

Sous l’hôtel Régent Petite France, l’Ill s’écoulait avec un débit suffisant pour produire électricité et pains de glace jusqu’en 1990 (Photo MM / Rue89 Strasbourg)
Jusqu’en 1990, les Anciennes Glacières situées à la place de l’actuel hôtel Régent Petite France produisaient grâce au débit de l’Ill des pains de glace et de l’électricité. Sur Strasbourg 2028, vous êtes nombreux à plébisciter l’installation de micro-centrales hydrauliques à cet endroit, ainsi que dans divers quartiers. Une idée ancienne mais qui ne convainc plus, ou pas encore, les acteurs du secteur.
Le 24 août, le « carticipant » Sébastien Brant (alias Pierre Schweitzer, architecte de formation, ingénieur développement dans le domaine du livre numérique, membre du bureau du MoDem Alsace et ancien candidat aux élections cantonales de 2011 sous la bannière Idées avec Lucia D’Apote, dans le quartier gare à Strasbourg) publie deux propositions complémentaires sur le site Strasbourg 2028.
Du petit hydraulique à la Petite France et à l’Abattoir
L’une concerne l’installation de « micro-turbines pour [produire de l’] électricité verte sous le pont de l’Abattoir« , l’autre plaide pour la création d’un « musée des Glaciaires et [de la] production hydroélectrique » à la Petite France, dans les murs de l’hôtel Régent, face à l’écluse et à la place Benjamin-Zix. Sur la fiche du pont de l’Abattoir (à côté de l’ENA), Sébastien Brant/Pierre Schweitzer développe :
« Les chutes de l’Ill sous le Pont de l’Abattoir pourraient recevoir des micro-turbines pour la production d’électricité « verte » [ndlr, entendre renouvelable, sans trop d’incidence sur le milieu naturel] permettant par exemple de recharger une flotte de voitures électriques en auto-partage. La passe à poissons sera réaménagée à cette occasion. »
Dans la foulée, à certains commentateurs sceptiques, Pierre Schweitzer répond qu’une « note de calcul précise a établi la capacité de production hydraulique de l’Ill à l’entrée de Strasbourg, tenant compte du débit de l’Ill, de la hauteur des chutes, du rendement des turbines, du débit réservé pour les poissons et la navigation, etc. Il en ressort que plusieurs centaines de voitures pourraient être rechargées chaque jour avec l’énergie de la rivière ».
Recharger 1 000 voitures ou éclairer 500 foyers
Ces calculs ont été réalisés en 2011, dans le cadre de la campagne des cantonales (à lire en 2ème partie du programme). Interrogé par nos soins, Pierre Schweitzer et Lucia D’Apote, sa colistière, croient encore au projet :
« Les turbines des Anciennes Glacières [ndlr, actuel hôtel Régent] ont fonctionné jusqu’à la fin des années 1980, c’est bien que le potentiel est là ! Actuellement, il serait néanmoins plus simple d’installer des micro-turbines sur le pont de l’Abattoir, qui est libre de toute construction. Nous avons rencontré le directeur d’Electricité de Strasbourg qui s’est dit ouvert à étudier le dossier, même si nous sommes conscients qu’aujourd’hui ES ou EDF sont plus intéressés par rentabiliser le parc nucléaire installé (mais vieillissant) que par investir dans le micro-hydraulique…
[Il n’empêche] dans nos calculs, en tenant compte des besoins de la navigation et des passes à poissons, le débit de l’Ill permettrait de produire soit de quoi alimenter environ 1 000 voitures en autopartage, soit tout l’éclairage public du canton gare, soit la consommation de 500 foyers hors chauffage. »

Les Anciennes Glacières (Petite France) possèdent deux alternateurs qui produisaient de l’électricité qui alimentait l’usine et était revendue (Photo MM / Rue89 Strasbourg)
Seulement, plusieurs freins empêchent actuellement l’exploitation du débit de l’Ill à Strasbourg. Alors que divers entreprises (les Anciennes Glacières à la Petite France, mais aussi les Moulins Becker à la Ganzau, la papeterie Lana à la Robertsau ou l’usine de chocolat Suchard à la Meinau…) utilisaient naguère la force de l’eau pour produire de l’électricité, toutes ont cessé de le faire ces 20-30 dernières années.
