C’est à croire que les douaniers chinois ont scanné chaque bredele aux rayons X. Arrivés le 20 novembre en Chine, les biscuits, chocolats et autres pains d’épices alsaciens n’ont pu atteindre leur chalet que le 18 décembre, soit deux semaines après le début du « marché de Noël de Strasbourg à Pékin ». Toutefois, les visiteurs chinois ne se sont doutés de rien. Et pour cause, presque aucun de la centaine de chalets n’avait prévu de vendre de produits alsaciens !
Des tartes flambées surgelées refusées
Un seul chalet déborde de spécialités alsaciennes. La marque « Le marché de l’Oncle Hansi » y est représentée, regroupant plusieurs dizaines de producteurs alsaciens. Une dynamique Strasbourgeoise, Dahlia Kretz, a accepté la lourde tâche de s’occuper du stand, avec des horaires à la chinoise – de 12h à 22h, sept jours sur sept –, aidée par deux collègues chinois francophones. Difficile de faire un bilan alors que la plupart des produits alsaciens viennent seulement d’arriver, mais une chose est sûre, dit-elle : « Les Chinois sont curieux de découvrir les spécialités alsaciennes. Ils achètent beaucoup de bredele, de pains d’épices et de chocolats aux liqueurs. » Le paquet de bredele est proposé à 39 yuans, soit environ 5,50 euros.
À proximité, on repère aussi le chalet des « confitures de Nicole » (Châtenois), celui d’une boulangerie française de Pékin, un autre avec du vin chaud. Plus loin, les petites figurines de Maj-Lis Naegel (Lingolsheim). Et même un chalet de tartes flambées fraîches, qui remplacent les tartes flambées surgelées envoyées d’Alsace mais… refusées par la douane.
Ainsi, depuis l’ouverture le 5 décembre, l’illusion est parfaite : le Christkindelsmärik chinois propose surtout… des articles européens de toutes sortes, industriels ou artisanaux. Cosmétiques italiens, spécialités espagnoles, avec aussi la participation des chambres de commerce belge et allemande : tout se passe comme si Strasbourg avait voulu promouvoir à la fois son statut de capitale européenne et celui de capitale de Noël !
Les Chinois obtiennent un visa plus vite que les marchandises alsaciennes
Début décembre, dans les rares chalets alsaciens – une demi-douzaine en comptant large –, les responsables ont toutefois réussi à improviser avec une belle déco et en faisant déguster du vin chaud aux visiteurs, en attendant le dédouanement. Une bonne idée, car en Chine, face à l’adversité, l’essentiel est de garder la face ! C’est aussi avec cette méthode de la « critique souriante » que l’adjoint strasbourgeois et président de l’office de tourisme Jean-Jacques Gsell, agacé par les lenteurs douanières, a fait passer le message en des termes diplomatiques lors de l’inauguration :
« Maintenant, les Chinois peuvent obtenir un visa en 48 heures (sous certaines conditions, ndlr), et c’est un grand progrès. Il faut espérer que ce soit bientôt la même chose pour les marchandises ; il y a encore du travail, mais c’est en bonne voie […]. »
Traduction : la France a fait des efforts pour accueillir les touristes chinois, à la Chine maintenant de lever les barrières à l’importation des produits français. Et d’ajouter, non sans malice :
« Et en particulier pour les marchandises en provenance d’Alsace, de Strasbourg ! »
Le bureau de représentation remplacé par un consultant
Longtemps, l’Alsace disposait pourtant d’un bureau de représentation officiel à Pékin pour faciliter les échanges économiques, celui d’Alsace International. Or, ce bureau agréé par les autorités chinoises, atout considérable de leur point de vue, a été fermé en 2012 pour être remplacé par les services d’un consultant.
L’on peut toutefois se réjouir : à ces coulisses peu reluisantes, le visiteur chinois ne prête guère attention, trop habitué à devoir lui-même déjouer les lourdeurs administratives dans sa vie quotidienne. Au contraire, la version pékinoise du marché de Noël de Strasbourg, avec ses petits chalets si typiques et sa majestueuse cathédrale de lumière, de l’avis de tous, dégage quelque chose de féerique.
Installés en extérieur, dans les dédales de ruelles piétonnes du gigantesque centre commercial Solana, dont l’architecture rappelle celui de Roppenheim, les chalets sont incontournables pour toute personne venue faire ses courses. Ils ajoutent une touche alsacienne au décor de Noël de la capitale chinoise, symbolisé depuis plusieurs années par un « festival de lumières » où des milliers d’illuminations éclairent la nuit pékinoise.
À Pékin pendant 5 ans ?
Et les Chinois ne font pas que passer, ils s’arrêtent, et adorent se photographier et déambuler dans ce décor de bois et de lumières qu’ils ont découvert au hasard de leur shopping. Certains achètent même le « passeport » (20 yuans, soit 2,90 euros) à faire tamponner dans les différents stands. Et plusieurs visiteurs (surtout visiteuses) reviennent avec des photographes professionnels pour prendre la pose devant les chalets, à la manière de stars de cinéma !
Si l’on en croit la communication officielle chinoise, le marché de Noël de Strasbourg – 斯特拉斯堡 , « si te la si bao » en alphabet pinyin – sera délocalisé à Pékin pendant cinq années consécutives.
Aller plus loin
Sur Le Figaro.fr : Strasbourg: son marché de Noël à Pékin
Sur Rue89 Strasbourg : tous nos articles sur le marché de Noël
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