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Comment la brasserie La Mercière réveille Cosswiller

Installée depuis septembre à Cosswiller, à 30 km à l’ouest de Strasbourg, la brasserie La Mercière a redonné vie à ce petit village de 500 âmes. Les brasseurs ont ouvert une petite épicerie et l’ancienne salle de bal aux habitants du village, qui sert autant au club tricot que pour des séances de cabaret alsacien.

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Comment la brasserie La Mercière réveille Cosswiller

Quand la brasserie La Mercière a inauguré ses nouveaux locaux à Cosswiller, fin septembre, la fête a fait un peu de bruit dans ce village d’habitude tranquille, adossé contre les Vosges à une trentaine de kilomètres à l’ouest de Strasbourg. Il faut dire que ce week-end de réjouissances, durant lequel 1 200 litres de bières ont été bus, ponctué de concerts et d’animations, a attiré 3 500 personnes dans un village qui en compte… 500. Des clients de la brasserie bien sûr, mais aussi des amis, des fans et des contributeurs de la campagne de financement participatif se sont déplacés, tous heureux de constater l’issue heureuse pour La Mercière après l’incroyable conflit entre le couple de brasseurs, Imène et Franck Julich, et le maire intransigeant de Niederhausbergen, Jean-Luc Herzog, où la brasserie est née (voir tous nos articles).

« Tout le monde nous a accueilli les bras ouverts »

Et parmi les fêtards, il y avait les Cosswillerois bien sûr, 400 invitations ont été décomptées, souvent étonnés de voir ainsi leur petit village reprendre vie. Certains aînés du village en ont profité pour retourner dans l’ancienne salle de bal du village où ils s’étaient rencontrés. Fermée en 1995 tout comme le restaurant « Le Coq Blanc », qui s’était fait une réputation en tartes flambées, la grande salle a été rouverte par la brasserie qui y a installé un bar avec tireuses bien sûr.

Le bar / boutique / salon de La Mercière (doc remis)

Imène Julich détaille la bienveillance qui a accompagné l’installation de la brasserie :

« On était un peu inquiets au début, parce qu’on produit de l’alcool et on pensait que ça pourrait être mal vu dans un petit village. Mais tout le monde nous a accueilli les bras ouverts, à commencer par le maire, Marcel Haegel. Et puis il y a eu les travaux, nous avons vidé les lieux, une ancienne ferme, 360 tonnes de gravats, des allers et retours de camions constants, du bruit… Mais aucune plainte. Au contraire, les gens sont venus nous voir en nous demandant comment ils pouvaient nous aider. C’est ainsi qu’on a pu employer un plombier du village à un tarif d’ami et que le bar a été décoré tout en bois grâce à un artisan du village… Pour l’inauguration, un voisin nous a prêté son champ pour en faire un parking, d’autres se sont proposés comme bénévoles… Sans toutes ces aides, nous n’aurions pas pu nous en sortir je pense. Et cet accueil nous a vraiment fait du bien, après ce que nous avons traversé. »

Une licence III, et vite svp !

Marcel Haegel, le maire réélu triomphalement depuis 1995, détaille pourquoi il s’est impliqué dans cette installation :

« On a travaillé pendant un an avec les brasseurs… et surtout avec l’ancien propriétaire de la ferme, qui semblait ne pas savoir vraiment s’il voulait vendre ou non. Alors oui, on l’a un peu aidé à choisir. Quand ils sont venus me voir avec leur projet, j’ai tout de suite senti que ce serait important pour la vie du village. Ici, il n’y avait plus rien. J’ai fait ce que j’ai pu pour qu’ils obtiennent rapidement une licence III, ce qui permet à tous nos habitants de venir prendre quelques bières sans avoir à reprendre la voiture. C’est très apprécié ! Le gros dossier maintenant, c’est l’habilitation pour recevoir du public, avec l’accès handicapé et aménager un parking. »

La sackgass, une nouvelle bière de La Mercière. La brasserie a profité du déménagement pour repenser toute sa gamme (doc remis)
La sackgass, une nouvelle bière de La Mercière. La brasserie a profité du déménagement pour repenser toute sa gamme (doc remis)

