
Au cours des mois de juillet et août 2022, sept incendies ont été rapportés à la Dreal Grand-Est dans des installations classées de la région, dont cinq en Alsace. Une situation parfois aggravée par la canicule qui touche surtout les centres de tri de déchets, mais aussi d’autres installations industrielles, dangereuses et peu soumises aux contrôles.
Les mois de juillet et août ont été marqués par des vagues de chaleur les plus longues jamais enregistrées selon l’association Météo suivi Alsace. En plus de causer des dégâts pour la santé humaine, les ressources en eau et les récoltes, les fortes chaleurs peuvent aussi provoquer ou aggraver les accidents industriels. En Alsace, cinq installations classées pour l’environnement (ICPE) ont pris feu en juillet et en août 2022.
Les installations classées pour l’environnement sont des bâtiments qui, du fait de leur activité industrielle, artisanale ou commerciale, peuvent causer des dommages en terme de sécurité et de protection de l’environnement. Trois de ces incendies ont été provoqués par les chaleurs, deux sont encore en cours d’investigation pour en déterminer les causes. Selon un article du Barpi (le Bureau d’analyse des risques et pollutions industrielles), les incidents et accidents liés aux fortes chaleurs sur ces sites dangereux en France ont été multipliés par huit entre 2010 et 2019, passant de sept événements en 2010, à 56 en 2019.

Les centres de traitement des déchets, particulièrement touchés par les incendies
Le premier en date a eu lieu le 18 juillet dans les locaux de l’entreprise Sardi, un centre de tri de déchets situé rue de Rohrschollen au sud du port de Strasbourg. Le feu aurait pris après la surchauffe mécanique d’un broyeur, directement liée aux chaleurs records du mois de juillet, selon un agent de la Dreal. Deux autres centres de tri et de stockage de déchets ont pris feu, le 28 juillet à Wintzenbach et 1er août à Châtenois. Là encore, les fortes chaleurs seraient en cause.
Les incendies dans les installations industrielles françaises touchent statistiquement plus le secteur du traitement de déchets, selon l’inventaire des accidents et incidents technologiques dressé par le Barpi pour 2021. Ces phénomènes ont plusieurs causes, selon le fonctionnaire de la Dreal :
« Cela peut venir de la fermentation de produits dans les centres de stockage de ces déchets. Il y a aussi les déchets interdits dans les poubelles, comme des téléphones portables avec des batteries en lithium. Dans ce cas, c’est un effet loupe avec le soleil qui peut provoquer une étincelle. »

Une scierie et un fabriquant de pièces aéronautiques en flammes
Dans la ville de Mothern, près de la frontière allemande, un feu s’est déclaré dans la scierie de l’entreprise Gerhard le 1er août à 7h50. Le feu a détruit l’intégralité des quatre bâtiments de 15 000 m2 du site, 40 000 m² d’aires de stockage de bois, des machines et des véhicules, ainsi que trois à cinq hectares de forêt. Seule la scierie a été épargnée. Six des 230 pompiers mobilisés ont été légèrement blessés au cours de l’extinction de cet incendie qui a duré dix heures. L’exploitant a déclaré ne pas stocker de substances chimiques dans son enceinte, lors d’une visite de la police de l’environnement le jour de l’incendie.
Une seconde visite de l’inspection des installations classées le 4 août a tout de même mis en évidence un stockage des bois résiduels « non conforme ». Le préfet a mis en demeure la scierie de remédier à ce problème dans un arrêté publié le 6 septembre. Contacté par Rue89 Strasbourg, l’exploitant n’a pas souhaité répondre à nos questions, considérant que l’enquête est encore en cours.

