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Abonnements à 400€ par mois : les pratiques agressives et trompeuses des boutiques Hubside.store

Hubside.store a installé deux boutiques d’équipements multimédias à Strasbourg en 2021. Mais depuis plusieurs mois, une partie de leurs clients – souvent des étudiants – les accusent d’arnaques et de pratiques commerciales abusives. Le parquet de Paris vient d’être saisi par la direction de la répression des fraudes.

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Abonnements à 400€ par mois : les pratiques agressives et trompeuses des boutiques Hubside.store

Devantures bleu roi, logo lumineux, trottinettes électriques entreposées derrière les vitrines, intérieur high-tech à l’ambiance futuriste : trois boutiques Hubside.store, qui commercialisent des équipements multimédias (télévisions, ordinateurs, objets connectés et smartphones reconditionnés), ont été ouvertes à Strasbourg et Illkirch-Graffenstaden en 2021. 

Mais depuis décembre 2021, ces boutiques sont la cible de critiques et font face au mécontentement d’une partie de leurs clients. Les avis négatifs se multiplient sur internet, faisant état de « mensonges », « manipulations » et « arnaque ». 

Théo, un étudiant originaire d’Alsace en fait partie. Fin mars, il poste un message sur les réseaux sociaux : 

« Malgré des appels pour résilier, je me fais prélever des sommes d’argent pas possible alors que je suis étudiant… Comment faire pour annuler définitivement, avoir un remboursement ? »

La publication recueille plus de 130 commentaires, dans lesquels de nombreux internautes expliquent avoir également été victimes d’Hubside.store. Face à tant de témoignages, Théo décide alors de créer une discussion de groupe sur le réseau social pour réunir assez d’éléments et pouvoir porter une plainte collective contre les pratiques commerciales de ces boutiques.

D’une batterie externe offerte à la signature de contrats

L’étudiant se souvient du jour où il s’est rendu dans l’une des boutiques de l’enseigne. Début février, il se balade dans le centre-ville strasbourgeois lorsque des employés d’Hubside.store l’abordent, dans la rue. Ils lui expliquent que la boutique située près de la place Kléber lui offre une batterie externe s’il accepte d’assister à une présentation du magasin. 

Il accepte, et pendant près d’une demi-heure, un commercial lui expose les différentes formules de la boutique : 

« Le vendeur ne parlait que d’avantages en souscrivant chez eux. Par exemple, je pourrais payer moins cher un voyage… Il a aussi vu mon smartphone et m’a expliqué qu’en le vendant chez eux, je pourrais avoir un modèle plus récent avec 150 euros remboursés. Donc forcément, ça m’a vendu du rêve, parce qu’en tant qu’étudiant, on cherche les bonnes affaires. »

Pour bénéficier de ces avantages, Théo doit souscrire à la carte de fidélité de la boutique. Le vendeur lui assure qu’elle est gratuite le premier mois, et qu’il « pourra résilier à tout moment, en appelant un numéro ».

À la demande du vendeur, le jeune homme fournit ses informations personnelles et son relevé d’identité bancaire (RIB). Cinq codes lui sont envoyés par SMS pour signer électroniquement. Théo ne comprend pas : « il ne m’avait jamais parlé de 5 contrats. » 

Ces contrats sont des abonnements correspondant à cinq services distincts : une carte de fidélité, la location d’objets connectés, une assurance couvrant les équipements multimédias personnels, un « pack » pour assister à des évènements culturels ou sportifs et la création d’un site internet. Cumulés, ces abonnements coûtent près de 200 euros le deuxième mois. Ils passent à 400 euros le troisième, et la deuxième année, les prix de chaque contrat augmentent à nouveau.

Cinq numéros pour cinq résiliations

Durant son premier mois d’abonnement, Théo ne sera pas prélevé, comme lui a expliqué le vendeur. Avant la fin de sa mensualité offerte, l’étudiant passe une demi-heure au téléphone pour résilier ses contrats. Mais le mois suivant, c’est la douche froide : « J’ai été débité plusieurs fois, j’en ai eu pour plus de 300 euros, alors que je pensais avoir résilié. »

Théo n’avait, en fait, appelé qu’un seul numéro pour résilier, alors qu’il fallait en appeler cinq différents, correspondant à ses cinq contrats : 

« Non seulement le vendeur ne m’avait pas précisé qu’il fallait appeler cinq numéros, mais en plus, j’ai été débité pour le contrat que je pensais avoir résilié. » 

Il a finalement bloqué les prélèvements d’Hubside.store auprès de sa banque, qui lui a également remboursé une partie des prélèvements de l’enseigne.

