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L’Astus favorable au tram avenue des Vosges pour améliorer le cadre de vie à la Neustadt

L’Association des usagers des transports urbains de l’agglomération strasbourgeoise (Astus) soutient le tracé du tram nord par l’avenue des Vosges. L’association estime que ce choix permettra de réduire la pollution dans le secteur, mais que la Ville de Strasbourg n’a pas suffisamment communiqué sur les alternatives proposées aux riverains.

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L’Astus favorable au tram avenue des Vosges pour améliorer le cadre de vie à la Neustadt

Le tram nord cristallise de fortes contestations, notamment parce qu’il doit passer sur une partie de l’avenue des Vosges. Les élus de l’opposition municipale prédisent la fuite des commerçants et des professionnels médicaux de cet axe, de peur que les clients et les patients ne puissent plus se garer.

Mais pour l’Association des usagers des transports urbains de l’agglomération strasbourgeoise (Astus), ce tracé est plutôt un bon choix. Son président, François Giordani, y voit un aménagement « dans la continuité de ce qui se fait depuis 30 ans à Strasbourg ». Selon lui, le tram par l’avenue des Vosges répondra non seulement à un besoin de la population mais il permettra également de réduire l’utilisation de la voiture en ville, une condition nécessaire pour lutter contre la pollution de l’air.

Rue89 Strasbourg : En quoi la réalisation du tram nord est-elle nécessaire selon vous ?

François Giordani : C’est la principale ligne de tram qui doit encore être construite dans l’Eurométropole de Strasbourg pour que tous les secteurs soient desservis. Après cela, il n’y aura plus que des extensions à réaliser dans les périphéries. Le nord de l’agglomération représente un grand bassin de population. Le potentiel est de 40 à 45 000 usagers quotidiens de cette ligne d’après les données de la Ville. À Schiltigheim, Hœnheim et Bischheim, il y a un public qui a particulièrement besoin d’un transport en commun pour aller en ville ou à la gare. Dans la cité des Écrivains, à Schiltigheim, 40% des personnes n’ont pas de voiture.

« Dans la Grande Île, les commerçants ne demandent pas qu’on fasse revenir les voitures. »

François Giordani

Pensez-vous que l’itinéraire passant par l’avenue des Vosges est adapté ?

Il nous convient parfaitement, car il s’agit d’une réduction de la place de la voiture, au bénéfice des transports en commun. On construit des lignes de tram sur des axes routiers depuis 1989 à Strasbourg, surtout dans l’ellipse insulaire. Mais il n’y a pas que l’hypercentre, il faut aussi améliorer le cadre de vie autour, en diminuant la circulation et la pollution, notamment dans la Neustadt. Le tram nord et ses aménagements connexes vont dans ce sens. La place de Haguenau est l’un des endroits les plus pollués de Strasbourg : le projet améliorera considérablement la situation, avec en plus l’agrandissement du parc et la création de zones piétonnes.

L’opposition et le collectif Neustadt Apaisée estime que ce tracé impliquera des embouteillages et des problèmes d’accès à certaines zones du centre-ville. Qu’en pensez vous ?

Quand des grands axes du centre-ville, comme la rue du Vieux-Marché-aux-Vins, ont été fermés à la circulation automobile, on nous disait la même chose. Mais aujourd’hui, dans la Grande Île, les commerçants ne demandent pas qu’on fasse revenir les voitures ! L’exemple le plus récent est celui du quai des Bateliers, où les opposants annonçaient aussi que sa piétonisation allait créer un report catastrophique de la circulation automobile dans les petites rues environnantes. Ce n’est pas du tout ce qu’il s’est passé. Finalement, les gens utilisent des alternatives comme les parking relais, les transports en commun, le vélo ou la rocade M35. C’est l’effet recherché.

« Il faut aussi inciter les gens à prendre les transports en commun. »

François Giordani

Pour le cas de l’avenue des Vosges, il est faux de dire qu’il n’y aura pas de solution alternative pour les automobilistes. Des plans de circulation ont été établis et ils sont accessibles au public. L’accès en voiture au quartier des XV et des Contades se fera par le boulevard Clémenceau. La place de Bordeaux sera connectée à l’autoroute grâce à un nouveau carrefour près de la déchèterie du Wacken. La zone du tribunal sera toujours accessible via la rue du Faubourg-de-Pierre. Les personnes qui veulent aller à la gare pourront y aller directement en passant par de nouvelles bretelles de la M35.

Comment expliquer les oppositions à ce tracé alors ?

Les gens qui ont l’habitude de se garer devant chez eux avenue des Vosges devront s’adapter, c’est sûr. Il y aura un parking en silo au niveau de l’ancienne Maison du bâtiment, rue Jacques-Kablé. Il faut assumer la volonté de changer les pratiques et c’est une bonne chose que la municipalité prenne cette direction.