Difficultés réglementaires : poissons, navigation, droits d’eau
Du coup, les barrages ont été progressivement démontés, conformément à des directives européennes de protection de la faune et de la flore, la navigation de tourisme s’est développée sur l’Ill à Strasbourg et VNF (Voies navigables de France) ne serait pas trop pressé de voir refleurir des turbines en ville. C’est ce que confie Pierre Ozenne, candidat sur la liste d’Alain Jund aux élections municipales (EELV) et ancien chargé d’études à la direction interrégionale de Strasbourg chez VNF :
« VNF est gestionnaire de l’Ill de Colmar à Gambsheim. A Strasbourg, on a pas mal de problèmes, avec des modifications à faire au Régent et à l’Abattoir pour une meilleure gestion des crues. Pour l’instant, on ne fait rien, parce que si l’on modifie quelque chose, ça va coûter très cher, notamment parce que ces barrages n’ont pas de passes à poissons, ce qui est illégal. Donc, même si l’idée de micro-centrales est très séduisante, le cadre réglementaire – les droits d’eau notamment -, les besoins importants de Batorama, le débit de l’Ill divisé en 5 bras à Strasbourg et les investissements qui devraient être consentis ne permettent pas de lancer ce type de projet tout de suite. »
Mais le jeune écolo de noter : « On y viendra peut-être si les prix de l’énergie continuent à augmenter. Il faudra alors faire un choix politique entre la nécessité environnementale de préserver la diversité piscicole et celle de produire de l’énergie ».

La salle des turbines des Anciennes Glacières, peut-être un jour ouverte au public sous forme de musée (Photo MM / Rue89 Strasbourg)
Le micro-hydraulique, pas encore la priorité de la CUS
De son côté, la collectivité (ville de Strasbourg et CUS) n’exclut pas non plus l’exploitation de petit hydraulique dans l’avenir, même si elle s’est d’abord concentrée sur la valorisation de sources d’énergie plus productives. C’est ce qu’explique Thierry Willm, chef du service énergie, réseaux et prospective à la CUS :
« Nous avons travaillé en priorité sur les projets d’envergure, comme les réseaux de chaleur à l’Elsau et à l’Esplanade [ndlr, et bientôt à Hautepierre ou au Wacken] alimentés par l’énergie fatale (perdue) de l’usine d’incinération, de la biomasse ou, dans le futur, de la géothermie profonde. Mais dans notre recherche d’autonomie énergétique, aucun levier ne sera négligé, ni le biométhane, ni l’éolien, le photovoltaïque ou l’hydraulique, actuellement sur le Rhin. Concernant le micro-hydraulique, nous n’avons entre nos mains pour le moment qu’une pré-étude de l’hôtel Régent datée de 2007. Si ce projet privé s’était fait, il aurait fourni une belle vitrine. Il n’est peut-être pas trop tard… »
Mais bientôt un élu en charge de l’énergie
Dans cette pré-étude du Régent, il est indiqué d’après le chef du service énergie que la rentabilité de la micro-turbine serait atteinte en 8 ans (calcul hors subventions publiques). Thierry Willm reprend :
« Même si nous avons notre ordre de priorités, dans les prochaines années, il faudra aussi exploiter des installations aux potentiels plus modestes, via, pourquoi pas, des initiatives privées ou citoyennes chapeautées par la collectivité. La part du nucléaire [dans la production d’électricité en France] va forcément baisser et l’on va devoir produire à l’échelle des quartiers, avec des hydroliennes ou des panneaux solaires, pour ne pas avoir à restructurer tout le réseau. »
Eurométropole dans quelques mois, la communauté urbaine de Strasbourg aura de fait une compétence élargie en matière de transition énergétique, avec autorité en matière d’organisation de l’énergie sur son territoire. Et, forcément, un élu en charge de cette question.
Avec la participation d’Eric Hamelin
Aller plus loin
Notre série Carticipe :
Sur Rue89 Strasbourg : pourquoi la gare de Strasbourg n’est pas (encore) ouverte à 360°
Sur Rue89 Strasbourg : sur Strasbourg2028, les transports, préoccupation première des Strasbourgeois
Sur l’énergie :
Sur Rue89 Strasbourg : Strasbourg prend le contrôle de la distribution d’énergie
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Sur Rue89 Strasbourg : comment Strasbourg va profiter de la chaleur de son sous-sol
Sur Rue89 Strasbourg : centrales biomasse, les ressources alsaciennes n’y suffiront pas
Afin de faire suite à l'idée "excellente....." d'éoliennes pour produire de l'électricité verte je me suis tout de même reposé la question de l'ignorance ou de la volonté de faire du "neuf" (car c'est plusss beau...et dans le vent) que de se reposer la question déjà soulevée dans l'un de vos articles de la ré-exploitation des microcentrales au fil de l'eau dont les travaux d'infra structures sont existantes et pour , au moins 2 d'entre elles: Graffenstaden, Olida , non concernées par Batorama. .Ancien d'Alcatel Graffenstaden, je connaissais l'utilisation de, au moins de ces 2 centrales, pour leur utilisation dans l'alimentation électrique (partielle bien entendu) des usines à l'époque. Or cette énergie est TRES certainement moins aléatoire que l'éolien ( il est vrai qu'avec l'ENA l'éolien est bien fourni...) encore faut il que nos élus veuillent bien, sans créer de commissions, réunions, normalisations etc.. s'en préoccuper!
http://goo.gl/ekVqLt
Ici, on propose d'exploiter les gisements hydrauliques moins importants, celui des rivières. On parle de mini- voire de micro-hydraulique. Ces installations sont beaucoup plus petites qu'un barrage sur le Rhin, mais elles sont aussi potentiellement beaucoup plus nombreuses.
http://www.localtis.fr/cs/ContentServer?pagename=Mairie-conseils/MCExperience/Experience&cid=1250259973495
Les turbines des Glacières de la Petite France ont produit du froid jusqu'à la fin des années 80, sous forme de pains de glace. Remettre en service certaines de ces turbines serait l'occasion de valoriser ce patrimoine industriel, avec un musée des Anciennes glacières.
http://www.glacest.org
Monsieur le Rédacteur en Chef,
Bonjour,
Depuis que le gouvernement a décidé de vouloir arrêter FESSENHEIM, il est "de bon ton de parler d'énergies renouvelables", pour compenser cette perte.
