûte chaque année entre 350 et 530€ à la collectivité, soit en moyenne 1,3 million d’euros par an pour 4400 vélos achetés, dont 2500 utilisés actuellement. Dans ce coût, sont intégrés l’achat et l’entretien de la bicyclette, mais aussi la logistique et le personnel nécessaires à sa location. Pour le vice-président de la communauté urbaine de Strasbourg en charge de l’urbanisme et du vélo, ce prix est « relativement modeste » comparé aux 2500 à 4000€ engloutis chaque année par un Vélib’ parisien ou un Vélo’v lyonnais. Ce différentiel de coût est dû à deux décisions prises à Strasbourg :

  • d’abord, de ne pas accoler le système de VLS à la publicité dans l’espace public. Ce choix parisien, lyonnais, mulhousien, etc., entraine une perte de recettes publicitaires pour la collectivité et suppose un accord avec l’une des deux entreprises présentes sur ce marché, JCDecaux ou Clear Channel, « qui sont tous sauf philanthropiques ». Ces sociétés ne supporteraient que 10% du coût du service, peut-on lire dans un récent article du Monde ; 10% étant payés par les usagers et 80% reposeraient au final sur les épaules des collectivités. A Strasbourg, la gestion du Vélhop fait quant à elle l’objet du délégation de service public depuis février 2012. C’est Strasbourg Mobilités, une émanation de la Compagnie des transports strasbourgeois (CTS), de la société Transdev (Véolia) et de l’association Vélo-Emploi, qui a remporté le marché pour 10 ans.
  • ensuite, ce coût s’explique par le fonctionnement du service lui-même : contrairement au Vélib’ et à ses avatars, le Vélhop doit être ramené à l’endroit où il a été pris, ce qui évite les transferts de vélos des stations pleines aux stations vides et le ballets des camionnettes. Mais prive le Vélhop de l’attrait principal des systèmes Decaux & co.

Si l’élu en charge du vélo se félicite de ce coût jugé faible, la conseillère municipale Fabienne Keller (UMP), n’est pas de cet avis. Pour elle, le vrai chiffre se situerait plutôt aux alentours de 800€/an/vélo, car il faudrait ajouter selon elle à la note l’entretien des « racks » où ranger les Vélhop. « Alors qu’un « bon vélo privé » ne coûte que 200 ou 300€. » Pour l’ancienne maire de Strasbourg, l’initiative colmarienne de financer à hauteur de 100€ un achat de vélo « propriétaire » serait une piste plus intéressante pour booster la pratique cycliste quotidienne des Strasbourgeois. La sénatrice critique également l’insuffisance globale de la politique vélo à Strasbourg et notamment l’absence de création de nouveaux parkings sécurisés pour les cycles.

Les entreprises, une cible encore à atteindre

Second chiffre : la fréquentation. Neuf cent mille journées de location auraient été enregistrées en deux ans. Un peu moins que l’objectif fixé à la CUS, qui était d’un million. La demande de location étudiante a quadruplé en un an, passant de 30 l’année dernière à 30 « par jour ! » toute la semaine passée, en raison de la présence du bus Vélhop sur le campus et de la baisse des tarifs à l’année. La demande touristique a également bien progressé, passant de 1054 locations en août 2011 à 2088 en août 2012.

Selon Alain Jund, seule la cible « entreprises » reste à conquérir. « C’est ce qui prend le plus de temps », confie-t-il. Une opération de sensibilisation et de démarchage sera lancée à l’automne, assure-t-il, à l’Espace européen de l’entreprise ou au Parc d’innovation à Illkirch-Graffenstaden.

Et effectivement, beaucoup reste à faire en direction des travailleurs, qui souvent ne vivent pas à Strasbourg même. Cyrille D., commercial de 27 ans, effectue de nombreux trajets en voiture en ville. Le Vélhop, il l’a pris pour la première fois pour se rendre… à la fourrière, « difficile d’accès », où sa voiture avait été emmenée. Et puis il a décidé d’en louer un à l’année :

« Il est bien, costaud et tout, mais super lourd. Je ne m’en sers pas beaucoup. D’ailleurs, c’est un collègue qui a les clés en ce moment. J’ai un vélo chez moi, mais c’est vrai que quand je suis en ville, je préfère « rouler strasbourgeois », j’aime le côté « marque » du Vélhop. Il est vert, il se voit… Peut-être qu’à la fin de mon année d’abonnement (80€), je m’acheterai un vélo d’occasion… ou pas. »

Un autre cycliste très occasionnel, qui vit dans un village à l’extérieur de la CUS et travaille à Strasbourg, remarque quant à lui :

« Une fois en ville, dans la journée, je me déplace surtout à pied ou en tram, qui me coûte 4€ le ticket de 24 heures, contre 5€ pour le Vélhop sur la même durée. Je n’ai loué un Vélhop que deux fois, quand je dormais en ville chez ma copine, mais que je sortais tard dans un autre quartier de Strasbourg. Les trams s’arrêtant après une heure du matin, le vélo est une bonne alternative à la voiture dans ces cas-là… Mais c’est vrai que je n’ai pas le réflexe vélo, surtout quand il pleut ou qu’il fait froid. »

L’effet « Vélhop » sur la part du vélo dans les déplacements encore inconnu

Alors, le VLS augmente-t-il tant que cela la pratique globale du vélo en ville ? Aucun chiffre ne vient le confirmer, puisque la dernière enquête sur les déplacements des ménages dans le Bas-Rhin remonte à 2009. Elle était déjà très positive pour les partisans du cycle puisque 14% des déplacements étaient effectués à vélo à Strasbourg, 8% sur la CUS. Une part modale du vélo bien meilleure que dans le reste de la France… mais moins bonne que dans des villes comme Fribourg (Allemagne) ou Copenhague (Danemark), où cette part monte à 30%.

Mais pour le Monsieur vélo de Strasbourg, un des enjeux est gagné :

« Le vélo en libre service, c’est aussi une façon de redonner une légitimité au vélo en ville, en tout cas dans des villes où il était absent depuis des années ou réservé à ceux qui ne pouvaient pas se payer de voiture. Aujourd’hui, il permet aux gens de tester le vélo en ville une journée, un mois, un an. L’objectif étant qu’ils acquièrent à terme leur propre vélo. »

D’autres axes de travail sont explorés pour augmenter cette part, et notamment la création d’un « réseau express vélo » (le REV), un réseau d’autoroutes à vélos au-delà des frontières de l’agglomération, la création de 1300 nouveaux arceaux par an dans la CUS ou celle de nouveaux tronçons de pistes cyclables, 563 kilomètres à ce jour. Au rayon Vélhop, d’ici 8 ans, 10 boutiques et 43 stations automatiques devraient mailler le territoire de la CUS. Les prochaines ouvertures : une boutique et une station à proximité de la mairie de Schiltigheim, une autre station à Ostwald et une troisième à l’auberge de jeunesse du Port du Rhin.

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