Un événement similaire s’est produit trois jours plus tard à Molsheim, où un bâtiment d’un site de production de matériel aéronautique de l’entreprise Safran a pris feu. Celui-ci contenait des produits chimiques, comme de l’acide chromique, utilisé pour recouvrir le matériel de chrome, et de l’acide cyanhydrique, extrêmement toxique. Le préfet a mis en demeure l’industriel de procéder à des investigations sur cet accident, et sur les pollutions de l’air et de l’eau.
Contactée par Rue89 Strasbourg, l’entreprise ne souhaite pas donner plus d’éléments et indique ne pas avoir finalisé ses investigations. La préfecture a refusé que la Dreal communique les éléments sur les causes et les conséquences de ces incendies à Rue89 Strasbourg.
Des contrôles déficitaires
Si le rapport du Barpi place les fortes chaleurs comme la cause première de ces événements, il souligne aussi d’autres causes, comme l’absence ou l’insuffisance des contrôles sur ces sites, des choix d’équipements et de procédés inadaptés, ainsi qu’une mauvaise identification des risques en amont.
Paul Poulain, consultant dans le domaine des risques et impacts industriels, souligne des problèmes plus profonds que le changement climatique :
« Le climat n’est qu’un risque supplémentaire. On ne maîtrise pas tout, mais il y a aussi un manque d’investissements qui est décuplé par le vieillissement des sites industriels, pas forcément maintenus comme ils devraient l’être. Le nombre de contrôles est très faible, avec seulement 1 600 inspecteurs des installations classées, pour 500 000 installations. »
Ce problème structurel de contrôle des installations classées est aussi mis en lumière par un rapport de la commission des finances du 7 octobre 2021, qui rappelle que les effectifs au sein du ministère de la Transition écologique, dont dépendent les Dreal, ont baissé de 13,5% entre 2017 et 2022. Le rapport estime qu’il manque 700 emplois en France pour l’inspections des installations classées.
Voici mon témoignage personnel après l'explosion de Lubrizol à Rouen.
Eksassaute (1)
Je suis arrivé à Rouen le 26 septembre (2019).
Didier Durmarque , professeur de philosophie au Lycée Corneille, m’avait invité, pour toute la matinée du 28, à intervenir dans ses classes de Terminale sur la « Modernité de la Shoah ».
Au petit matin du 27 septembre, l’explosion d’une partie de l’usine Lubrizol (2) , classée « Sevezo Haut » (3), a annulé ce projet.
Un pesant nuage noir s’est posé sur la ville comme un ruban figé et menaçant, comme si cette masse compacte observait le comportement des hommes fixés au sol de manière reptilienne, tel un énorme cobra se tortillant langoureusement prêt à fondre sur nous.
Comme si, tout d’un coup, toute activité était devenue absurde du fait de l’irruption dans nos vies de matières potentiellement toxiques, insaisissables, envahissantes et obsédantes.
Peu de passants dans les rues. Pas d’affolement mais une atmosphère solennelle et un silence religieux.
Comme si chacun accomplissait un rituel bien orchestré.
Les écoles étant fermées , nous sommes cloitrés au domicile de mon ami, situé au Centre Ville et la question du confinement se pose immédiatement.
Mon ami me conseille de rester à son domicile jusqu’au feu vert absolu donné par les autorités préfectorales.
Aucune indication sur la dangerosité.
Informations en boucles stériles et ronronnantes à la télé.
Pompiers aux premières loges, sans masque au début, comme si la fonction et l’uniforme immunisaient.
Je pense à Tchernobyl et Fukusima.
Je décide de braver le nuage et de prendre le premier train pour Lisieux, où j’arrive avec un jour d’avance.
Pour ne pas risquer d’être bloqué un temps indéfini à Rouen.
J’arrive en gare de Lisieux qui semble désaffectée et en travaux comme si elle avait été dévastée par l’usure du temps.
Nous sommes au pied de la Basilique.
Je chantonne Eksassaute de MC Solaar (1).
Et je pense à mes amis confinés à Rouen et aux enfants qui s’amusent de ne pas être à l’école mais qui doivent rester à la maison.
Et une des questions qui va se poser rapidement va être celle « du droit au retrait » pour mon ami enseignant , dès le lundi suivant.
Et celle cruciale de quitter la ville pour s’en éloigner le plus possible.
Je pense à l’ouragan Katarina qui s’est abattu sur la Louisiane le 29 août 2005.
« La première leçon à retenir, c’est qu’un cataclysme s’acharne de préférence sur ceux qui n’ont rien, ou pas grand chose. En témoignent les images, diffusées en boucle à l’époque, de ces milliers de survivants qui, faute de posséder une voiture, et donc incapables d’évacuer la ville par leurs propres moyens, s’entassent au stade du Superdome et au Convention Center dans des conditions épouvantables. « La loi martiale était proclamée, à tous les carrefours il y avait des policiers et des militaires qui pointaient leurs armes sur nous, mais personne pour nous aider.(…). Un de mes jeunes voisins s’est introduit dans un magasin abandonné pour se procurer des vêtements secs et il a été abattu, comme un chien. On n’a jamais su combien les forces de l’ordre avaient fait de victimes ». ( 4)
14 ans plus tard, à Rouen, « cette atmosphère anxiogène a déjà fait fuir « les gens qui le pouvaient ». Ceux « des beaux quartiers » rouennais, dotés d’un capital financier et d’un « niveau d’information assez élevé » pour quitter la ville. »( 5)
« La tempête du siècle a créé l’occasion du siècle », a-t-on pu dire à La Nouvelle Orléans après Katrina, pour se débarrasser d’environ 100 000 habitants parmi les plus pauvres qui ne sont jamais revenus.
C’est ce type de constat qui me désole qui confirme l’inégalité des chances même face aux catastrophes naturelles ou industrielles.
Selon que tu seras puissant ou miséreux.
Georges Yoram Federmann
7 octobre 19
( 1)https://www.youtube.com/watch?v=ish8vVuNJ60
(2) https://newscenter.lubrizol.com/news-releases/news-release-details/fire-lubrizol-rouen-france-site
(3) https://fr.wikipedia.org/wiki/Directive_Seveso
L’ Alsace compterait 37 sites « Sevezo Haut »
https://france3-regions.francetvinfo.fr/grand-est/37-sites-seveso-alsace-classes-seuil-haut-site-lubrizol-rouen-1728387.html
( 4) Olivier Cyran, Comment tuer une ville, Le Monde Diplomatique , Décembre 2018, page 12.
( 5) Anaïs Moran, On me dit que mes résultats d’analyses sont inaccessibles , Libération, 2 octobre 2019
Son titre : TOUT PEUT EXPLOSER
Son auteur : PAUL POULAIN
L'éditeur : FAYARD
Sa date de sortie : Septembre 2021
Pages 80 et 81, il y est question d'une certaine CAC, située à OTTMARSHEIM, dans le Haut-Rhin et dont le maire, par ailleurs vice président de la communauté d'agglomération M2A, jure la main sur le coeur que ses ouailles, comme celles des environs n'ont rien à craindre, il n'arrivera jamais rien... Ben voyons !!
"Puis Jean-Michel Habig détaille les changements opérés par la Coopérative depuis deux ans :
« La Dreal nous a demandé d’agrandir les trappes de désenfumage au-dessus de chaque case d’engrais, on était légèrement en dessous de la norme des 1% du volume de la case, on est maintenant à 2%. L’autre problème, c’était les bastaings en bois pour fermer les cases (grandes poutres en bois mises les unes sur les autres de façon horizontale devant les cases d’engrais, ndlr). On nous a demandé de mettre de l’acier inoxydable, on l’a fait. On est dans l’amélioration continue ! »
Jean-Michel Habig, président de la CAC d’Ottmarsheim.