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Étudiants étrangers : l’Unistra exonère en 2019 et cherche des solutions pour ensuite

Le Conseil d’administration de l’Université de Strasbourg a voté les modalités pour contourner la hausse de 1 500% des frais de scolarité pour les non-européens. Comme les étudiants actuels ne sont pas concernés, cela suffira pour 2019/2020, mais pas au-delà. Pour la suite, elle cherche d’autres pistes.

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Étudiants étrangers : l’Unistra exonère en 2019 et cherche des solutions pour ensuite

L’Université de Strasbourg (Unistra) était bien renseignée. En dépit de l’opposition annoncée de son président, les décrets sur la multiplication par 16 des frais de scolarité pour les étudiants non-européens (de 170€ à 2 770€ pour les licences et 243€ à 3 770€ pour le master) sont parus le dimanche 21 avril. Elle a pu, comme programmé, délibérer lors d’un conseil d’administration extraordinaire dès la reprise après le week-end de Pâques ce mardi 23 avril.

Comme l’indiquait Rue89 Strasbourg, la délibération prévoit que les étudiants dits extra-communautaires voient leur frais abaissés au même prix que leurs homologues. Une différence financée par les fonds de l’Unistra. Le gouvernement a d’ailleurs rappelé cette disposition, dans la limite de 10% des effectifs, dans une « fiche pratique » aux universités, « en raison du temps nécessaire pour construire et mettre en place une stratégie d’attractivité de l’établissement ».

L’Université de Strasbourg cherche à maintenir son fort contingent d’étudiants étrangers malgré l’explosion de leurs frais de scolarité. (Photo Pascal Bastien / Divergence)

Joint à l’issue du conseil, le président de l’université de Strasbourg, Michel Deneken, affirme que compte tenu des exceptions listées dans les décrets, il est désormais possible d’exonérer l’ensemble des demandeurs (argument opposé en mars, car le seuil aurait été franchi) :

« Tout le monde sera exonéré en 2019/2020, la marge est même un peu plus importante que prévue. »

Complications après 2020

Mais cela va se compliquer à l’avenir, car les étudiants actuels qui ont entamé leurs études en France ne sont pas concernés par cette hausse. Avec les années, ces derniers termineront leur cursus et seront remplacés par d’autres qui ne seront plus exemptés.

Michel Deneken assure que la bataille politique ayant échoué, les directions, qui ont pour la plupart affirmé une opposition à cette hausse subite jamais évoquée lors de la campagne présidentielle, cherchent désormais d’autres pistes pour contourner la législation :

« On a vu au Sénat et à l’Assemblée nationale, il y avait certes des amendements, mais la mesure a quand même abouti. On explore les pistes au niveau de la Conférence des présidents d’Université (CPU), comme des conventions avec des établissements extra-communautaires, qui précisent que les frais de scolarité sont « réciproques ». En clair, il faudra qu’un étudiant s’inscrive dans un établissement non-européen et vienne étudier chez nous pour ne pas être comptabilisé comme extra-communautaire. Les décrets proposent aussi des exonérations qui vont dans le sens des stratégies des établissements, or nous avons un axe fort avec l’Afrique noire et francophone. Nous utiliserons au maximum ce que la réglementation nous propose. En annexe, nous avons aussi rappelé la motion d’opposition que nous avons votée à l’unanimité en janvier, qui remonte au Rectorat, représenté au conseil d’administration. »

Représentant de l’association majoritaire d’étudiants l’Afges, opposée à la mesure, Alexandre Meny se satisfait de la décision temporaire, mais rappelle qu’il faudra reprendre des décisions à l’avenir :

« C’est une délibération pansement. Le décret a permis d’enlever les boursiers d’État du décompte des 10%, qui représentent 2,4% des effectifs. Si bien que le pourcentage d’extra-communautaires d’exonérés serait de 9,2% en 2019/2020, s’il y a le même nombre de demandes qu’en 2018/2019 (les premiers retours indiquent une baisse drastique des candidatures partout en France, ndlr). Le CA a aussi demandé à ce qu’une telle exonération soit pérenne et rappelé son opposition même s’il est vrai qu’elle ne fonctionne pas. La piste de la convention avec les établissements étrangers est intéressante. »

Reste que cette exonération générale va représenter un manque à gagner pour l’Unistra et que l’État pourra répondre aux établissements d’activer ces nouvelles recettes potentielles en cas de difficultés budgétaires. « On l’assume. On verra dans le temps si c’est tenable », répond Michel Deneken.

Des mesures d’acceptation pour l’opposition

Pour s’opposer plus frontalement, le syndicat d’enseignants SNESUP-FSU avait proposé de mettre en jeu une démission collective du président et des administrateurs. « Cela n’a pas été rappelé en conseil d’administration. Cela n’aurait aucune incidence sur les décrets, si ce n’est d’affaiblir l’Université. C’est le gouvernement qui augmente les droits et l’Université de Strasbourg qui les baisse, pas l’inverse. Si on ne votait rien, la hausse s’appliquait », balaie Michel Deneken.

Pour l’opposition, ces différents aménagements permettent en fait de faciliter l’entrée progressive de cette mesure, d’éviter les articles critiques reflétant le destin d’étudiants brillants obligés de rentrer dans leur pays, mais pas de s’opposer frontalement.

Pour Julien Gossa, élu de la liste Alternative, « l’exonération globale n’est en aucun cas une mesure d’opposition, mais une mesure de bonne mise en œuvre » :

« Michel Deneken a refusé que le CA demande l’abrogation de la mesure, que l’on refuse de faire payer des droits différenciés, quitte à baisser le nombre d’étudiants, ainsi que de banaliser un journée en signe de protestation. Il n’y a aucune vision au-delà d’un an, ce qui n’a aucun sens. Interrogé sur sa vision des frais d’inscription sur les 5/10 prochaines années, il a répondu qu’il n’en savait rien, mais qu’il ne fallait plus compter sur le financement publics, chroniquement insuffisants pour assurer nos missions. »

Une partie des membres de la liste opposante a quitté la salle sans participer au vote. La délibération a été adoptée à l’unanimité moins une abstention. Mais le sujet devrait revenir dans les futurs conseils d’administration.


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