
Pas de surpopulation mais des « conditions d’hébergement indignes » : le centre de détention d’Oermingen en photos
Mercredi 11 mai, le sénateur écologiste Jacques Fernique a effectué une visite surprise du centre de détention d’Oermingen. Les bâtiments, construits en 1938, souffrent d’une importante vétusté qui occasionne des « conditions d’hébergement indignes » selon le contrôleur général des lieux de privation de liberté.
1938. Difficile de ne pas remarquer la date de construction de l’actuel centre de détention d’Oermingen, au Nord de l’Alsace. Ces anciennes casernes militaires portent leur date de naissance taillée sur des façades décrépites. Mercredi 11 mai, vers 15 heures, le sénateur écologiste Jacques Fernique vient utiliser son droit de visite des lieux de privation de liberté. La directrice adjointe de la prison Frédérique Matthys l’accueille et évoque d’emblée « un établissement très vieux et vétuste ».
Lors de sa dernière inspection, en septembre 2019, le contrôleur général des lieux de privation de liberté avait décrit un « établissement qui nécessite surtout qu’un plan d’investissements immobiliers pour la rénovation – voire la restructuration – des bâtiments, proprement indignes à l’hébergement de personnes privées de liberté ».
212 détenus pour 260 places
Le centre d’Oermingen compte 212 détenus pour 260 places. La directrice adjointe de l’établissement évoque une « centaine de surveillants employés, soit un surveillant pour deux détenus ». Des statistiques à faire pâlir d’envie tout employé de la maison d’arrêt de Strasbourg, où vivaient 650 détenus pour 447 places en février 2022. Frédérique Matthys vient justement de quitter la prison strasbourgeoise, où elle travaillait en tant que cheffe de détention. Invitée à comparer les deux établissements pénitenciers, celle qui a débuté en tant que surveillante à la fin des années 90 décrit :
« En maison d’arrêt, il n’y a pas assez de place, on n’a pas le temps de s’occuper des problèmes administratifs, des cartes d’identité ou des titres de séjour des détenus. En centre de détention, tout notre travail, c’est de responsabiliser les détenus pour favoriser leur réinsertion à travers les formations et le travail proposé. »
70% des détenus travaillent
La visite commence par les ateliers du centre de détention d’Oermingen. Ces espaces font la fierté de la direction de l’établissement. Ici, 70% des personnes incarcérées travaillent alors que la moyenne nationale ne dépasse pas les 29%. Au-delà des classiques travaux en cuisine ou à la lingerie, les prisonniers peuvent occuper l’un des 70 postes proposés par cinq « concessionnaires », des entreprises comme Symea, KHK, Brennenstuhl ou l’association Emmaüs. Côté formation, les détenus peuvent bénéficier d’une centaine de places en soudure, en boulangerie, en cuisine, en paysagisme et bientôt dans les métiers du bâtiment.
Chauffage suranné, cellule à deux
En sortant des ateliers, le petit groupe guidé par l’officier Mathieu se dirige vers le bâtiment E. Plus récent que les casernes voisines, il date des années 80. Gilbert (le prénom a été modifié) accueille dans une petite cellule sans rangement. Dentifrices et autres crèmes sont posées sur une lampe au-dessus d’un miroir branlant. La bouilloire tient en équilibre sur les robinets au-dessus d’un lavabo en piteux état. Gilbert n’est pas du genre à se plaindre, il préfère d’abord évoquer « la gamelle qui est très bonne » puis il se réjouit que le chauffage ait été coupé : « Il faisait une chaleur… C’était plus tenable. » Comme l’explique la directrice adjointe, « les radiateurs sont si vieux ici, qu’on ne trouve plus de thermostat pour remplacer les pièces défectueuses. Donc pour éviter que les détenus aient froid, soit le chauffage au fioul tourne à fond, soit il ne tourne pas du tout. Ça nous coûte 500 000 euros par an… »
Puis finalement, Gilbert a quand même quelques reproches à faire à cette prison. Certes, de nouvelles fenêtres ont été installées, « mais les joints ont mal été posés, donc on sent des courants d’air ». Le détenu d’une cinquantaine d’années se plaint aussi des chambres à deux détenus, alors que la loi oblige à ce que les cellules soient individuelles : « Je me suis retrouvé deux fois avec des jeunes personnes bipolaires, qui ont eu des accès de violence. Je ne comprends pas pourquoi ils regroupent pas les gens par âge, par le fait qu’ils travaillent ou non, ou par leur état de santé mental… » Interrogée, la directrice adjointe de l’établissement estime que 20% des détenus vivent seul en cellule.
Dans le seul bâtiment rénové, le contraste est saisissant
En milieu d’après-midi, plusieurs dizaines de détenus profitent des espaces verts au cœur de la prison. Certains jouent au foot, d’autres à la pétanque. Plus loin, un homme fait des pompes, un autre des tractions. Ici, les détenus bénéficient d’une plus grande liberté qu’en maison d’arrêt. Les centres de détention accueillent les personnes qui ont le plus de chance de se réinsérer à la sortie de prison.
Dans le bâtiment D, rénové récemment, le contraste est saisissant. Pour les soixante détenus de cette section, il y a une armoire qui permet d’éviter les empilements précaires comme chez Gilbert. Les murs sont aussi repeints. Les structures des lits superposées sont neuves. C’est la seule section où les douches sont en cellule. Dans d’autres ailes de la prison, les douches sont collectives. Certaines d’entre elles sont mal aérées, l’humidité persistante produit une odeur de moisi. D’autres n’offrent qu’une intimité limitée aux détenus. « Pour poursuivre les rénovations des bâtiments et pour changer tout le système de chauffage, nous attendons encore un financement de Bercy », regrette Frédérique Matthys.