C’est un autre secteur, mais nous avons réalisé des comptages le matin sur le pont des Trois-Épis à Schiltigheim. Il y avait 90% d’autosolistes (personnes seules en voiture, NDLR) en direction de l’Espace européen de l’entreprise. Pourtant, ils pourraient prendre le bus G, à haut niveau de service (BHNS, NDLR), qui va dans la même direction. Cela illustre bien qu’il faut aussi inciter les gens à prendre les transports en commun. Ils peuvent s’y retrouver avec le prix de l’essence : les abonnements CTS peuvent être remboursés à 50% par l’employeur.

L’opposition municipale a plébiscité un tracé alternatif passant par les quais Jacques-Sturm, Finkmatt et Kléber, avant de tourner aux Halles vers la rue du Travail, et la place de Haguenau. Est-ce également une bonne solution pour l’Astus ?

L’emprise des quais n’est pas assez grande pour insérer le tram et surtout, il y a un risque d’effondrement. La solution de l’avenue des Vosges nous paraît meilleure puisqu’elle permet d’installer des pistes cyclables, des trottoirs, des terrasses, des arbres, les places pour les livraisons des commerces et les rails du tram. En outre, le bénéfice sur le cadre de vie dans toute la Neustadt sera plus important avec le tracé par l’avenue des Vosges.

L’avenue des Vosges pourra à la fois accueillir des pistes cyclables et le tram, séparées par des arbres.Photo : Modélisation / Alfred Peter

Avez-vous tout de même des critiques à émettre concernant ce projet de tram nord ?

Sur le tracé et les aménagements, nous sommes d’accord avec la Ville et l’Eurométropole. Mais il aurait fallu davantage communiquer avec les personnes qui devront modifier leur quotidien. L’idéal pour nous, serait de créer une Maison du tram, où les riverains et les commerçants peuvent poser leurs questions sur les solutions qu’elles auront, avec un contact humain, une fois que les rails seront posés. L’opposition vient en grande partie d’un manque d’informations.

« Dire que les personnes à mobilité réduite ou aveugles sont plus en difficulté quand on enlève les voitures, c’est faux. Souvent, elles ne peuvent pas conduire de toutes façons. »

François Giordani

Dans le même ordre d’idée, on pourrait imaginer du porte-à-porte chez les habitants concernés, avec des plans pour leur montrer comment accéder et où stationner. Par exemple, les personnes âgées pourront être cherchées devant chez elles grâce à des niches de stationnement temporaire dédiées. Et elles bénéficieront de la proximité des arrêts de tram. Pour les autres, il y aura des solutions de stationnement. Ils devront surement marcher un peu plus, mais est-ce que c’est vraiment grave vu les enjeux ? Il faut expliquer aux habitants de l’avenue des Vosges que diminuer la circulation devant leurs fenêtres, c’est lutter contre de potentiels cancers. On ne peut pas ne rien faire juste parce que certains veulent stationner en bas de chez eux…

Le dernier point négatif, c’est que la municipalité a mal géré le dialogue concernant les coûts (avec un prix de départ annoncé à 140 millions d’euros en mars 2023, les réaménagements liés au tram nord sont passés à 268 millions d’euros en décembre 2023, NDLR). Si dès le début, ils avaient décortiqué les différents investissements, le budget global aurait été mieux accepté. Il aurait fallu tout chiffrer point par point dès le départ.

François Giordani est président de l’Astus depuis 2009.Photo : TV / Rue89 Strasbourg

Les personnes à mobilité réduite, ou celles touchées par d’autres formes de handicap, auront-elles des solutions alternatives ?

Nous travaillons avec des associations de malvoyants (comme C’Cité ou apiDV) et d’autres luttant pour les droits des personnes handicapées physiquement (GIHP). Il est faux de dire que les personnes à mobilité réduite ou aveugles sont plus en difficulté quand on enlève les voitures. Souvent, elles ne peuvent pas conduire de toutes façons. Au contraire, beaucoup se déplacent de manière autonome grâce aux transports en commun et sont plus à l’aise sur les zones piétonnes. Si nécessaire, le service Mobistras (pour les personnes dans l’incapacité de prendre les transports en commun, NDLR) couvrira l’avenue des Vosges.

D’une manière générale, le tram nord est une pièce du puzzle, avec les pistes cyclables, les trains régionaux, les bus, les cars interurbains… Il faut continuer de développer le réseau, la fréquence et l’amplitude de toutes ces alternatives à la voiture, qui offrent des solutions souvent moins chères et plus accessibles aux personnes à mobilité réduite.


#Tram Nord

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