On cite surtout l'éolien, le photovoltaïque, le biogaz, etc ... Mais on n'évoque que rarement la force de l'eau, qui était pourtant avant le XXème siècle, la seule véritable source d'énergie utilisée, pour faire tourner les moulins, les scieries, les manufactures, les forges, etc ... citation,
Alors pourquoi ne pas rééquiper les chutes d'eau disponibles dans nos campagnes et surtout dans nos vallées pour profiter de cette énergie gratuite et illimitée; qui un jour a déja actionné une roue à aube, une turbine... Souvent les barrages, les canaux de dérivation existent encore, les droits de moulinage sont encore inscrits. Il en reste encore les noms, rues du Moulin, du Canal, du Barrage, ...
A quand un industriel (Alstom, ABB, ...) qui se lancerait dans la construction de "micro centrales intégrées"; assemblées dans un contenaire, puis immergées dans un barrage, un canal,... avec les techniques modernes, plus de vibrations dans les bâtiments voisins.
Au contraire de l'éolien et du photovoltaïque qui ne débitent pas en continu, la production sur une journée peut-être comparable. Avec les progrès de l'électronique de puissance on s'affranchi de la vitesse de l'eau .
Rien que sur Strasbourg; dans la Petite France les anciennes centrales des glacières et Schahl, ainsi que le barrage du pont de l'Abattoir (photos jointes) pourraient de nouveau produire du courant électrique; sans parler des centrales existantes sur l'Ill au droit des usines; et rien qu'en Alsace ?
Combien d'eau va encore passer sous les ponts pour qu'à nouveau cette énergie de proximité soit "à la mode" et reprise dans leurs résolutions par les "politiques", élus de tout bord ? Il serait intéressant de recenser les sites à travers la France .
En espérant que ce message suscite l'intérêt, des lecteurs et des politiques, Recevez mes cordiales salutations
Roland NIKLAUS
Tél: 03 88 83 56 62
"Abonné DNA"
25rue des Malteries - 67 300-SCHILTIGHEIM
D'abord parce que le potentiel français est presque entièrement exploité, et que de ce fait les marges de production à grignoter dans le domaine sont faibles.
Sur le sujet des micro-centrales -qui pèsent de manière marginale à côté des grands barrages fluviaux, d'où la remarque précédente-, il reste quelques marges en effet. N'oubliez pas qu'un bon nombre de ces centrales sont dans des zones isolées et peu habitées- quid alors du coût de transport de l'énergie et de son rendement -. Enfin et surtout, il faudra repenser le rôle jacobin d'EDF consécutif à la nationalisation du secteur de l'énergie en 1946 [dûment motivé à l'époque].
En effet, si les entreprises locales de distribution existent, leurs marges de manoeuvre restent faibles et il faudrait repenser leur attributions, missions et gestions: louable, mais le débat sera pas simple à mener en France... on devine déjà le clivage. De plus, restaurer ce type d'installation a un coup réel en investissement et en fonctionnement d'où l'opportunité d'un débat qui ne doit pas être biaisé par les écolos-cons sur les choix d'investissement et leurs opportunités - et certains penseront légitimement qu'il y a des dépenses publiques plus efficaces que celle-là -.
Nettement plus pertinent que l'éolien et le photovoltaique, la CSPE devrait en priorité subventionner significativement le prix de rachat de l'électricité pour ce type de projets.
Reste que les contraintes réglementaires et techniques de montage de projet qui sont incompressibles et imposent à ce type de projets de très longs délais de montage de dossier (en clair plusieurs années).
Une volonté et un soutien au montage de projet des collectivités serait clairement souhaitable.
Il n'empêche que le potentiel en terme de production énergétique reste très modeste, et que cela ne constituera de toute façon qu'une réponse très insuffisante en regard du doux rêve de certains de s'affranchir du nucléaire.
Ceci dit, merci pour cet article fort intéressant qui répond à plusieurs de mes questions (j'avais aussi "carticipé" sur le sujet) et en profite pour saluer Pierre Ozenne.
pour info, entre Kembs et Iffezheim se trouvent 10 centrales hydro-électriques qui fournissent en moyenne 150 MW chacune (plus ou moins) plus 2 micro-centrales, l'une à Vogelgrun/ neuf brisach, l'autre en construction à Kembs.