Conformément à leur projet, Imène et Franck Julich ouvrent la brasserie tous les jours, de 9h à 12h et de 14h à 18h30 ainsi que le samedi matin. Seul endroit ouvert du village, il est vite devenu le lieu de vie et de rencontre. Imène Julich a développé une petite épicerie de dépannage : du pain, livré deux fois par semaine, du beurre, des oeufs de la ferme d’à côté, du miel des collines environnantes… Imène poursuit :

« Ça commence à avoir de la gueule. On va peu à peu développer cette activité, avec du lard, des saucisses et du jambon en provenance d’un éleveur de Cosswiller. On se voit comme un point de services de proximité et de convivialité. Tout le village défile ici. C’est exactement ce qu’on voulait faire : on fabrique de la bière mais notre but, c’est de proposer un cadre pour la vie locale, on est content de voir que ça prend forme. »

Le dernier numéro du Coricocoss, média ultra local mais désormais nécessaire pour suivre ce qui se passe à Cosswiller (doc remis)

Une programmation culturelle !

Parallèlement, Imène assure une programmation pour l’ancienne salle de bal : apéros concerts S’Gilt, représentations de pièces de théâtre et de cabaret alsacien, exposition de photos… La brasserie accueille aussi le club « couture et tricot » tous les 2e samedis du mois et une soirée jeux les derniers vendredis du mois. Le week-end, le cadre champêtre permet d’accueillir diverses manifestations : en mars, un marché de Pâques et une chasse aux oeufs, en avril, un débat sur le GCO, en mai, l’arrivée de la course du « hamster classique » et le départ de celle de la Licorne, en juin, un festival paysan pour la Saint-Jean, en juillet un camp scout, en août un festival de théâtre itinérant

La brasserie travaille aussi avec l’Héliodome tout proche, qui propose aussi et depuis longtemps des concerts dans cette maison pensée pour économiser l’énergie. Éric Wasser, le menuisier à l’origine de l’héliodome, témoigne :

« La Mercière, c’est génial ! C’est une chance inouïe pour un petit village comme le nôtre. Vivre à la campagne, c’est vraiment bien, à condition de savoir gérer l’isolement qui peut être pesant parfois. Et avec les brasseurs, c’est exactement à ça qu’ils répondent. C’est un cadeau leur installation. »

Mollo sur les concerts de rock

Toute cette activité secoue évidemment le quotidien des voisins. Lorsqu’en décembre un concert de rock a sensiblement dépassé les décibels habituels du village, quelques voix s’en sont émues auprès du maire. Imène détaille :

« On ne demande rien pour louer la salle… Il suffit que le projet nous plaise… donc c’est très ouvert. On avait invité des groupes pour un concert caritatif, 300 jouets ont été récoltés pour des enfants qui ne sont pas gâtés à Noël mais c’est vrai qu’on a fait un peu de bruit. Je pense que pour les concerts, il faudra attendre un peu pour que la salle soit aux normes acoustiques et de réception du public. »

V90 dans la salle de bal de Cosswiller, forcément, ça déménage (Photo Bartosch Salmanski / doc remis)
V90 dans la salle de bal de Cosswiller, forcément, ça déménage (Photo Bartosch Salmanski / doc remis)

Marcel Haegel confirme :

« C’est vrai que j’ai reçu quelques plaintes. Je n’ai pas eu de mal à savoir ce qui s’était passé pendant ce concert, la moitié de mon conseil municipal y a assisté comme beaucoup d’habitants… Il semble que les groupes les plus bruyants ont été programmés les plus tardivement dans la soirée. Donc, il y a eu quelques crispations mais c’est surtout avec les voisins immédiats. Le plafond de la salle avait été enlevé par l’ancien propriétaire pour en faire un séchoir à tabac. Il ne devrait pas être très compliqué de réaliser des travaux d’acoustique pour atténuer les nuisances sonores. »

De son côté, Franck a débuté l’installation de son unité de brassage de 1 000 litres, ce qui va lui permettre de tripler sa production. Les brasseurs veulent garder une production artisanale mais le nombre de leurs clients progresse et il faut bien refaire les stocks. Presque toute la bière de La Mercière a été bue lors du week-end d’inauguration, mettant en difficulté d’approvisionnement les quelques bars et restaurants qui proposent cette bière artisanale à Strasbourg (Kitsch n’bar, Graffalgar, Le Local, La Boucherie…). La brasserie a embauché son premier employé, à mi-temps.


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