« C’est en prison qu’on observe la réalité concrète de la République. »
Après cinq heures de visite, le sénateur Jacques Fernique dresse un bilan contrasté des conditions de détention à Oermingen. L’élu écologiste apprécie d’abord les démarches entreprises pour permettre la resocialisation et la réinsertion des personnes incarcérées, de même qu’il se réjouit du « parloir flambant neuf » et les « appartements de famille (permettant des visites de quelques heures, voire quelques jours, NDLR) ».
Il déplore néanmoins les « conditions de vie qui confinent à l’inhumain dans des bâtiment très vétustes, avec des chambres exiguës et des installations qui nous ramènent à la ligne Maginot. Même si l’on sent aussi bien du côté des détenus qu’ils ne cachent pas leur préférence pour ce cadre là par rapport aux maisons d’arrêt. « On est au grand air », disent-ils et du côté du personnel, il y a une culture d’établissement manifeste. Le personnel est attaché à donner du sens à ce qu’ils font. Ça exige d’autant plus des pouvoirs publics un effort d’investissement pour la rénovation des bâtiments et la reconnaissance des équipes. C’est une conviction politique personnelle, c’est en prison qu’on observe la réalité concrète de la République. »
De quoi les prisons sont-elles le nom sinon de la volonté archaïque de vengeance de la société :
« S’attacher à déceler les causes profondes de la criminalité (…) c’était, pour les classes dirigeantes, risquer d’instruire leur propre procès » (1)
Comme pour nombre de djihadistes radicalisés, la société semble peu encline à considérer comme « siens » les individus incarcérés.
Je pense à la réaction de Roland Ries et Alain Fontanel qui au décours du drame du « Marché de Noël » de Strasbourg, du 11 décembre 2018, avaient appelé de leurs vœux que le présumé responsable, C. Chekkat, soit enterré….en Algérie, où il n’avait jamais mis les pieds !
De surcroît, « mieux connaître une population de plus en plus peuplée de toxicomanes, de malades mentaux ( et de détenus « juste » en situation irrégulière cad sans titre de séjour en règle) conduit forcément à se demander si de tels individus ne reflètent pas le malaise et les problèmes d’une société en crise bien plus qu’ils ne les provoquent. » (2)
En quoi notre sécurité serait-elle plus menacée ?
Les homicides représentent 1/ 1500 % des causes de décès
Si nous décidions de nous débarrasser des prisons ou à défaut de faire la fête aux détenus ayant purgé leur peine en signe de bienvenu à leur retour dans la société .
Quelles sont les causes les plus fréquentes de mort dans notre société ? (3)
En 2017, on a compté 600 000 décès dont plus de la moitié sont dus aux tumeurs et aux maladies cardiovasculaires.
40 000 décès sont dues aux causes respiratoires ( la malbouffe, l’excès de sel et de sucre, l’alcool et le tabac sont incriminés )
Ensuite, très loin derrière on compte les décès accidentels de la route 3157 ; 10 000 suicides, 6657 par chutes, 24 915 par accidents, 500 des suites du SIDA et très loin encore 430 par homicides.
Les victimes.
La question de la douleur des victimes et de la nécessité de la réparation s’imposent aussi.
Et celle du pardon, plus tard.
Quid de l’aide à la prise de conscience de la faute commise ?
Mais souvenons-nous bien que les victimes des actes les plus violents sont souvent des proches. « Rien d’étonnant à cela ! Comme l’observe le psychiatre Jean Picat, « le passage à l’acte est bien autre chose que le banal désir de « faire mal » (…) c’est oublier que « les objets d’amour » semblent plus exposé que les non-aimables aux conduites violentes (...) c’est oublier que, loin de se situer à l’opposé, Amour et Haine ne sont que les deux facettes(…) d’une même pièce » (4)
Je m’appuie sur le documentaire d’ Olivier Meyrou, « Au delà de la haine » qui montre le parcours d’une famille qui cherche à dépasser sa douleur, loin du désir de vengeance initial, pour s’engager dans un combat en faveur de la tolérance et du respect de l’autre, pour aller au delà de la haine.
La haine de trois skinheads qui vont tuer François Chenu, à Reims, le 13 septembre 2002, parce qu’ils le considèrent comme un homosexuel.
« Cette mort atteint au cœur les parents de François. Mais eux refusent la haine. Ils veulent savoir, comprendre. Et surtout amener les meurtriers de leur fils à prendre la mesure de leur crime, à se voir enfin tels qu’ils sont, dans leur indignité, dans leur barbarie.(…) Honorons ces parents admirables, et remercions le réalisateur pour cette leçon si précieuse d’humanité ». Robert Badinter.
(1) Robert Badinter, la prison républicaine, Paris, Le livre de poche, 1992, p.21
(2) Anne-Marie Marchetti avec la collaboration de Philippe Combessie, la prison dans la cité, Desclée de Brouwer, 1996, p. 300
(3) https://drees.solidarites-sante.gouv.fr/IMG/pdf/esp2017_5_principales_causes_de_deces_et_de_morbidite.pdf
(4) J. Picat, Violences meurtrières et sexuelles, Paris, PUF, 1982, p. 115 cité par A-M Marchetti, Perpétuités. Le temps infini des longues peines, Terre Humaine, 2001, p. 17