Une boisson et des offres « alléchantes »

L’histoire commence de la même manière pour Valentin. Mi-février, alors qu’il se promène dans le centre-ville de Strasbourg, une employée d’Hubside.store l’aborde au niveau de la place Kléber. Elle lui présente la même offre : une batterie externe gratuite s’il entre dans le magasin.

Il accepte : « La boutique me paraissait sympa, alors pourquoi pas. En entrant, la vendeuse m’a tout de suite proposé une boisson. »

Selon Valentin, la commerciale l’assomme d’informations : 

« Elle parlait vite, il y avait plein de noms d’offres, plein de notions floues, mais les propositions étaient alléchantes. Avec leur carte de fidélité, on pouvait recevoir 1 200 euros à dépenser dans leurs magasins, gagner une tablette tactile, au bout d’un an de souscription. »

Après la présentation des offres et sans même savoir si son client est intéressé, la vendeuse lui demande directement ses coordonnées et son RIB « pour pouvoir bénéficier de la batterie externe ». Face à la réticence de Valentin, la commerciale insiste sur le premier mois gratuit et la facilité de résiliation. Il confesse : 

« Ça ne me paraissait pas cohérent de pousser quelqu’un à souscrire à une offre tout en lui conseillant de résilier avant de payer. Je suis rentré dans la boutique en ne pensant pas me faire inscrire contre mon gré aussi facilement, mais c’est allé tellement vite, je n’ai pas eu le temps de réfléchir. »

« Forçage psychologique »

Valentin parle d’un « forçage psychologique » au moment de la souscription. Il s’est senti coincé parce qu’il avait déjà donné ses coordonnées. Il témoigne aussi du « capital sympathie » de la commerciale : 

« Elle souriait tout le temps, et pendant la souscription, elle prononçait très souvent le mot « gratuit ». Elle me rassurait beaucoup, me tutoyait et m’infantilisait. J’étais impressionné, je me sentais emprisonné dans le processus. Je n’osais pas lui dire non, je n’y arrivais pas. »

L’étudiant reçoit des mails lui confirmant ses abonnements. À ce moment-là, il réalise qu’il vient de souscrire à cinq abonnements différents, dont un contrat « premium » – le plus cher – pour la création d’un site internet. L’étudiant accuse le coup :

« Elle m’a parlé de cinq offres, mais pour moi, ces offres faisaient partie des avantages de la carte fidélité. J’étais noyé par les informations et j’ai souscrit à ces contrats sans même savoir combien tout cela allait concrètement me coûter. »

Une demi-heure pour résilier… chaque contrat

Après être resté près d’une heure avec la vendeuse, Valentin rentre chez lui, paniqué. Il veut résilier sur le champ et pensait également n’avoir qu’un seul numéro à appeler. C’est une de ses amies qui lui a expliqué qu’il devait passer cinq appels différents. Valentin a mis près d’une semaine et demie pour pouvoir résilier : 

« Quand j’appelais, ça sonnait dans le vide pendant 20 minutes. Dès que j’arrivais à avoir quelqu’un, les appels duraient une demi-heure à chaque fois parce qu’ils essayaient de me convaincre de ne pas résilier. Certains me promettaient de gagner un iPad. À chaque fois, les mêmes procédés : des blabla interminables. Il fallait que je devienne méchant pour qu’ils acceptent ma résiliation. »

Il met en place un suivi de ses annulations, note ses appels et vérifie les mails de confirmation. Un suivi bien utile, puisqu’il se rend compte qu’il n’a pas reçu de confirmation pour la résiliation de son contrat d’assurance alors qu’on lui avait bien précisé que c’était le cas, au téléphone. Il a dû appeler une deuxième fois. 

Une fois le dernier mail de confirmation reçu, Valentin se sent soulagé mais aussi énervé : 

« J’ai jeté tous les prospectus, je n’avais qu’une envie, c’était de ne plus jamais en entendre parler. Tout ça pour une batterie externe qui ne marche même pas. »

Hubside.store appartient au groupe Indexia, anciennement SFAM (Société française d’assurance mobile). Et ce n’est pas la première fois que le groupe est accusé de vente déloyale. En 2019, la SFAM a été condamnée à une amende estimée à 10 millions d’euros pour « pratiques commerciales trompeuses ». Selon l’AFP, la DGCCRF (Direction générale de la concurrence, de la consommation et de la répression des fraudes) a transmis les conclusions d’une nouvelle enquête au parquet de Paris.

Contactée par la rédaction, la direction d’Hubside.store n’a pas donné suite à nos sollicitations. 


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