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En Alsace centrale, l’environnement passe toujours après le développement économique

L’Alsace centrale a beau être un réservoir de terres parmi les plus fertiles d’Europe, une étude confirme que 35 projets de développements économiques pourraient voir le jour dans les prochaines années, dont certains menacent des zones protégées.

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En Alsace centrale, l’environnement passe toujours après le développement économique

Le 19 mai 2022, l’Adira a restitué son premier rapport attendu sur le développement de l’Alsace centrale lors d’une réunion à huis clos. Cette étude a été lancée en octobre 2020, suite à l’annonce de la volonté du groupe Mack de s’implanter dans ce territoire, avec le projet Europa Vallée. Rue89 Strasbourg s’est procuré ce document (voir notre article, édition abonnés). La synthèse de l’étude est attendue pour la fin de l’année 2022

Lors de cette réunion à laquelle ont assisté les principaux élus locaux et des chambres consulaires, 35 projets pour développer ce territoire ont été présentés pour le développement économique de l’Alsace centrale, dont certains sont vivement critiqués pour leur caractère écocide, alors que les terres agricoles de cette zone sont parmi les plus fertiles d’Europe. 

Entre 1990 et 2018, rien qu'en Alsace centrale, 1 000 hectares de surfaces agricoles ont disparu, soit l'équivalent de 1 428 terrains de foot. Prudente, l'étude évite de chiffrer le nombre d'hectares qui seront artificialisés pour ces projets économiques, sauf pour deux d'entre eux. EcoRhéna, une nouvelle zone industrielle à Fessenheim doit s'étendre sur 80 hectares tandis qu'Europa Vallée, un parc d'activités voulu par la famille Mack, propriétaire d'Europa Park, a besoin de 50 à 150 hectares. Certaines zones et espèces protégées sont également menacées par ces développements, notamment à Munchhouse et à Fessenheim.

L'agence de développement économique d'Alsace, l'Adira, ne mentionne que rapidement l'existence "d'espaces naturels à protéger". Cependant, dans les 35 projets mentionnés, il est question de nouveaux axes routiers et ferroviaires et de développement touristique et économique (voir la carte ci-dessus).

Des projets déjà contestés

Ainsi en octobre 2020, les habitants de Munchhouse ont appris la volonté de la société Kaligaz de construire une unité de méthanisation. Le procédé promet de transformer des déchets animaliers en énergie, mais il produit de grandes quantités de digestat, un polluant pour l'air et l'eau (voir notre article explicatif sur la méthanisation). Ce digestat doit ensuite être répandu sur les cultures. À Munchhouse, le risque de polluer la nappe phréatique est important parce que le sol est très perméable à cet endroit.

Autre exemple : la zone de Fessenheim. Suite à la fermeture de la centrale nucléaire, deux propositions sont avancées pour rendre à cette zone son attractivité économique. L'étude évoque un nouveau parc industriel, appelé EcoRhéna, qui s'étendrait sur environ 80 hectares de terres agricoles et de zones protégées. Dans un rapport rendu en juillet 2021, la Mission régionale d'autorité environnementale (MRAe) pointait plusieurs problèmes environnementaux liés à ce projet, dont la destruction de l'habitat de 84 espèces animales et végétales ainsi que l'artificialisation de zones humides et, à nouveau, le risque de pollution des eaux.

Les plaines du centre Alsace comptent parmi les zones les plus fertiles d'Europe Photo : JFG / Rue89 Strasbourg

Parallèlement, l'idée d'implanter un technocentre de retraitement de déchets faiblement radioactifs est évoquée sur la commune de Fessenheim. Démanteler la centrale nucléaire nécessite de stocker des éléments radioactifs sur site. Le but de ce technocentre est donc de recycler l'acier faiblement radioactif pour pouvoir le réutiliser. En septembre 2021, Alsace Nature, jusqu'alors intégrée dans le comité de pilotage du projet de territoire de Fessenheim, a décidé de le quitter afin "de ne pas servir de caution à ce projet", selon l'association environnementaliste.

L'importance de limiter l'impact écologique

Alsace Nature fait pourtant partie des acteurs mobilisés par l'Adira lors de cette phase de diagnostic. L'association se montre prudente quant au diagnostic pour l'Alsace centrale avancé par cette étude, comme l'explique son directeur, Stéphane Giraud :

"On verra bien ce que ça donne. On ne veut pas tout jeter. Être présent sur le développement économique, c'est avoir l'occasion d'échanger les points de vue, de débattre. Je note quand même une progression en ce qui concerne l'écologie. Ainsi, il a été évoqué de loger les touristes chez l'habitant et non dans des hôtels avec spas."

Pascal Lacombe, membre du Chaudron des alternatives, un collectif d'associations écologistes alsaciennes, est plus véhément. Il voit surtout dans ce document une "étude de faisabilité" en faveur du projet Europa Vallée (voir notre article). Le militant critique ce rapport qui, selon lui, ne "prend en considération l'environnement et le bien-être des habitants" qu'après avoir ménagé les intérêts économiques.

Les collectivités officiellement encore distantes

Monique Jung, directrice de l'Adira, réfute ce qualificatif d'étude de faisabilité :

"C'est une étude très préliminaire, qui vise à donner une vision globale des différents projets en cours. Ces projets sont à des stades d'avancement très variés, qui vont de l'idée à des dossiers plus travaillés. En outre, cette liste n'est pas exhaustive."

Contactée par Rue89 Strasbourg, la Collectivité d'Alsace renvoie vers l'Adira tandis que la Région Grand Est n'a répondu que par son service de communication, lequel répond prudemment que "ces projets dans le centre Alsace ne sont pas encore suffisamment avancés" et qu'il "semble prématuré de répondre avec précision pour le moment."


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